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IWPR
Sud de la Serbie : nouvel embrasement en vue ?
TRADUIT PAR PIERRE DÉRENS

Publié dans la presse : 13 février 2003
Mise en ligne : samedi 15 février 2003

Sur la Toile
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L'arrestation d'Albanais à la frontière entre la Serbie et le Kosovo pourrait mettre à mal l'accord de paix, et plonger la vallée de Presevo dans un nouveau cycle de violences.

 

Par les rédactions d'IWPR à Londres et Presevo

De nouvelles craintes d'affrontements armés se précisent dans le sud de la Serbie, après que les guérilleros ont menacé de venger violemment l'arrestation de douze Albanais, en possession d'armes et de matériel militaire.

Cinq de ces hommes ont été relâchés, sans aucune accusation, le 10 février, sept sont encore interrogés, car ils sont soupçonnés de préparer des actes terroristes.

L'Armée Nationale Albanaise( AKSH), un groupe militant dans l'ombre pour la grande Albanie, a annoncé le jour même qu'elle mobilisait dans la vallée de Presevo, qui avait été jusqu'en mai 2001 un haut lieu de bataille entre les guérilleros de la majorité locale albanaise et des forces serbes.

Cette agitation nouvelle met en danger le processus de paix péniblement mis au point, qui accordait à la communauté albanaise de plus grands droits démocratiques. En échange de quoi les guérilleros de l'Armée de Libération de Presevo, Bujanovac et Medvedja (UCPMB) avaient accepté de déposer les armes.

Le nouvel embrasement a débuté le 4 février, quand des assaillants inconnus ont tué, à Bujanovac, Selver Fazlia, un inspecteur albanais de l'Agence d'information de Sécurité serbe ( BIA). Dans la même ville, le lendemain, une bombe a été jetée contre la maison d'un autre membre de la force de police multiethnique.

En réponse à ces attaques, la police serbe et le BIA ont arrêté douze suspects, le 8 février dans les villages de Veliki Trnovac et de Konculj, d'anciennes places fortes de l'UCPMB. En plus de la saisie d'une grande quantité d'armes, la police a enlevé le drapeau national albanais de la tombe d'un ancien commandant de l'UCPMB, Ridvan Cazimi, plus connu sous le nom de Commandant Leshi.

Dans les heures qui ont suivi les arrestations, environ mille Albanais ont manifesté dans les rues de Bujanovac, barrant la seule route qui relie cette région au Kosovo. Ils ont exigé la libération des douze hommes et ont contesté l'implication de la police serbe.

Le lendemain, un ancien commandant de l'UCPBM, Sefqet Musliu, a affirmé au Kosovo que la guerre allait éclater dans le sud de la Serbie à moins que tous les hommes arrêtés ne soient libérés. L'AKSH qui jusqu'ici était surtout intervenue en Macédoine a repris ces menaces à son compte.

L'AKSH prône l'unification de toutes les terres ethniquement albanaises et s'oppose à toute autre forme d'accord de paix.

Vigan Gradica, le dirigeant de l'AKSH a expliqué au quotidien de Pristina Koha Ditore qu'il avait des unités prêtes à intervenir en Serbie, au Monténégro, en Macédoine et en Grèce.

Javier Solana, le chef des affaires étrangères de l'UE s'est exprimé aujourd'hui contre cette agitation incessante dans le sud de la Serbie. Il y voit une tentative de s'en prendre à la loi et de déstabiliser la région, selon l'agence de presse Beta.

Javier Solana a aussi prévenu que ne seraient pas tolérées des attaques par des groupes extrémistes contre une police ethniquement mixte, non plus que tout geste d'intimidation contre les autorités locales.

Les commentateurs de la situation dans le sud de la Serbie donnent plusieurs raisons à cette nouvelle agitation.

Une de ces raisons est certainement l'utilisation de la police serbe à la place de la police locale multiethnique, mise en place après l'accord de paix. Les protestataires étaient particulièrement motivés par le fait que l'unité de police était dirigée par Goran Radoslavljevic, connu pour sa brutale répression contre les Albanais au Kosovo.

Une seconde raison se trouve dans la tentative de Zoran Djindjic, le Premier ministre serbe, d'accélérer le processus d'accord sur le statut final du Kosovo. Les Albanais, qui sont majoritaires dans le sud de la Serbie, veulent leur réunification au Kosovo en échange des enclaves serbes du nord du Kosovo.

Une troisième raison se trouve dans le mécontentement des dirigeants albanais de la Serbie du sud, qui ont perdu leur importance avec l'accord de paix.

Les analystes pensent que les autorités de Belgrade vont s'efforcer de maintenir la paix dans la région à tout prix. Belgrade avait été très satisfaite du processus qui avaient conduit au désarmement de l'UCPMB, à la création de la police multiethnique et à la participation des Albanais à la vie politique normale. Les partis avaient emporté les élections municipales à Bujanovac et à Presevo.

Nebojsa Covic, vice-Premier ministre de Serbie, le principal acteur de l'accord de paix de Presevo, affirmait que les forces serbes étaient prêtes à toute éventualité, mais il a demandé avec force à la communauté internationale de s'opposer à l'infiltration d'extrémistes au Kosovo.

Nebosja Covic expliquait à la radio B92 que "nos forces de sécurité sont sur le qui-vive. Cependant, nous ne sommes pas favorables à la guerre, nous sommes pour une résolution pacifique de tous les problèmes. Pressions de tous ordres, chantage et menaces sont hors de question". Au même moment, il a demandé avec insistance aux forces internationales présentes au Kosovo d'arrêter Sefqet Musliu, l'accusant de harceler les Albanais modérés du sud de la Serbie.

Le vice-Premier ministre a poursuivi en disant que les troubles de cette région était le fait d'un petit groupe d'hommes s'efforçant de provoquer le mécontentement des jeunes à partir des difficultés économiques et du chômage. "Il s'agit d'une dizaine de personnes, mais ce groupe pourrait grossir si on ne l'arrête pas à temps".

Le lendemain de cette déclaration de Nebosja Covic, des graffitis de l'AKSH et l'UCPMB recouvraient la mairie de Bujanovac où se trouve le centre de presse serbe et les bureaux de l'équipe de coordination yougoslave pour le sud de la Serbie.

Des analystes à Belgrade et dans le sud de la Serbie pensent que la suite des événements dépendra beaucoup de ce que fera la communauté internationale, que les Albanais tout autant que Belgrade écoutent attentivement.


