SHEKULLI
Albanie : difficile dédommagement des anciens propriétaires
TRADUIT PAR MANDI GUEGUEN
Publié dans la presse : 25 novembre 2003
Mise en ligne : jeudi 27 novembre 2003
Une commission parlementaire examine la loi sur la restitution et la compensation des propriétés séquestrées par le pouvoir communiste. Or, les terres disponibles sont rares, et le gouvernement n’a pas d’argent pour dédommager les anciens propriétaires.
Les députés de la Commission parlementaire sur l’économie et les finances expliquent que l’État ne possède pas de terres libres pour compenser matériellement les propriétés. De plus, le coût financier de la compensation serait de près de 4 milliards de dollars. « Le ministère de l’Agriculture et de l’Alimentation n’a aucune carte précise établissant les terres libres, il ne connaît pas la limite des compensations matérielles, et il n’a pas les moyens financiers de les mettre en oeuvre », affirme Robert Çeku, membre de cette Commission. Il juge inutile la discussion de cette loi au Parlement, au moment même où cette Commission examine un à un les articles du projet de loi établi par l’OSCE sur la restitution et la compensation des propriétés. Les députés estiment que cette loi reste inapplicable avant de connaître véritablement la quantité de terres matériellement ou financièrement compensables. Sabedin Balla, député du Mouvement de la Légalité, membre de cette Commission, souligne aussi la non-disponibilité de terrains libres. Le côté positif de cette loi tient la restitution sans limites de tous les biens immeubles à leurs propriétaires. Robert Çeku souligne que le budget prévisionnel pour 2004 ne prévoit pas de fonds pour la compensation et la restitution des propriétés à leurs anciens propriétaires, ce qui montre bien le peu d’intérêt que le gouvernement accorde à ce projet.
La restitution et la compensation des propriétés mobilières feront l’objet d’une loi future. C’est ce que déclarait le chef de la Commission, Ylli Bufi, en expliquant qu’il est « encore tôt pour parler de la facture des propriétés mobilières, puisqu’on n’a pas encore calculé celle des propriétés immobilières ». Le député Sabedin Balla explique que les biens meubles doivent être restitués à leurs propriétaires, mais le coût élevé et presque imprévisible de cette opération reste inquiétant, et cela nécessitera une loi spéciale. Cet avis est partagé par la plus grande part des députés. Selon Ylli Bufi, il n’est pas encore temps de restituer les biens meubles, car « ce sujet n’a pas encore été examiné et il suppose d’autres lois ». Selon les députés de la Commission parlementaire, il faudra au moins dix ans pour compenser les propriétés immobilières, et la compensation des autres biens meubles tels que bijoux, or, etc., ne pourra être envisagé que par la suite.
La loi ne reconnaît pas les anciens propriétaires qui devaient des impôts extraordinaires au gouvernement communiste. Ylli Bufi explique que ces personnes n’ont pas payé ces impôts et, de ce fait, elles ne récupéreront pas leurs biens, car ils ont été séquestrés par le gouvernement de l’époque. Sabedin Balla préoccupé, déclare qu’il ne faut pas mettre tout le monde dans le même panier. “La notion de propriété illégale, a été utilisée par le gouvernement communiste afin de pénaliser beaucoup de personnes, mais nous ne sommes pas contre la restitution et la compensation des biens à ces anciens propriétaires”. Il explique qu’avant de pénaliser ces anciens propriétaires, il faut effectuer une étude complète.
« Il faudrait revendre l’Albanie à dix reprises pour compenser financièrement les anciens propriétaires », affirme Robert Çeku, qui souligne l’importance d’un vrai tableau prévisionnel des compensations et de leur procédure, ainsi que la carte des zones libres, avant de discuter inutilement de cette loi. Il rappelle l’absence de fonds prévus par le budget 2004, alors que la loi entrera en vigueur en janvier 2004. La compensation matérielle est un problème sérieux, car tous ne pourront pas être compensés, et qu’il faudrait beaucoup d’argent pour dédommager tout le monde. « S’il fallait tenir compte du niveau actuel du marché, il faudrait au moins dix milliards de dollars pour dédommager les anciens propriétaires », souligne Robert Çeku. L’État ne pourrait pas assurer ces fonds via son budget.
Selon ce député du Mouvement de la Légalité, le gouvernement albanais doit avant tout effectuer une étude sur les terres libres, et le problème est préoccupant. « L’État ne peut pas trouver de terres quand il n’y en pas », affirme Sabedin Balla. C’est la raison pour laquelle un groupe de députés a demandé l’annulation de la loi, qui ne pourra pas être applicable réellement, de plus le coût de la loi est très élevé et ne pourra pas être supporté par l’État. Ce groupe de députés insiste sur l’approbation de la loi 7501, qui prévoit la restitution matérielle des biens. Le député Balla estime inquiétant le non-droit à la compensation des anciens propriétaires imposés par les communistes sur leurs propriétés, en soulignant qu’après 1944, le gouvernement de l’époque a ainsi pénalisé de nombreuses personnes.
« La loi stipule que la restitution matérielle ou en nature des biens soit faite sans limites », affirme le chef de la Commission parlementaire, Ylli Bufi. Selon lui, la compensation des propriétés commencera immédiatement après la discussion au Parlement, quinze jours après la parution au Journal Officiel. Il explique que la loi entrera en vigueur immédiatement. « L’option financière n’est pas la seule à être envisagée dès le 1er janvier, mais cela ne signifie pas que dès cette date, les gens pourront récupérer de l’argent pour les biens non restitués », souligne-t-il.
L’option financière sera examinée après avoir exploité toutes les autres options. Il ajoute qu’une période de dix ans a été prévue pour compléter les fonds des compensations financières dans le budget, et que la compensation financière ne commencera qu’à la fin de la compensation matérielle. Selon lui, il n’est pas encore temps de parler de compensation des propriétés mobilières, car cette option n’a pas du tout été étudiée et qu’elle fera l’objet de lois futures.
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© Le Courrier des Balkans pour la traduction