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Un référendum qui menace la stabilité de la Macédoine
TRADUIT PAR JACQUELINE DERENS
Publié dans la presse : 24 septembre 2004
Mise en ligne : jeudi 30 septembre 2004

Sur la Toile http://www.balkans.eu.org/article4618.html



Le référendum sur un nouveau découpage des limites municipales menace de
plonger le pays dans une crise politique, en remettant en cause les accords
de paix d'Ohrid, et les réformes prennent du retard.


Par Nevena Angelovska

La campagne pour le référendum doit officiellement commencer le 7 octobre,
mais un premier vote de défiance envers la majorité au pouvoir, à l'
initiative de l'opposition a marquéle départ de la campagne.

Ce référendum fixé au 7 novembre a été organisé pour essayer de bloquer la
démarche du gouvernement pour faire passer le nombre des municipalités -
actuellement de 123 - à 80. Cela aurait pour résultat de faire perdre aux
Macédoniens leur statut de majorité au profit des minorités albanaises dans
certaines localités.

Si le référendum est victorieux, cela remettrait à plus tard les réformes de
décentralisation indispensables pour adhérer à l'UE, mais le fait même d'
organiser un référendum pourrait provoquer un conflit ethnique, selon la
mise en garde de certains analystes.

Comme il faut une participation de 50% de l'électorat macédonien qui se
monte à 1,6 million d'électeurs pour que le référendum soit valide, et comme
les partis macédoniens et albanais au pouvoir font campagne pour un boycott,
il semble tout à fait vraisemblable que ce référendum n'aboutira à rien.

Le Parlement a adopté au mois d'août une loi définissant de nouvelles
limites municipales, mesure incluse dans un plan de décentralisation,
dernier élément fondamental des accords d'Ohrid qui mirent fin au conflit
ethnique de 2001 en accordant de plus grands droits civiques aux Albanais.

Mais cette mesure a rallumé les frustrations que beaucoup de Macédoniens
ressentent devant les concessions faites aux Albanais depuis le conflit. Une
pétition qui a recueilli 180 000 signatures, un chiffre important pour une
population de deux millions d'habitants, a été faite pour protester contre
la nouvelle loi, obligeant le gouvernement à organiser un référendum sur la
question.

« Il est clair que nous allons vers une crise politique parce que toute l'
énergie de la population se concentre sur ce référendum », a déclaré à la
chaîne de télévision A1 Denko Maleski, un professeur de droit international
de l'université de Skopje.

Les partis d'opposition, mené par le VMRO-DPMNE, nient que l'appel pour un
référendum soit un geste hostile à la minorité albanaise. « Nous soutenons
le processus de paix et de décentralisation. Le référendum n'est pas contre
les Accords d'Ohrid, mais contre les mauvaises décisions de la coalition
gouvernementale », a déclaré Vlatko Gjorcev, un responsable du VMRO.

Craignant des incidents violents pendant le vote, le gouvernement a demandé
l'envoi d'observateurs internationaux à l'OSCE, une demande qui est
habituellement réservée pour les élections présidentielles ou législatives.

Pour Gjorgji Ivanov, professeur d'études politiques à l'université de
Skopje, la situation actuelle « a ouvert à nouveau les plaies de 2001 et
fait surgir des questions sur les accords de paix qui nous ramènent là ou
nous étions. Au lieu de mettre ces questions derrière nous, nous discutons à
nouveau des mêmes problèmes que nous pensions être résolus ».

Radmila Sekerinska, responsable pour l'intégration européenne, pense qu'une
victoire de l'opposition au référendum pourrait faire beaucoup de dégâts.

« Si le référendum est victorieux, il annulera les efforts faits pour créer
une nouvelle qualité des relations interethniques », dit-elle en soulignant
que la Macédoine se trouve dans une phase sensible du processus d'
intégration européenne.

En octobre, la Commission européenne doit présenter à la Macédoine un
questionnaire de 5000 questions relatives à ses efforts pour devenir un pays
candidat. Les réformes de décentralisation sont vitales pour cette ambition
et Bruxelles a déjà mis en garde contre les dernières tentatives de blocage
des réformes, ce qui aurait un effet sur l'avenir de la Macédoine.

Si les partis d'opposition réussissent à bloquer les modifications des
limites des municipalités, le gouvernement aura besoin de geler les autres
projets de décentralisation, qui avaient pour but de s'appliquer au nouveau
système des 80 municipalités

Selon la constitution macédonienne, si la majorité des électeurs choisissent
de garder les limites actuelles, la loi ne pourra pas être révisée avant un
an, période pendant laquelle les réformes de décentralisation seront au
point mort.

« Le temps passe, et plus la Macédoine attendra pour répondre aux critères
nécessaires, plus elle attendra son entrée dans l'Europe », a prévenu Sheena
Thomson, une porte-parole de l'UE à Skopje.

D'autres affirment que l'organisation même du référendum retardera de toutes
façons les réformes, quelle que soit son issue. Le Parlement a déjà retardé
par deux fois des élections locales, qui devaient avoir lieu en octobre de
cette année et qui sont repoussées à mars prochain.

« Il est évident que tout le processus des réformes va prendre du retard et
tout sera retardé de plusieurs mois », affirme Sheena Thomson.

« C'est une perte de temps. Nous dépensons beaucoup d'argent et de temps
pour ce référendum, alors que nous devrions nous concentrer sur des
questions vitales comme la réponse au questionnaire de l'UE et l'application
des Accords d'Ohrid », confirme Nazmi Maliqi, de l'Union des Intellectuels
Albanais.

Les réformes de décentralisation ne sont pas les seules à être suspendues à
la tenue du référendum. Des observateurs font remarquer qu'avec un chômage
avoisinant les 40 %, la Macédoine a vraiment besoin de se consacrer aux
questions économiques.

Pour Nazmi Maliqi, « dans la crise économique actuelle, les gens sont plus
préoccupés de leur niveau de vie que d'un référendum que certains utilisent
pour revenir au pouvoir. Tous les partis sont impliqués dans ce marchandage
politique qui ne contribue en rien à la stabilité du pays ».


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