Presevo Albanians Eye Autonomy

 


http://www.balkans.eu.org/article669.html

KOHA DITORE
Kosovo : La solution du problème de Presevo se trouve à Mitrovica
TRADUIT PAR ILDA MARA

Publié dans la presse : 1er février 2001
Mise en ligne : mercredi 14 février 2001

Sur la Toile
http://www.koha.net/default.asp

Le problème de Mitrovica fait craindre une partition du Kosovo, mais il apporte aussi de l'eau au moulin de tous ceux qui veulent partager les territoires sur des bases ethniques.

 

Par Ylber Hysa*

Après une période relativement calme dans la vallée de Presevo, où les forces en présence étaient tenues par un statu quo, la situation semble évoluer à nouveau. Un soldat serbe tué et d'autres blessés, voilà ce qui a poussé le ministre des Affaires étrangères, Goran Svilanovic, à demander une séance urgente du Conseil de Sécurité pour débattre de la nouvelle situation dans la vallée de Presevo. De leur côté, les médias de Belgrade ont fait savoir que le président yougoslave Kostunica, lors de sa rencontre avec Kofi Annan à Davos, a été félicité par le Secrétaire Général des Nations Unies pour la position de Belgrade dans la crise à Presevo.

Le sang-froid des forces serbes de sécurité a été salué par les Européens et les Américains. Dans l'analyse d'un Institut américain de renom, il est même précisé que l'Armée de Libération de Presevo, Medvedja et Bujanovac (UCPMB) a réussi pour la première fois à réunir sur la même position les Nations Unies et Belgrade. Le gouvernement yougoslave a fait savoir, par l'intermédiaire du ministre des Affaires étrangères, que l'Armée yougoslave, qui avait été l'ennemi principal de l'ONU dans les Balkans, souhaitait maintenant être son allié, et participer au processus de paix.

Ce changement radical de la diplomatie de Belgrade qui, avec le nouveau conflit à Presevo, opte pour une attitude différente de celle de Milosevic, est caractéristique de la politique extérieure yougoslave. Avec ce conflit à Presevo, les Serbes essaient marquer des points, de prouver qu'ils peuvent être des partenaires de l'Occident. Ils sont contre Milosevic et la guerre, tandis que les Albanais n'ont toujours pas compris pas que le rapport de forces et la situation avaient radicalement changé. La stratégie de l'UCPMB, qui consiste à engager le conflit puis observer la réaction de l'Occident est vouée à l'échec. S'obstiner dans cette stratégie unique pourrait même compromettre la victoire des Kosovars il y a un an et demi. Le risque que le conflit s'étende en Macédoine pourrait conduire les Kosovars et leurs alliés vers une impasse. Il semblerait que l'on ne puisse expliquer à l'opinion occidentale et aux médias la situation dans la vallée de Presevo, sans mettre en avant l'UCPMB. Sans éléments d'analyse, les soldats albanais sont présentés comme des combattants armés, même après l'intervention de l'ONU. Les commentaires du nouveau conseiller du président Kostunica, Predrag Simic, rendent compte de la nouvelle stratégie de Belgrade : toute la faute revient à Milosevic. Quant aux Albanais, leur politique mettrait en péril les Balkans. Ils risqueraient même de perdre Presevo, tout en ternissant leur image auprès de l'opinion internationale.

Le fait que Milosevic n'ait pas été extradé vers le tribunal de La Haye est une pierre supplémentaire dans le jardin du nouveau gouvernement de Belgrade. Sur ce point, les avis sont partagés. Washington gèle, pour l'instant, la décision de suspendre les sanctions extérieures. Les Européens se montrent beaucoup plus compréhensifs. Quelques hauts fonctionnaires pensent qu'il faut laisser le temps au gouvernement de Belgrade de se renforcer avant de le soumettre à des conditions sérieuses. Cette attitude pourrait s'avérer une épée à double tranchant. Sans avoir résolu la crise à Presevo, l'extradition de Milosevic à La Haye pourrait être regardée par Belgrade comme un danger, néfaste au nouveau gouvernement. La position de Presevo et de l'UCPMB pourrait constituer une monnaie d'échange. Ils contestent l'accord technico-militaire de Kumanovo qui reconnaît une zone de sécurité de cinq kilomètres. Des critiques s'élèvent contre la proposition yougoslave de réduire la zone de sécurité à un kilomètre. L'intervention, demandée par les albanais, des troupes de l'ONU à l'intérieur du territoire pour garantir le maintien de la paix fait également l'objet d'une vive contestation. Il existe une autre possibilité, celle de faire venir des observateurs internationaux ou des troupes européennes mais Belgrade n'y semble pas favorable. Une autre solution serait l'instauration d'une mission de l'OSCE, comparable à celle qu'avait cette organisation au Kosovo avant les bombardements de l'OTAN, une sorte de " KVM sui generis ", suite à l'accord Milosevic-Holbrooke. Tout ceci nécessite l'aval de Belgrade qui pose ses conditions. Une d'entre elles précise qu'il ne peut y avoir d'accord tant que l'UCPMB ne s'est pas retirée.

Il faudra, par ailleurs, ouvrir la voie à une solution politique, ainsi qu'à une série de mesures pour l'amélioration des conditions de vie des Albanais qui vivent dans ces zones. De sources sûres, le gouvernement serbe travaill e à l'élaboration de mesures concrètes. Il faudra pour cela que Belgrade soit, au niveau diplomatique, totalement opérationnel. La déclaration du nouveau ministre de l'intérieur serbe, selon laquelle la communauté internationale dispose d'un mois pour résoudre le problème, montre que Belgrade exploitera au maximum la crise de Presevo. Cependant, il reste un problème sur lequel Belgrade et la communauté internationale doivent se focaliser : la ville de Mitrovica. Pour des raisons multiples, elle constitue un problème essentiel, antérieur à celui de Presevo. Si l'UCPMB fêtait ces jours-ci, son premier anniversaire, Mitrovica, en tant que ville autonome, existe depuis le début de la mission internationale au Kosovo, soit depuis 18 mois. Certes, la communauté internationale n'est pas l'unique responsable de cette situation. Cependant, le fait est qu'elle est la seule à pouvoir résoudre le problème. Les Albanais et les Serbes ne pourront, seuls, trouver une solution. La recrudescence de la violence à Mitrovica témoigne de l'instabilité de la situation. Le fait de ne pas trouver une solution au problème de Mitrovica a de lourdes conséquences pour la région et pour la vallée de Presevo. La partition du Kosovo ou de Mitrovica serait un exemple désastreux. Belgrade doit contribuer à résoudre ce problème car il entretient de très entretient de bonnes relations avec cette partie du Kosovo, souvent visitée par les hauts fonctionnaires du ministère de l'extérieur yougoslave. La situation à Mitrovica a motivé la crainte d'une partition du Kosovo. Elle a conduit également à une nouvelle logique qui repose sur le principe de la répartition des territoires selon des critères ethniques.

