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KOHA DITORE
Rugova et Zivkovic s'expriment sur l'avenir du Kosovo
TRADUIT PAR BELGZIM KAMBERI

Publié dans la presse : 16 juin 2003
Mise en ligne : mercredi 18 juin 2003

Sur la Toile

Koha Ditore publie deux entretiens parallèles, l'un avec le Président du Kosovo, Ibrahim Rugova, et l'autre avec le Premier ministre serbe, Zoran Zivkovic. Est-ce que l'indépendance du territoire « calmerait tous nos voisins », ou « entraînerait des problèmes dans toute la région » ?

 

Entretiens réalisés par Adelheide Feilcke-Tieman pour la Deutsche Welle.

 


 

Ibrahim Rugova : « le Kosovo est prêt pour l'indépendance »

Comment voyez-vous le Kosovo quatre ans après la fin de la guerre ?

Rugova : Après quatre années de liberté, le Kosovo est une région qui a progressé dans tous les domaines. Maintenant, nous nous préparons au développement économique avec des privatisations et des investissements : ce sont les objectifs actuels du gouvernement et de toutes les institutions du Kosovo. Naturellement, le Kosovo est sur la route de son indépendance. Le Kosovo est aussi en route vers son intégration à l'UE et à l'OTAN. Son amitié pour les États-Unis est constante.

Comment voyez-vous la réalisation de l'indépendance ?

Rugova : L'indépendance du Kosovo est une revendication de tout le peuple du Kosovo, et cela depuis le référendum de 1991. L'indépendance a été acceptée par toutes les institutions et, bien entendu, en tant que Président du Kosovo, je représente cette aspiration et souhaite que l'indépendance du Kosovo arrive le plus tôt possible. Le chemin le plus court est sa reconnaissance par les États-Unis et l'UE, puis celle, formelle, des Nations unies. Une telle chose calmerait tous nos voisins.

Et si la partition du Kosovo est exigée en échange de l'indépendance ?

Rugova : Le Kosovo a déjà assez payé et la partition relève de la spéculation. Le Kosovo doit être reconnu avec ses frontières actuelles parce que - comme vous le savez - aucune frontière n'a été modifiée depuis la dissolution de l'ex-Yougoslavie.

Vous avez appuyé la formule de Steiner, les « standards avant le statut » [1] ?

Rugova : M. Steiner a posé ces standards comme des conditions d'intégration à l'UE et aux autres institutions diplomatiques et financières internationales. Nous soutenons donc ces standards et nous travaillons activement à leur réalisation. Mais il est évident que si la réalisation des standards avancent parallèlement au statut, ça ne peut être que positif.

Une de ces conditions est le dialogue avec vos voisins, dont naturellement la Serbie. Comment voyez-vous ce dialogue ?

Rugova : Nous dialoguerons avec tous nos voisins. C'est un des objectifs prioritaires de nos institutions. Les discussions se dérouleront d'abord dans le but d'améliorer les relations politiques et la libre circulation des personnes et des marchandises, car toute la région est paralysée par des frontières peu poreuses. Nous discuterons ensuite de questions techniques et de collaboration dans divers domaines d'intérêt commun, de projets et de stratégie de développement économique par exemple.

Est-ce que les institutions du Kosovo sont prêtes à discuter du statut du Kosovo ?

Rugova : Nous sommes prêts, c'est très simple. L'indépendance du Kosovo viendra et toutes nos institutions et nos citoyens l'attendent. Je ne sais pas qui répand des mythes à ce sujet. Si une petite réunion internationale se déroule pour déterminer enfin le statut final, c'est-à-dire l'indépendance du Kosovo, nous sommes prêts.

 


 

Zoran Zivkovic : « priorité à la sécurité »

Qu'a-t-on fait pour résoudre la question du Kosovo, quatre ans après la guerre ?

Zivkovic : Très peu. L'un des seuls succès est l'absence de conflit armé dans la région. Il n'y a pas vraiment eu d'autres progrès. La communauté internationale tarde à remplir ses obligations. De son côté, le gouvernement de Serbie a rempli les siennes il y a un an maintenant. Le retour des Serbes n'a pas encore commencé et ceux qui vivent au Kosovo ont de sérieux problèmes de sécurité et n'ont aucune liberté de mouvement. L'accord signé sur la décentralisation n'a pas encore été appliqué. Les résultats des mandats des Nations unies - Kouchner, Haeckerupp et Steiner - sont négatifs.

Que doit-on faire pour améliorer la situation ?

Zivkovic : Il faut améliorer le niveau de sécurité. Cela est possible parce qu'il y a une forte présence internationale de ce point de vue, sans compter la soi-disant TMK [2] et la police locale. Si on voulait vraiment augmenter le niveau de sécurité, ça pourrait se faire en une semaine, mais il semble que cette volonté n'existe pas. Une amélioration de la sécurité des Serbes créerait des conditions favorables au retour des personnes déplacées. L'autre question est celle de la décentralisation, qui procurerait aux organes municipaux les moyens de résoudre les problèmes des citoyens.

Selon vous, comment peut-on résoudre la question du statut final du Kosovo ?

Zivkovic : Le statut final doit être résolu de manière à ne pas provoquer de nouvelles déstabilisations. Cela exclut donc l'indépendance : une telle solution entraînerait des problèmes en Serbie, au Monténégro, en Macédoine, en Albanie et dans toute la région... Je respecte le point de vue de la communauté internationale qui dit que ce n'est pas le moment de déterminer le statut final du Kosovo. Pour l'instant, l'important est de remplir des standards déterminés dont la sécurité et le retour des déplacés. Je pense que les conditions pour résoudre ces deux problèmes existent et qu'il s'agit seulement d'une question de volonté.

Qu'attendez-vous du Sommet de Thessalonique ?

Zivkovic : Je m'attends à ce que le Sommet de Thessalonique confirme les discussions des deux derniers mois à Washington, Bruxelles et ailleurs, que ce soit l'occasion que l'UE saisisse pour affirmer qu'elle souhaite intégrer à terme les Balkans et qu'elle y précise ses exigences. Il est très important que l'on pose des conditions définies pour que la Serbie et le Monténégro apparaissent sur la liste blanche de Schengen. Ce sont les résultats minimaux que nous attendons de Thessalonique.

(Mise en forme : Stéphane Surprenant)

 

 


[1] Voir notamment notre article, Kosovo : les standards économiques élastiques de l'administrateur Steiner.

[2] Corps de Protection du Kosovo - Trupat Mbrotjese te Kosoves