http://www.balkans.eu.org/article2249.html

IWPR
Macédoine : nouveau conflit au printemps ?
TRADUIT PAR PIERRE DÉRENS

Publié dans la presse : 3 février 2003
Mise en ligne : mercredi 5 février 2003

Sur la Toile
http://www.iwpr.net/

Un fantomatique groupe de guérilleros, l'Armée nationale Albanaise, (AKSh), menace de troubler à nouveau le fragile processus de paix macédonien. Le gouvernement affirme pourtant pouvoir contenir ce groupe qui menace de reprendre les armes au printemps.

 

Par le bureau IPWR de Londres

La semaine dernière, des témoins affirment avoir vu des membres de l'AKSh en uniforme, aux alentours de Lipkovo et de Tetovo, à l'ouest de la Macédoine, ce qui a suscité les craintes de la population de voir reprendre le conflit interethnique.

Il y a trois semaines, les représentants de l'AKSh ont annoncé aux médias de langue albanaise un "printemps chaud" en 2003 dans les districts à majorité albanaise. Le site Internet du groupe déclare que la Macédoine est un État "où, à la suite des luttes armées de ces dernières années , les accords politiques n'ont pas donné suffisamment de résultats positifs".

L'AKSh avait exprimé une menace similaire l'an dernier, mais elle n'était pas passé aux actes.

Ce groupe est né après l'insurrection albanaise de 2001 en Macédoine, et prétend être responsable de la mort de dix soldats macédoniens sur la route de Skopje à Tetovo, en août 2002.

Après la signature de l'accord d'Ohrid en août 2001, qui a mis fin au conflit armé, ce groupe a revendiqué d'autres attaques sur des cibles gouvernementales.

Valdet Vardani, le pseudonyme du chef du Front uni national albanais, le groupe politique qui donnerait ses ordres à l'AKSh, affirmait récemment qu'une division, nommée Skenderbeg, était en opération dans les régions contrôlées par la guérilla albanaise en 2001.

L'AKSh est censée regrouper d'anciens soldats de l'Armée de libération nationale (UCK), opposés à l'accord d'Ohrid, ainsi que des membres d'autres groupes militaires, dissous depuis, comme l'Armée de libération du Kosovo, (UCK), et l'Armée de libération de Presevo, Medvedja et Bujanovac ( UCPMB), qui avait lancé une campagne insurrectionnelle dans le sud de la Serbie.

Valdet Vardari a confié à l'hebdomadaire albanais Lobi, la semaine dernière, que "depuis la signature de l'accord d'Ohrid, l'AKSh conteste publiquement ce document".

La coupure entre Ali Ahmeti et les représentants de l'aile dure a commencé durant les combats en Macédoine, parce que l'ancien leader de l'UCK préférait une solution négociée. Ali Ahmeti a encore plus mis en colère les radicaux quand il est entré en politique, à l'occasion des élections générales de 2002. Son parti, l'Union Démocratique pour l'Intégration (BDI), dispose maintenant de cinq ministères dans le gouvernement de centre gauche de Branko Crvenkovski.

Aujourd'hui, l'AKSh accuse Ali Ahmeti de trahir les intérêts des Albanais. Valdet Vardari explique qu'Ali Ahmeti "a fait alliance avec les slaves macédoniens qui occupent une terre albanaise. Nous ne faisons confiance ni à l'occupant ni au collaborateur, fut-il albanais", ajoute-t-il.

Les mises en accusation contre le BDI d'Ali Ahmeti se multiplient dans les médias. Des Albanais radicaux ont attaqué le BDI pour avoir accepté un poste de seconde position dans la coalition gouvernementale et pour avoir accepté de nombreux compromis avec les Macédoniens.

Après avoir compris que les combattants de l'AKSh regroupaient leurs forces dans l'ouest de la Macédoine, Ali Ahmeti s'est rendu en Suisse en janvier pour rencontrer ses anciens alliés, qui contrôle maintenant la direction de l'AKSh. Ces informations proviennent de source diplomatique.