*Directeur de l'institut Kosova Action For Civic Society (KACI) de Pristina.

 

 


http://www.balkans.eu.org/article781.html
 
IWPR
Serbie : Les tensions couvent dans la vallée de Presevo
TRADUIT PAR CÉCILE FISLER

Publié dans la presse : 15 décembre 2000
Mise en ligne : mardi 19 décembre 2000

Sur la Toile

Le conflit qui sévit à Presevo, dans le sud de la Serbie, va mettre à l’ épreuve le caractère démocratique du nouveau gouvernement.

 

Par Dragana Nikolic à Londres et Miroslav Filipovic à Belgrade (collaborateurs réguliers de l’IWPR).

Olga, 39 ans, une kinésithérapeute de Belgrade ne peut pas dormir la nuit car elle s’inquiète pour son jeune frère. Sa famille a fui Pec au Kosovo lorsque la guerre a éclaté, mais le fait qu’ils aient trouvé une nouvelle maison n’a pas mis fin à leur détresse.

Dragan, 24 ans, le frère d’Olga, était policier au Kosovo. Désormais il est régulièrement envoyé dans la région de Presevo, Medvedja et Bujanovac dans le sud de la Serbie, point chaud du dernier conflit entre les séparatistes albanais et les forces serbes.

« Des gens meurent, c’est très dangereux », dit Olga. « Mon frère n’a pas le choix, il doit y aller ou perdre son emploi. Nous essayons de le sauver en obtenant un certificat médical indiquant qu’il est malade ».

Le conflit dans la zone tampon de 5 kilomètres située le long de la frontière sud-est entre la Serbie et le Kosovo couve depuis le début de l’ année. L’armée de Libération de Presevo, Medvedja et Bujanovac, UCPMB, qui tire son nom des trois municipalités de la vallée de Presevo à population majoritairement albanaise, a été créée en janvier de cette année peu après que deux jeunes albanais du village de Dobrasin aient été tués.

En plus de recrues albanaises du Kosovo l’organisation comprend d’anciens membres de l’Armée de Libération du Kosovo, UCK. (voir l’article de Llazar Semini dans le Rapport sur la crise des Balkans N°121, du 3 mars 2000, « Les combattants albanais sont en marche »).

Conformément à l’accord de Kumanovo signé par l’Organisation du traité de l’ Atlantique nord (OTAN) et l’armée yougoslave en juin 1999, seuls des policiers serbes légèrement armés ont le droit de patrouiller dans la zone tampon.

Les guérillas albanaises ont tiré avantage du manque de sécurité créé par le retrait de l’armée yougoslave pour créer une série de bases de style militaire au sein du territoire vallonné situé le long de la frontière. C’ est de cet endroit qu’elles ont organisé des attaques de plus en plus audacieuses contre la police serbe.

Il y a quelques semaines, une de ces attaques a provoqué la mort de quatre policiers serbes.

Si Slobodan Milosevic était encore au pouvoir le conflit aurait été un sujet idéal avant les élections serbes du 23 décembre. Mais le nouveau gouvernement yougoslave qui souhaite éviter les erreurs du régime précédent a décidé de faire face à la violence à l’aide de moyens pacifiques.

Le message de la direction yougoslave est : « Le temps n’est pas à la guerre mais à l’action diplomatique raisonnable ».

Avec la KFOR, la force du Kosovo dirigée par l’OTAN agissant comme médiateur, un cessez-le illimité a été décidé lundi dernier. Cependant l’ accord a déjà été violé par des coups de feu sporadiques et les deux camps s ’accusent l’un l’autre des violations du cessez-le-feu.

Pendant ce temps, la région de Presevo ressemble de plus en plus à un camp d ’entraînement militaire. L’augmentation massive du nombre de soldats de l’ armée yougoslave et de policiers serbes déconcerte la population albanaise locale qui s’élève à 70.000 personnes.

Selon le Haut Commissariat aux Réfugiés des Nations Unies environ 4.000 Albanais auraient quitté leur maison dans la région. 60 d’entre eux sont rentrés chez eux après la signature du cessez-le-feu.

Nasuh Behljuji, vice-président de la branche locale du parti de l’Action Démocratique a déclaré : « Les Albanais sont très inquiets. Ils ont peur des réservistes de l’armée yougoslave qui sont arrivés ici après la campagne de bombardements de l’OTAN au printemps de l’année dernière ».

Lorsque les forces yougoslaves se sont retirées du Kosovo en 1999, des unités de la police serbe au Kosovo ont été transférées dans la région autour de Presevo, Medvedja et Bujanovac. Les organisations internationales affirment qu’il y aurait des preuves indiquant que certains de ces officiers terrorisent la population locale.

Beaucoup de gens affirment que l’UCPMB est née de la répression exercée par la police serbe qui s’est intensifiée dans les régions majoritairement albanaises à l’intérieur de la Serbie après la fin de la guerre au Kosovo. Dans les endroits où une vie albanaise était perçue comme « ne valant pas un sou », la population locale avait bien accueilli la formation d’une armée qui les protégerait. (voir l’article de Miroslav Filipovic dans le Rapport sur la crise des Balkans N°122, du 7 mars 2000, « Les Albanais fuient le sud de la Serbie »).

L’UCPMB ne dissimule pas qu’elle a l’intention d’annexer au Kosovo la région de Presevo, Medvedja et Bujanovac. Beaucoup d’Albanais appellent cette région, le Kosovo oriental et estiment qu’elle devrait être libérée à tout prix. (voir l’article de Tim Judah dans le Rapport sur la crise des Balkans N° 119, du 25 février 2000, « Un nouveau conflit se trame au Kosovo »).

De nombreux observateurs pensent que les attaques des extrémistes albanais contre la police serbe sont organisées pour provoquer des représailles dans l’espoir d’attirer l’attention. Les récentes élections locales qui ont eu lieu au Kosovo ont vu la victoire éclatante de l’homme politique modéré, Ibrahim Rugova.

