OSSERVATORIO SUI BALCANI
Albanie : l'Union européenne accuse le gouvernement et l'opposition
TRADUIT PAR MANDI GUEGUEN
Publié dans la presse : 25 septembre 2004
Mise en ligne : samedi 2 octobre 2004


Sur la Toile http://www.balkans.eu.org/article4621.html

Les déclarations du gouvernement hollandais, qui assume actuellement la
présidence de l'Union Européenne ont fait beaucoup de bruit dans le pays des
aigles. L'UE pointe le doigt sur Tirana et la classe politique, la rendant
responsable de la stagnation du pays. Les politiques et les médias albanais
répliquent.


Par Indrit Maraku

Les espoirs des Albanais d'une intégration rapide dans l'Union Européenne
ont connu ces derniers jours un énième revers. Dans une déclaration publiée
le 14 septembre, le gouvernement hollandais, qui préside actuellement l'UE,
a qualifié les réformes en cours en Albanie de largement insuffisantes. Les
États-Unis et l'Organisation pour la Coopération et la Sécurité en Europe
(OSCE) ont confirmé le dur constat du gouvernement des Pays Bas, tandis que
l'ambassadeur de l'UE à Tirana, Lutz Salzmann, a mis fin aux différentes
interprétations de ces déclarations, en rappelant qu'elles s'adressent aux
deux dirigeants politiques locaux à la « mentalité communiste ». Les médias
locaux s'étonnent de la dureté du ton des accusations, qu'elles définissent
comme « offensantes à l'égard d'un État souverain ».

Les critiques
La déclaration hollandaise se préoccupe de la lenteur d'application des
réformes. Le gouvernement de Tirana, a fait des efforts en ce qui concerne
la réforme électorale, la lutte contre le crime organisé, l'accès des médias
et le respect des droits de l'homme et des minorités. En se référant à l'
incident survenu le 18 août à Lazarat [1], où les trafiquants de cannabis
ont tiré sur un hélicoptère de la police italienne, l'UE note que « le
trafic de drogue et d'êtres humains restent un problème fort préoccupant ».

Du reste, ce n'est pas la première fois que Tirana s'attire de telles
critiques. La nouveauté de la déclaration hollandaise tient au ton utilisé,
qui s'éloigne des recommandations diplomatiques, pour devenir critique et
même menaçant. En outre, la déclaration est tombée comme un coup de massue
pour les responsables politiques albanais qui en sont restés cois, habitués
à être prévenus une semaine à l'avance du contenu des déclarations
européennes les concernant.

Tout aussi nouvelle est la syntonie entre l'Europe, les États-Unis et l'
OSCE. Ces derniers ont pleinement soutenu les critiques hollandaises. « Les
États-Unis partagent les préoccupations de l'UE à l'égard du rythme lent des
réformes », a fait savoir l'ambassade américaine à Tirana, en rajoutant que
« tous les responsables politiques ont une responsabilité égale pour la
préparation des élections législatives » de juin 2005, considérées comme un
test pour l'intégration.

L'opposition de la droite centriste, chapeautée par l'ex-président Sali
Berisha, n'a pas manqué l'occasion d'interpréter à son avantage les
critiques européennes, en les redirigeant vers le Palais du Gouvernement. L'
ambassadeur de l'UE, Lutz Salzmann s'est alors vu contraint à remettre tout
le monde à sa place en transformant cette fois les critiques en accusations.
Interviewé par Deutsche Welle, le diplomate a confirmé l'absence d'avancées
dans la démocratisation du pays, en accusant toute l'élite politique et pas
seulement le gouvernement actuel. « Tous les partis, sous l'influence de
facteurs divers, sont responsables du ralentissement du processus de
démocratisation. Un de ces facteurs est la corruption, et le chef de l'
opposition aussi devrait relire attentivement la déclaration afin de bien
retenir certaines choses ».

Cette fois, Lutz Salzmann, coupe court à toute interprétation, il estime que
Fatos Nano, le Premier ministre, et Sali Berisha, le leader démocrate, sont
dotés d'une « mentalité communiste ». « Leur mentalité dépassée, a-t-il dit,
rejaillit au moment même où ils concentrent tout le pouvoir dans les mains
de leurs partis, en bloquant ainsi la démocratisation ». Et comme si cela ne
suffisait pas, l'autre accusation fuse : « L'Albanie a glissé du communisme
dans les mains de certaines forces économiques obscures, soit l'économie
informelle, pour ne pas dire une économie criminelle ». Dans cet état des
choses, l'ambassadeur de l'UE, estime qu'il faudrait à l'Albanie au moins 15
autres années avant de pouvoir devenir membre de l'UE.

Les répliques
Les autorités de Tirana se sont décidées à réagir seulement deux jours après
les déclarations. En plus du ministre Marko Bello, le gouvernement a exprimé
sa déception quant aux critiques en se plaignant que l'UE ne disposait pas
de toutes les informations sur ses actions. « Nous aurions aimé que la
Présidence hollandaise eût tenu compte dans ses observations de toutes les
autres informations sur les actions de l'appareil exécutif, législatif et
judiciaire, qui collaborent avec des institutions européennes, connues et
appréciées aussi par d'autres pays membres de l'UE », a affirmé le ministre.

Les médias locaux ont critiqué de suite et sans demi mesure les déclarations
hollandaises, en relevant un ton « négatif, offensif et peu digne à l'égard
d'un État souverain », et es journalistes ont interpellé « la politique
balkanique erronée » d'Amsterdam, caractérisée par une « myopie et des
alliances de type religieux », en rappelant même le massacre de Srebrenica.

La sincérité des diplomates occidentaux est, elle aussi, mise en doute. En
effet, les journalistes ne s'expliquent pas comment le processus des
réformes a pu s'arrêter au cours d'un mois, vu que jusqu'au mois d'août,
toutes les déclarations des divers leaders européens appréciaient « les
progrès de l'Albanie », jusqu'au ministre des Affaires Etrangères
hollandais, qui avait visité Tirana récemment.

Certains journalistes se sentent offusqués par l'attitude de « quelques
diplomates étrangers qui réservent les affirmations fortes aux médias
étrangers, alors qu'à Tirana ils parlent d'habitude de pas sérieux vers l'
E ». Où se situe leur crédibilité dans ce cas ? Pour d'autres, les
ambassadeurs à Tirana « ont leur responsabilité envers ce qui se passe en
Albanie, puisque dans bien des occasions ils ont commandé et nous avons
obéi ».


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[1] petit village rebelle près de Gjirokastra dans le sud

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