Ali Ahmeti aurait essayé de convaincre ses anciens amis d'abandonner leurs projets pour le printemps, leur promettant des avancées politiques pour les Albanais dans un avenir proche. Il a toutefois échoué à recueillir un quelconque engagement de la part de la direction de l'AKSh.

La fin de semaine dernière, les bureaux du BDI à Gostivar et à Skopje ont respectivement été la cible de coups de feu et de tirs de lance-roquette. Personne n'a revendiqué ces attaques, et la police n'a donné aucune information à ce sujet.

Plusieurs anciens commandants de l'AKSH ont envoyé à Ali Ahmeti une lettre ouverte, publiée le 24 janvier dans le quotidien Fakti de Skopje, lui demandant avec insistance de faire tout ce qui est en son pouvoir pour améliorer les droits des Albanais du pays. "Agis maintenant avant qu'il ne soit trop tard, parce qu'il sera peut-être trop tard demain", écrivent les signataires.

"Quand j'ai rejoint l'UCK, je ne me battais pas pour l'avancement à un poste ministériel de quiconque s'allierait ensuite avec des Slaves" : le quotidien du Kosovo Koha Ditore rapporte ainsi les propos d'un ancien membre de l'UCK. "Quand nous nous battions, la direction de l'UCK clamait que c'était contre les Slaves de Macédoine, et aujourd'hui Ali Ahmeti voudrait que son fils devienne l'ami d'un petit Jovan de la ville de Stip".

Pour les nouveaux ministres du BDI, ces accusations sont injustes. "Il n'est pas juste de faire porter à un parti la responsabilité des promesses non tenues après seulement deux ou trois mois de pouvoir", écrivait le vice-Premier ministre Musa Xhaferi (BDI) dans les colonnes de l'hebdomadaire albanais Lobi, il y a deux semaines.

Les représentants de l'AKSh ont confirmé que leurs combattants se regroupaient dans les régions montagneuses autour de Skopje, de Tetovo et de Kumanovo, au nord et au nord-ouest du pays. On dit aussi que le groupe projette de se déployer autour de Kicevo et de Gostivar à l'ouest. "Il y a plusieurs groupes armés de 20 à 30 hommes, mais ils ne représentent pas une menace sérieuse", estime Lazar Kitanovski, conseiller pour la sécurité auprès du Premier ministre.

Les autorités pensent sereinement pouvoir contenir les menaces posées par ces combattants. "Le gouvernement sait qu'il y a des groupes qui se revendiquent de AKSh. Pour ce que nous en savons, ce n'est pas une structure très forte, mais il y a dans leurs rangs des criminels, des gens qui font du racket et mènent des activités illégales", a déclaré le ministre de l'Intérieur Hari Kostov. Il a ajouté que le ministère prendrait toutes les mesures nécessaires.

L'ambassadeur américain en Macédoine, Laurence Butler, a été catégorique, lors d'une conférence de presse à Skopje le 29 janvier : "Il n'y aura pas d'offensive au printemps. La guerre est finie. Les gens qui ont des fusils devraient rentrer d'où ils viennent, ou alors nous saurons faire face".

Craig Ratcliff, le porte parole de l'OTAN, affirmait que, même si la situation en Macédoine demeurait fragile, chaque groupe devait formuler ses requêtes de façon légitime.

Les services secrets occidentaux estiment que l'AKSh n'est pas capable de déstabiliser la Macédoine, parce qu'elle ne peut pas compter sur le soutien des Albanais locaux.

Ces mêmes services ajoutent que l'AKSh aurait commencé à coordonner ses activités et à ramasser de l'argent en Suisse, en Allemagne, en Belgique, au Kosovo et en Albanie, et qu'elle pourrait espérer passer à l'action d'ici six à dix mois.

 

 


© 2002 Tous droits réservés Le Courrier des Balkans