Certains analystes estiment que le conflit de la vallée de Presevo représente la première épreuve démocratique à laquelle est confronté le gouvernement yougoslave.

Reste à voir si le nouveau gouvernement pourra maîtriser complètement les forces armées dans le sud de la Serbie. Mais on note déjà certains signes positifs.

Plusieurs journalistes étrangers présents dans la région indiquent que les policiers serbes disent avoir des ordres stricts de ne pas outrepasser les règlements et de ne pas tirer sans discernement.

Zoran Djindjic, l’un des leaders de la DOS qui devrait être le prochain Premier ministre de Serbie, a déclaré que la situation dans la région de Presevo était critique et prévenu qu’une nouvelle guerre des Balkans pourrait éclater.

La DOS affirme qu’elle a lancé une initiative diplomatique urgente pour que la communauté internationale joue un rôle plus actif pour juguler ce qu’elle décrit comme l’extrémisme albanais.

A ce jour les responsables occidentaux ont condamné les incursions albanaises sur le territoire serbe mais rien ne prouve qu’ils aient demandé aux soldats de la KFOR d’intervenir.

Le secrétaire général de l’OTAN, Lord George Robertson, a déclaré : « Un vent de changement souffle en Serbie et la communauté internationale n’acceptera pas les actions extrémistes ».

La Secrétaire d’Etat américaine Madeleine Albright a demandé aux représentants albanais radicaux de « s’abstenir d’actions qui pourraient saper les efforts de la communauté internationale pour obtenir une paix durable dans la région ».

La Macédoine voisine suit également de près les évènements. Les unités de l’ armée macédonienne ont intensifié leur présence le long de la frontière nord du Kosovo et de la Serbie méridionale. Elle craint que L’UCPMB ne tente de mettre en place des voies de ravitaillement à travers le territoire macédonien.

La crise dans le sud de la Serbie sera probablement résolue par des moyens politiques. Comme le dit Adem Demaci, un ancien représentant politique de l’ UCK qui est également un activiste des Droits de l’Homme : « Le monde ne tolèrera pas un autre conflit serbo-albanais » - un fait que les leaders des communauté serbe et albanaise commencent lentement à comprendre.

 

 


 
 
IWPR
Les Albanais de Presevo boudent toujours Belgrade
TRADUIT PAR PIERRE DÉRENS

Publié dans la presse : 11 novembre 2002
Mise en ligne : mercredi 13 novembre 2002

Sur la Toile
http://www.iwpr.net/home_index_new.html

Les diplomates occidentaux sont mécontents du projet des Albanais de Presevo de boycotter l'élection présidentielle.

 

Par des collaborateurs d'IWPR à Presevo

Les Albanais du sud de la Serbie exprimeront leur volonté d'union avec le Kosovo voisin en boycottant l'élection présidentielle qui aura lieu une nouvelle fois le 8 décembre, puisque le vote précédent a été annulé à cause de la faible participation.

Au plus grand dam des autorités serbes et de la communauté internationale, les quelque 65000 Albanais ne se sont pas rendus aux urnes, dans les villes de Presevo, Bujanovac et Medvedja lors de l'élection invalidée d'octobre.

Les Albanais espèrent que la région de la vallée de Presevo sera un jour transférée au Kosovo en échange d'enclaves serbes qui se trouvent du côté kosovar de la frontière.

Bien que le Kosovo fasse encore formellement partie de la République Fédérale de Yougoslavie (RFY), c'est effectivement un protectorat de l'ONU depuis la fin du conflit de l'Onu avec la Serbie, en 1999. Les discussions sur le statut final de la région n'ont pas encore commencé.

La seule concession à laquelle les Albanais de la vallée de Presevo ont consenti a été de prendre part aux élections municipales récentes, disant que les affaires locales les concernaient directement. Lors du vote, le groupe albanais dirigeant, le Parti d'Action Démocratique (PDD), a pris le contrôle de Bujanovac et de Presevo pendant qu'une coalition serbe l'emportait à Medvedja.

Jusqu'à la moitié de l'année 2001, la vallée de Presevo était déchirée par un conflit armé entre les forces de sécurité de la RFY et les guérilleros albanais de l'Armée de Libération de Presevo, Bujanovac et Medvedja (UCPBM). Les combats ont pris fin après que la communauté internationale et le vice Premier ministre serbe Nebojsa Covic ont forgé un accord aux termes duquel les guérilleros déposaient les armes en échange de garanties sur les droits humains et démocratiques qui avaient été refusés aux Albanais sous le régime de l'ancien Président Slobodan Milosevic.

Officiellement Belgrade considère que le Kosovo fait encore partie de la RFY, selon la résolution 1244 de l'ONU.

Cependant, certains en Serbie, et d'abord ceux qui entourent l'intellectuel influent qu'est l'écrivain Dobrica Cosic, père du nationalisme serbe, pensent que la meilleure solution serait l'échange de territoires.

Sulejman Hiseni, Albanais de Bujanovac, nous disait que le boycott de l'élection présidentielle avait tout son sens pour la population locale. "Je ne vois pas à quoi Belgrade peut s'attendre parce que les Albanais d'ici n'accepteront jamais la Serbie comme leur pays, ce qui est une opinion bien partagée par ici".

Deux des trois partis albanais importants, le Parti pour l'Union Déocratique des Albanais (PDUA) et le Mouvement pour le Progrès Démocratique (PDP) où se retrouvent les anciens commandants de l'UCPBM ont ouvertement rejeté l'élection présidentielle d'octobre.

Riza Halimi, le dirigeant modéré du PDP, a formellement conseillé à ses adhérents de prendre part au vote. Mais sur place on dit que sa déclaration était plus un signe de coopération avec Belgrade et la communauté internationale qu'une invitation sérieuse. Riza Halimi a reçu un des candidats à la présidentielle, le réformiste Miroljub Labus, et lui a apporté son soutien, qui ne s'est jamais concrétisé le jour du vote. Le dirigeant du parti Socialiste de Serbie (SPS), Dragoljub Filipovic, a dit que ce qu'avait fait Riza Halimi équivalait à de la " prostitution politique ".

La position albanaise a aussi impatienté les émissaires internationaux. Un diplomate occidental nous disait que dans les élections locales les dirigeants albanais invitaient leurs ouailles à voter pour ce qu'ils appelaient un combat pour la suprématie politique. "Maintenant ces mêmes dirigeants ne font rien pour contribuer à la démocratisation du pays".

