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GAZETA SHQIPTARE
Albanie : le scrutin municipal de Tirana annulé
TRADUIT PAR MANDI GUEGUEN

Publié dans la presse : 4 décembre 2003
Mise en ligne : vendredi 5 décembre 2003

Sur la Toile

Les résultats des dernières élections à Tirana sont rejetés par le Collège des Elections, une décision qui crée des remous dans l’ensemble de la classe politique albanaise.

 

Par Artur Korriku

Le juge du Collège des Élections qui a rejeté les élections à Tirana, Agim Ferizaj, ne se doutait pas en ce faisant, éveiller une réaction aussi acerbe de la classe politique. Avec deux autres collègues, ces trois juges qui ont décidé l’annulation de ces élections, se sont retrouvés pris entre deux feux, accusés de corruption par le Premier ministre, Fatos Nano, d’avoir été acheté par les trafiquants de drogue, par le journal du PS, et de s’être vendus à Fatos Nano, par l’ex-Premier ministre, Ilir Meta. Après une telle batterie d’accusations, Agim Ferizaj a accepté de rendre compte des infractions découvertes dans les procès-verbaux de Tirana, de la décision subjective du Comité Central des Élections et des raisons qui l’ont amené à prendre cette décision qui l’identifiera désormais comme « le juge qui annula les élections à Tirana ».

Gazeta Shqiptare : Vous avez été accusé par les directeurs du PS, d’avoir décidé l’annulation des élections dans 130 bureaux de votes, sous la pression.

Agim Ferizaj : Il s’agit de 129 bureaux de votes, où les électeurs vont revoter. Je tiens à préciser que durant tout notre travail, nous n’avons reçu ne serait-ce qu’un seul coup de téléphone de la part d’aucun des deux pôles de la politique, afin de nous influencer dans notre décision.

Gazeta Shqiptare : Comment avez-vous procédé pour aboutir à une telle décision ?

Agim Ferizaj : Nous avons travaillé plus de deux semaines. Nous avons examiné toute la documentation de tous les bureaux de vote de la capitale, de 8 heures du matin à minuit, en ayant comme cadre législatif le Code des Élections et le Code Civil. Vérifications faites, nous nous sommes résolus à refaire les élections dans 129 bureaux de vote.

Gazeta Shqiptare : De quelle nature étaient les infractions que vous avez constatés dans ces bureaux de vote ?

Agim Ferizaj : Les infractions ont été diverses et multiples : absence de procès-verbaux, de certifications, … Un dossier spécial a été constitué. N’importe quelle institution spécialisée pourra évaluer le travail effectué.

Gazeta Shqiptare : Que dites-vous des accusations faites aux membres du Collège des Élections ?

Agim Ferizaj : Je regrette de voir une institution telle que la justice attaquée d’une telle manière. Les accusateurs n’ont pas à en être fier.

Gazeta Shqiptare : Pensez-vous que votre décision crée des problèmes au Comité Central des Élections ?

Agim Ferizaj : Il n’y a pas de raisons que cela arrive. Le Comité Central des Élections n’a pas à être traîné dans la boue à cause de la décision du Collège d’Appel. Ce Collège a été créé afin de corriger les erreurs et les infractions. Pourquoi n’y a-t-il eu aucune réaction au sujet d’Himara ? Les infractions constatées dans les deux villes sont ressemblantes. Je pense que le Comité Central des Élections a rassemblé des représentants politiques qui peuvent être partiaux. C’est afin de prévenir cela que le Code des Élections a prévu la création du Collège des Élections.

 


 

Déclaration à la Presse

Le Collège des Élections : pressions politiques sur notre travail.

Les Membres du Collège des Élections ont réagi hier au sujet des déclarations publiques faites à leur égard par des sujets politiques.

« Nous avons été recrutés au vu des dispositions du Code des Élections, par tirage au sort, par une procédure publique, peut-être même contre notre gré, mais nous nous sommes engagés à donner notre contribution aux élections du 12 octobre dernier », formulaient dans leur déclaration les membres de ce tribunal. Selon eux, jusqu’à aujourd’hui cette instance a jugé 115 affaires, qui sont liées à des conflits précédant et suivant les élections. « Nous sommes désormais convaincus d’avoir appliqué la loi », disent-ils encore.

Ils ne nient pas, cependant, le fait que les hommes politiques, tous courants confondus, aient exercé des pressions sur leur travail, sous toutes les formes, et avec tous leurs moyens.

« Nous déclarons que la politique en général, et les politiques ou individus en particulier, de manière directe ou indirecte, avec des moyens divers, ont exercé et continuent à le faire, des pressions afin de réaliser leur buts », affirment les juges. Et d’ajouter : « L’un d’eux nous montre "le banc des accusés", un autre nous traite de "bande de Fatos Nano", un autre de "juges achetés par la mafia" ».

Les juges ont demandé aux politiques de cesser les pressions à leur égard, et de ne pas créer une situation de peur et d’insécurité. Le juge n’est la propriété d’aucun parti politique. Il ne s’exprime qu’en tenant compte de la loi et la décision prise par le Collège des Elections qui a ses pleins pouvoirs, « doit être acceptée ». Dans le cas contraire, « lorsque le juge est attaqué injustement, comme cela arrive souvent, la politique est source d’anarchie, ce qui a fait beaucoup de torts à ce peuple », termine ainsi la déclaration.

La sous-directrice du Parlement, Jozefina Topalli, déclarait dans une conférence à la presse que « les menaces exprimées par Fatos Nano à l’égard des trois membres du Collège des Élections seront dénoncées à Strasbourg ». Selon elle, la dénonciation de cette déclaration du Premier ministre sera adressée aussi à tous les représentants internationaux en Albanie. Le but de cette opération consiste à faire pression sur le gouvernement afin de garantir la protection des juges menacés. . Jozefina Topalli a demandé au Président de la République, en tant que Chef du Haut Conseil de la Justice, d’exiger des explications et de condamner la déclaration de Fatos Nano. En qualifiant de terrorisme politique, le ciblage des trois juges du Collège des Élections, Jozefina Topalli a souligné que cela constitue « une atteinte réelle à l’indépendance des juges en Albanie ». Elle a rejeté les accusations d’Ilir Meta, de compromis entre les juges et Fatos Nano ou Sali Berisha sur la décision du Collège des Élections. « Celui qui a été le plus terrorisé par la décision du Collège des Élections, est Fatos Nano, qui a réagi en menaçant les juges sur leur vie », affirmait Topalli, en lançant un appel à tous les juges d’appliquer la loi même s’ils étaient confrontés à de telles menaces publiques.

 


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