De telles critiques n'auront pas prise sur les Albanais de Presevo. Au cœur de la communauté, on dit que le boycott de l'activité politique qui n'a pas de lien avec des soucis locaux, devrait se poursuivre jusqu'à ce que des discussions définitives aient lieu sur le statut du Kosovo.


http://www.balkans.eu.org/article747.html
 
NIN
« Tout est possible dans le Sud de la Serbie » : Nebojsa Covic
TRADUIT PAR JEAN-ARNAULT DÉRENS

Publié dans la presse : 9 mai 2002
Mise en ligne : lundi 13 mai 2002

Sur la Toile
http://www.nin.co.yu/

« Selon moi, il n’y aura pas de soulèvement albanais ce printemps. Cependant, tant que la situation au Kosovo est telle que nous la connaissons, tout est possible, et nous devons être prêts à faire face à toutes les situations », explique le vice-Premier ministre Nebojsa Covic, Président du Comité de coordination pour le sud de la Serbie, dans un entretien accordé à l’hebdomadaire NIN.

 

Par Svetlana Djurdjevic-Lukic

NIN : Pouvez-nous nous parler des résultats du recensement dans le sud de la Serbie ?

Nebojsa Covic (NC) : Je pense que nous aurons des données précises d’ici quelques jours, puisque les équipes d’experts travaillent au « nettoyage » des premiers résultats. Des irrégularités ont été découvertes, certaines personnes se sont enregistrées dans plusieurs endroits. Des vérifications seront faites avec Pristina, pour empêcher les doubles recensements et les doubles votes. Je pense qu’il s’agit de ceux qui ont fait le plus de problème à propos du prolongement d’une dizaine de jours de recensement, qui pensaient qu’il s’agissait d’une grande erreur, étant entendu que très peu des personnes déplacées se sont fait recenser. Je n’ai pas les chiffres définitifs, mais au total, durant ces dix derniers jours, environ 2500 personnes se sont enregistrées, dont près de 80% dans la seule commune de Medvedja, ce qui signifie qu’il s’agissait bien d’une partie des déplacés.

Les Albanais attendent que toutes les personnes qui résident depuis longtemps à l’étranger soient prises en considération pour le découpage des nouvelles circonscriptions électorales. Selon leurs premiers calculs officieux, Bujanovac compterait 62% d’Albanais, et ils escomptent avoir la majorité des 22 conseillers municipaux, en se basant sur le projet préliminaire de l’OSCE de nouvelles circonscriptions électorales.

Ce qui se dit et ce que l’on attribue à l’OSCE n’est pas exact. Cette approche est erronée. Je ne considère pas qu’il s’agisse d’une erreur malveillante de la part de l’OSCE, mais je savais bien quel serait le résultat de tout cela. Je ne voudrais pas commencer à parler des pourcentages tant que nous n’avons pas tous les chiffres en main, car il y a beaucoup de déclarations de recensement inexactes, et le recensement doit établir combien de citoyens vivent dans un endroit précis et seulement dans cet endroit. Au bout du compte, nous devons aboutir à un modèle qui garantisse la protection des groupes ethniques qui sont minoritaires à l’échelle d’une commune. Je ne serais pas très optimiste, si c’était à des représentants albanais de le faire. Ce qu’ils doivent comprendre, c’est qu’il s’agit ici de la République de Serbie, qu’il n’existe aucune espèce d’autonomie et que nous ne voulons pas entreprendre les moindres discussions à ce sujet. Ils ont eu assez de temps pour comprendre nos messages et les messages de la communauté internationale.

NIN : Cela veut-il dire que le 17 mai, les conseils municipaux ne seront pas dissous et qu’il n’y aura pas d’élections à Bujanovac, à Medvedja ou bien à Presevo ? Et que se passera-t-il avec les plaintes qui ont été déposées auprès du Conseil constitutionnel ?

NC : Pour ce qui me concerne, il devrait y avoir des élections dans ces trois communes, mais tout le processus retenu est extrêmement flexible, de telle sorte que nous pouvons discuter à propos des détails. Si nous n’arrivons pas à tout faire à temps, le processus sera repoussé d’autant de jours que nécessaire. Nous n’avons aucune raison de nous dépêcher. Il est important que toute la procédure soit ouverte et que nous ne fassions pas d’erreurs. Je veux que nous démontrions aux gens qui vivent dans cette région que la vie commune est possible. Et le Conseil constitutionnel ferait bien de venir un peu sur le terrain pour voir à quoi tout cela ressemble.

NIN : Vous n’avez peut-être pas de raisons de vous hâter, mais les Albanais en ont. Beaucoup d’entre eux estiment que tout traîne en longueur, que la démilitarisation de l’UCPMB [l’Armée de libération de Presevo-Medvedje-Bujanovac, ndt] remonte déjà à un an, et qu’il n’y a toujours pas d’intégration, que les élections qui devraient annuler les discriminations dont ils sont victimes à Bujanovac ne sont toujours pas organisées…

NC : Tous les Albanais ne disent pas cela, seuls certains politiciens le font. Que voulez-vous que je dise ? La situation de départ était mauvaise, elle s’éclaircit peu à peu même s’il existe toujours une atmosphère très spécifique, qui est cependant, pour des questions comme la liberté de circulation, incontestablement meilleure qu’au Kosovo-Metohija. C’est un problème difficile, une tension qui s’est accumulée au fil des années, mais les idées et les discours sur l’autonomie n’ont pas lieu d’être, ni l’idée que maintenant, certains vont prendre à d’autres le pouvoir. Ou bien tous parviendront à former ensemble un pouvoir local, ou bien il faudra trouver d’autres moyens. Il ne s’agit pas d’exercer une pression, mais tout simplement les gens doivent apprendre à vivre ensemble, et toutes les communautés nationales doivent bannir de leurs rangs les extrémistes intolérants qui provoquent en permanence des incidents, et même des provocations armées liées aux activités terroristes.

NIN : Tout ceci intervient alors que, ces dernières semaines, le nombre d’incidents a augmenté ?

NC : Je ne dirais pas qu’il y a plus d’incidents qu’auparavant. Bien sûr, il y en a beaucoup, mais nettement moins qu’à la même époque l’an dernier. Nous avons oublié dans quelle situation nous nous trouvions. Et comment s’en sortir ? Par la tolérance, le dialogue, le travail sur le terrain, et le travail de tous les ministres sur le terrain. Ce n’est pas seulement le problème de Covic, ce n’est pas mon problème privé. Nous devons tous engager au maximum, chacun dans son domaine. Une bonne partie du travail serait que nous fassions fonctionner l’Etat dans cette région. Pour ce qui est des discriminations, je crois que la page est véritablement tournée dans ce pays depuis l’arrivée du nouveau pouvoir démocratique, et le meilleur exemple pour cela se trouve dans le sud de la Serbie.

NIIN : Cela veut dire que l’on ne doit pas s’attendre un soulèvement de printemps dans le sud de la Serbie ?

NC : Selon mon analyse, cela ne se produira pas. Cependant, tant que la situation au Kosovo est telle que nous la connaissons, tout est possible, et nous devons être prêts à faire face à toutes les situations. Le détonateur ne se trouve pas dans le sud de la Serbie, ni en Macédoine, mais au Kosovo, et je crois que des facteurs importants et des moyens de calmer la violence sont liés à la coopération avec le Tribunal de La Haye dans l’espace du Kosovo et de la Metohija.

NIN : Veliki Trnovac est maintenant considéré comme un centre urbain, il y a même une école, et n’y a toujours pas d’eau, pas de canalisations, pas de téléphone…

NC : On vous dira la même chose dans beaucoup de villages serbes et de villages roms. On ne peut pas faire en un an ce qui a été négligé durant cinquante années. Nous avons engagé des moyens importants. Je peux vous montrer ce que nous avons fait. Ceux qui pensent que l’on aurait pu faire plus et mieux n’ont qu’à passer des discours à l’action concrète et venir nous aider. Nous pouvons même leur laisser la direction du travail.

NIN : Vous pensez aux Albanais ?

NC : Je pense à tout le monde. Je ne regarde pas les gens en fonction de leur appartenance religieuse ou nationale.

NIN : Ce qui veut dire qu’il n’y aura pas de problème si le maire de Bujanovac est albanais ?

NC : Pour ce qui me concerne, si tel est le cas, et l’on sait comment on peut devenir maire de la commune, il sera un citoyen comme un autre. Mais je ne veux pas pronostiquer sur le fait qu’il sera Albanais ou bien Serbe. Il pourrait aussi être Rom. J’attends que tous travaillent ensemble., et il faut que vous compreniez que personne ne peut avoir la majorité de manière artificielle.

(…)

NIN : Vous ne répondez pas à la question sur la radicalisation des Albanais.

NC : Vous trouvez qu’ils se radicalisent ?

NIN : Si l’on place des mines sous les véhicules de l’armée, s’il y a à nouveau des groupes armés dans les forêts des environs…

NC : Mais vous avez aussi des gens armés à Belgrade ! Que pensez-vous : y a-t-il plus de gens armés à Belgrade ou à Bujanovac ?

NIN : Ils ne sont pas organisés en Armée de libération du Kosovo oriental.

NC : C’est vous qui le dites. Il n’existe plus d’Armée de libération du Kosovo oriental. Je peux vous le garantir. Se reformera-t-elle ? En fonction de la situation au Kosovo, tout est possible, mais ce sont des questions pour les services qui s’occupent de la sécurité, et il faut qu’ils fassent des prévisions. Chacun doit faire sa part du travail. Mon but était que la guerre se transforme en paix et j’y suis parvenu. Et je ne pense pas être responsable de ce qui passe là-bas, d’autant plus que j’estime qu’il y a eu suffisamment de questions et de propos politiquement incorrects.

(…)

NIN : Que pensez-vous de l’idée que les événements de Bujanovac et de Presevo soient mis dans une balance avec ce qui se passe à Kosovska Mitrovica ?

NC : Non, ce n’est pas le cas de notre côté. Les Serbes du Kosovo et Metohija ne demande rien d’autre que ce qu’ont obtenu les Albanais de Macédoine ou, encore meilleur exemple, du sud de la Serbie. Nous ne pratiquons pas ce genre de parallèle ni ne faisons ce type de combinaisons. Vous allez sûrement entendre toutes sortes d’hypothèses sur ce que nous voudrions échanger, sur ce que nous pouvons changer. Quand il s’agit de la politique du Kosovo et de la Metohija, nous ne cachons vraiment rien, mais nous avons une position parfaitement claire et publique.

NIN : Il me semble que l’action pour le retour des Serbes au Kosovo, qui est votre priorité, a débouché sur une discussion à propos des entités, ce qui suscite de fortes résistances de la part des Albanais ?

NC : Je ne sais pas si quiconque a le droit d’approuver ou de ne pas approuver le retour, qui répond au droit humain élémentaire qu’a chaque individu de vivre sur sa terre. Quand nous avons évoqué les entités, nous n’avons jamais parlé de partage du Kosovo. Les Serbes ne peuvent plus vivre dans des ghettos. Nous avons présenté un programme de retour, et l’on voit bien sur les cartes s’il s’agit ou non d’une partition. Le débat sur les entités ne vient pas de nous, mais de la communauté internationale. Vous savez très bien sur quel modèle.

NIN : Le modèle de la Bosnie-Herzégovine. Mais personne n’a dit que ce modèle devait être suivi au Kosovo.

NC : Si personne ne l’a dit, ce ne sera pas le cas. Tous ensemble, nous devons essayer de résoudre le problème du Kosovo qui dure depuis près de cent ans.

NIN : Mais est-ce que les Albanais ne vont pas résister et multiplier les pressions physiques contre les Serbes, si le renforcement des enclaves s’oriente vers la création d’entités ?

NC : Mais la communauté internationale est là, et elle doit remplir ses obligations prévues par la résolution 1244. Je pense que des individus vont toujours s’opposer à cela, dans chaque camp.

NIN : Pensez-vous avoir toujours une bonne image auprès de M. Michael Steiner, de la MINUK et de la communauté internationale ?

NC : Ce n’est pas Steiner ni la MINUK qui m’ont choisi. Ma position est professionnelle. On plaît à certains, on déplaît aux autres. C’est bien normal. Il n’est pas question d’amour, mais de position professionnelle.

 

 


http://www.balkans.eu.org/article628.html
 
MONITOR
Serbie : le danger vient du sud
TRADUIT PAR PERSA ALIGRUDIC

Publié dans la presse : 30 mars 2001
Mise en ligne : vendredi 6 avril 2001

Sur la Toile
http://www.monitor.cg.yu/

Les esprits de l'histoire viennent à nouveau hanter la communauté internationale sous la forme de la « question albanaise ». Après le Kosovo, il y a deux ans, les Albanais participent encore activement aux combats qui ont lieu depuis peu en Macédoine.

 

Par Bozo Nikolic

Quelques mois après la guerre aérienne de l'OTAN contre la RFY au printemps 1999, un des analystes du Département d'Etat américain avait pronostiqué l' évolution de la crise dans les Balkans : « Dans la dernière décennie », a-t-il dit, « le principal défi à la politique de l'occident dans la région était le nationalisme serbe ; dans la prochaine, ce sera le nationalisme albanais ». Alors que l'OTAN renforce ses troupes afin d'empêcher les Albanais de passer du Kosovo en Macédoine, ce pronostic semble se réaliser. Les connaisseurs occidentaux des Balkans affirment que cela était prévisible, pour la simple raison que les Albanais sont « un peuple géographiquement dispersé ».

Un journaliste du « New York Times », David Binder, auparavant favorable aux Serbes, a récemment secoué la poussière de certains vieux livres où il est écrit qu'au sud de la Serbie, les Albanais vivaient dans les régions de Nis et de Leskovac, à une quarantaine de kilomètres des frontières actuelles du Kosovo. Durant le rude hiver de 1877-1878, l'armée serbe -alliée de la victorieuse Russie dans la guerre contre la Turquie ottomane- a chassé environ 100 000 Albanais des régions où ils étaient souvent majoritaires. Après la Conférence de Berlin en 1878, les Turcs ont gardé la vallée de Presevo et ont permis aux Albanais d'y rester. La Macédoine sous administration turque est devenue en 1889 un refuge provisoire pour 200000 Albanais chassés d'Albanie. Par conséquent, beaucoup d'entre eux furent envoyés au sud, sur des terres traditionnellement turques, et furent suivis dans les décennies suivantes par plus de 300 000 Albanais chassés ou déplacés.

Naturellement, ce tragique exode n'a pas été unilatéral. Dans les régions et aux époques où la population albanaise était majoritaire, des centaines de milliers de Serbes et de Monténégrins ont été chassés de leurs territoires séculaires. Plus récemment, (pendant la Deuxième guerre mondiale) d'après les informations occidentales, plus de 100 000, et après l'intervention de l 'OTAN en 1999, environ 200 000 Serbes, Monténégrins, Roms et Turcs ont été chassés du Kosovo.

L'héritage historique des conflits existe. Ce n'est donc pas un hasard si la première manifestation de l'ambition d'une « Grande Albanie » a eu lieu a Prizren, là où a été créée la Ligue pour la défense des droits de la nation albanaise. Elle appelait à l'unification toutes les terres albanaises sous la protection de la Turquie ; mais c'était déjà trop tard, car la Turquie n' était plus en mesure de faire des concessions et, de plus, elle était soupçonneuse envers ceux qui avaient déjà commencé à attaquer les troupes ottomanes.

D'après les analystes occidentaux, aujourd'hui les Albanais indiquent que l' Albanie est en fait un état tronqué que les grandes puissances européennes ont « taillé » juste avant la Première guerre mondiale. Binder mentionne que déjà au Congrès de Berlin, la Russie, la Grande-Bretagne et l' Autriche-Hongrie ont ignoré la pétition albanaise et décidé que les Balkans du sud devaient être partagés entre leurs protégés slaves et la Grèce. Lors de la nouvelle Conférence de Londres en 1913, il n'a pas non plus été tenu compte des désirs des Albanais afin, ainsi que l'a formulé le ministre britannique des affaires étrangères de cette époque, Edward Gray, de maintenir l'accord entre les grandes puissances. A la place, un Etat a été formé hors duquel est resté la moitié des Albanais, dispersés entre la Grèce, la Serbie et le Monténégro.

La situation est similaire aujourd'hui : 3,2 millions d'Albanais vivent en Albanie, 1,5 million au Kosovo, 500 000 en Macédoine et en Grèce, 100 000 en Serbie et 40 000 au Monténégro. A cela il faut ajouter les Albanais de la diaspora, soit 1,2 million aux Etats-Unis, en Allemagne, en Suisse et dans les autres pays d'Europe de l'Ouest.

« La Grande Albanie » a brièvement été sous le pouvoir de l'Italie fasciste, rappelle Michael Roskin, expert des Balkans au Collège Lycoming à Williamsport en Pennsylvanie. Elle comprenait le Kosovo, des parties du Monténégro, le nord-ouest de la Macédoine et de l'Albanie. « De nombreux Albanais pensaient que c'était une bonne solution », remarque Roskin.

Théoriquement, les incidents armés des derniers mois dans la vallée de Preshevo, au nord du Kosovo et au nord-ouest de la Macédoine, n'ont rien à voir avec cette idée. Cependant, en pratique, la plupart des incidents sont le produit d'une frustration parmi les Albanais, justement à cause de leur actuel statut légal, et d'une crainte de plus en plus prononcée que, pour la troisième fois dans l'histoire récente, l'Occident ne sacrifie leurs intérêts pour satisfaire ceux des autres peuples des Balkans.

Il y a beaucoup de points communs dans les déclarations de l'Armée de libération de Presevo, Medvedje et Bujanovac (UCKPMB) et de l'Armée nationale de libération en Macédoine : toutes deux affirment qu'elles protègent les Albanais contre les actions opprimantes des forces locales de sécurité. Or, il semble que ces deux groupes aient des objectifs beaucoup plus vastes - bien que jusqu'à présent seule l'UCKPMB se soit clairement prononcée en ce sens - à savoir l'annexion par le Kosovo des régions du sud de la Serbie, dont la population est à domination albanaise et, éventuellement, des régions nord et ouest de la Macédoine.

Il est difficile d'évaluer quel est le degré de soutien des Albanais à ces deux guérillas. Les deux groupes jouissent d'un fort soutien de l'UCK du Kosovo en théorie dissoute, sur la base de laquelle ils se sont formés, et avec laquelle ils partagent les initiales.

Le « Sunday Telegraph » de Londres du week-end dernier affirme que le but des insurgés albanais qui ont amené la Macédoine au bord d'une autre guerre balkanique, est l'indépendance de leur voisin, le Kosovo, et éventuellement la sécession des régions de la Macédoine peuplées d'Albanais, afin de former « le Grand Kosovo ». Cet hebdomadaire pense qu'il a découvert les fils entremêlés reliant les puissants clans albanais de Macédoine et du Kosovo. Selon cette théorie, les clans qui ont initié la révolte au Kosovo soutiennent le soulèvement en Macédoine. La semaine dernière, un commandant militaire de l'UCK a dévoilé que Emrus Dzemali, l'ancien chef de sécurité de l'UCK d'Hasim Thaci, dirigeait les actions des insurgés autour de Tetovo.

Bien que l'Occident soit actuellement résolument contre un nouveau tracé des frontières dans les Balkans, les radicaux albanais espèrent qu'ils vont transformer l'indépendance du Kosovo en unique alternative à une nouvelle guerre dans la région. Bien que selon l'estimation des analystes occidentaux, cette stratégie a peu de chances de succès, elle ravive néanmoins le conflit.

Les émigrants albanais qui sont favorables à l'indépendance du Kosovo, recueillent depuis des années de l'argent, des recrues et des armes en Suisse, Allemagne, Amérique du nord. D'après le directeur adjoint des activités d'Interpol, Ralph Mucke, l'UCK kosovar au cours des années '90 a été formée avec l'aide de 163 millions de dollars américains provenant de la vaste diaspora albanaise et de 250 millions de dollars du cartel albanais de l'héroïne qui en contrôle tout le commerce en Europe.

Le chef des ultra-nationalistes et l'un des fondateurs de l'UCK kosovar, Fazli Veliu, qui vit en Suisse, a des liens de parenté proches avec Ali Ahmeti, représentant politique des insurgés de l'UCK. D'après le « Sunday Telegraph », tous deux sont originaires du village macédonien Zajas, et ils ont des liens étroits avec Hasim Thaçi, de même qu'ils en avaient avec le puissant clan Jasari qui a mené les premières actions de l'UCK kosovar, avant que la majorité de ses membres ne soit écrasée par les forces de sécurité serbes en février 1998.

La plupart des insurgés actuels de l'UCK macédonienne sont des Albanais des régions nord et ouest de la Macédoine, et leurs commandants ont été formés aux combats de l'UCK kosovar il y a deux ans.

Selon le « Sunday Telegraph » les insurgés espèrent créer « Le grand Kosovo » en séparant les régions nord et ouest à prédominance albanaise.

De quoi s'agit-il donc ? Ce journal affirme qu'entre temps les Albanais du Kosovo, de Macédoine et du sud de la Serbie sont devenus indifférents à l' idée de la « Grande Albanie ». Beaucoup d'entre eux ont pour la première fois séjourné en Albanie comme réfugiés en 1999, et ont été choqués en «  découvrant » combien leur « mère patrie » était arriérée et pauvre, suite au long règne de dirigeants xénophobes communistes à Tirana.

Les journalistes occidentaux confirment que les extrémistes albanais actuels ne parlent de la « Grande Albanie » que par incidence. Or, près de Tetovo, ils parlent déjà ouvertement du « Grand Kosovo ». « Ici c'est le Kosovo » a dit un jeune homme à Germo, une ville au nord-ouest de la Macédoine, lorsqu' il a ces jours-ci salué un de ces journalistes.

Dans le village de Koncuji, au sud de la Serbie, un insurgé albanais qui s' est donné le nom de Zenga, nom que portaient les unités paramilitaires croates avec lesquelles il combattait au début de 1990, rit quand on lui pose la question s'il se bat pour la « Grande Albanie » et réplique au journaliste occidental : « Si vous étiez un Albanais kosovar, vous aimeriez vivre en Albanie ? Vous blaguez ? l'Albanie c'est la folie complète ». Zenga dit qu'il se bat pour le « Grand Kosovo », qui comprendrait la province et « le territoire « albanais » au sud de la Serbie et en Macédoine.

Aujourd'hui, l'Albanie est entourée d'une population d'origine albanaise au Monténégro, au Kosovo, au sud de la Serbie, en Macédoine et en Grèce. Et cette population en général n'est pas heureuse, pas plus qu'elle ne progresse dans des Etats qu'elle considère comme étrangers, où les Albanais sont souvent confrontés aux préjugés, supportent la haine et la peur. La situation est « pratiquement idéale » pour les nationalistes albanais.

Certains des analystes occidentaux sont pessimistes quant à une solution acceptable pour tous. Pour le moment, l'Occident est heureux que l'esprit du gouvernement actuel à Tirana soit à prédominance pro-européen. Ces dirigeants ont montré du sang froid et, tout du moins en public, ne soutiennent pas les séparatistes albanais. Au contraire en Macédoine, ils ont condamné publiquement leurs concitoyens et l'utilisation de la force, et ont également proclamé qu'ils n'avaient aucune prétention territoriale envers le pays voisin.

Toutefois, il se pose la question de savoir combien de temps il faudra avant que de nouveaux dirigeants au nord d'Albanie, où dominent les politiciens musulmans plus conservateurs, n'apportent un soutien ouvert au mouvement pan-albanais ? D'ailleurs, les Albanais kosovars et les guérilleros d' Albanie aident déjà leurs cousins qui se battent en Macédoine et dans la vallée de Presevo.

L'occident s'efforce de trouver le moyen d'une réconciliation ethnique dans l'ex Yougoslavie. Or, certains analystes considèrent que dans l'histoire de la région beaucoup de choses font que l'idéal de pays multiethniques devient de plus en plus éloigné. Entre la majorité des Albanais et des Slaves, il y a de grandes différences ethniques et religieuses, et la voix d'un violent nationalisme s'entend encore parmi les minorités libérales des deux côtés.

L'Occident ne peut se déclarer en faveur du séparatisme ethnique, mais, d' après ces analystes, actuellement le séparatisme et l'aspiration à l' homogénéité ethnique sont les forces les plus puissantes dans les Balkans. Est-ce que dans une telle situation la communauté internationale doit insister sur le maintien des frontières existantes et sur la souveraineté, étant donné que cela sous-entend des opérations pacifiques sur plusieurs années qui ne doivent pas donner de grands résultats ? Est-ce que la communauté internationale doit être pragmatique et, si le mariage n'est pas réussi, permettre un divorce par accord qui à tous apporterait le bonheur ?

Cela ne veut pas dire qu'il faille renoncer à l'idéal d'une société multiethnique. Or, l'histoire a tellement empoisonné les relations entre les peuples qu'il faudra des décennies de « refroidissement » avant qu'ils ne commencent à penser à s'unir, et cette fois sur une nouvelle base volontaire.

(Mise en forme : Sabine Ostarcevic)