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EVROPSKI FORUM
Intégration européenne des « Balkans occidentaux » : la fin de l'approche
régionale
TRADUIT PAR PERSA ALIGRUDIC
Publié dans la presse : avril 2004
Mise en ligne : vendredi 7 mai 2004



L'Union européenne a longtemps insisté sur l'approche régionale comme clé de
la stabilité des Balkans occidentaux, mais les enjeux de sécurité sont
désormais moins pressants et les différents États de la région doivent
définir chacun leur propre voie vers l'Union. La Croatie ouvre la route,
tandis que le dossier le plus difficile reste celui de la Serbie, du
Monténégro et du Kosovo.


Par Vladimir Gligorov [1]

Fin mars, l'UE a publié son troisième rapport sur les Balkans occidentaux
qui, cette fois, ne concerne plus que quatre pays : l'Albanie, la
Bosnie-Herzégovine, la Macédoine et la Serbie-Monténégro (SCG). La Croatie,
bien qu'appartenant à cette région, a entre temps obtenu un avis positif
pour adhérer à l'UE. En même temps que le rapport et les analyses détaillées
de ces pays, des propositions de partenariat européen sont également
avancées comme un nouvel instrument pour stimuler la poursuite du processus
d'intégration des Balkans occidentaux dans l'UE.

Processus de stabilisation et d'association
L'Accord de stabilisation et d'association doit mener à l'adhésion à l'UE,
comme l'a rappelé le sommet de Thessalonique fin juin 2003. Or, on s'est
rendu compte que c'est un processus très lent. Jusqu'à présent, la Macédoine
et la Croatie ont signé cet accord, et c'est seulement avec la Macédoine qu'
il est entré en vigueur depuis le 1er avril 2004, car il doit être ratifié
par tous les États membres de l'UE et du Parlement européen. L'accord pour
la Croatie n'a pas encore été ratifié par le Royaume-Uni, la Hollande et l'
Italie. Pour l'Albanie, les négociations sont en cours, alors que pour la
Bosnie, elles ne seront entamées que lorsque seize conditions seront
remplies. La Serbie-Monténégro n'est qu'au début du processus, car la
Commission européenne doit donner son avis sur la volonté de ces États à
entamer des négociations sur un accord avec l'UE.

Dans le cas de la Serbie-Monténégro, on envisage un processus particulier
pour le Kosovo, comme pour les autres pays, sauf qu'il ne sous-entend pas la
signature d'un accord, car le Kosovo n'est pas un pays souverain.

Le sort de l'approche régionale
Le rapport annuel et son annexe concernant le partenariat européen
mentionnent clairement que les pays des Balkans occidentaux doivent
respecter les critères de Copenhague, mais aussi ceux spécifiques pour la
région, parmi lesquels la collaboration avec le Tribunal de La Haye et la
collaboration régionale. L'annexe confirme que l'approche régionale est
toujours en vigueur, quoique maintenant son contenu ne soit plus très clair.
En fait, lorsqu'il a été établi, après la guerre de Bosnie, il comportait la
condition qu'un pays ne pouvait progresser vers son intégration dans l'UE
plus rapidement que dans son intégration avec les pays de la région. En d'
autres termes, ces deux processus devraient se faire en parallèle. C'est
dans le même esprit qu'a été créé le Pacte pour la stabilité de l'Europe du
Sud-Est. Cependant, dans les récents documents de la Commission européenne,
on ne mentionne pas beaucoup ni l'approche régionale ni le Pacte pour la
stabilité.

Cela signifie-t-il qu'on a complètement renoncé à l'approche régionale ? Il
est nécessaire de remettre les choses au clair : on a eu recours à l'
approche régionale justement pour influer sur la stabilité de la région. La
sécurité est presque toujours un problème régional, et c'est d'autant plus
exact dans le cas des Balkans occidentaux. La seule chose qui relie ces pays
est la sécurité. La Croatie et l'Albanie appartiennent à la même région
uniquement parce que, indirectement, elles sont liées aux problèmes de
sécurité en Bosnie et au Kosovo. La Serbie-Monténégro est directement liée à
tous les pays environnants. On peut donc en conclure que l'approche
régionale aura le même sort que les problèmes de sécurité. Là où ceux-ci
existent, l'approche régionale continuera à être appliquée.

Par exemple, la Macédoine s'efforce de se libérer des problèmes régionaux
car autrement son intégration dans l'UE dépendra de ce que feront les autres
et non pas de ce qu'elle-même fera. Il est certain que l'évaluation de la
Macédoine, traitée par une étude particulière dans le rapport annuel, tient
compte de ce fait. Comme dans le cas de la Croatie, il est très important
que la Macédoine parvienne à un consensus au sujet de la la stratégie d'
intégration dans l'UE. Cela est également valable pour la Bosnie, où
précisément le manque de consensus est le plus grand obstacle à l'avancée
dans le processus d'intégration.

Par conséquent, il ne fait pas de doute que l'approche régionale s'amenuise
de plus en plus car la région concernée est moins grande. La Croatie ne peut
plus être considérée comme un pays faisant partie des Balkans occidentaux,
malgré le fait qu'elle ait toujours l'obligation de développer une
collaboration avec ses voisins. C'est dans cette voie que la Macédoine, puis
l'Albanie et la Bosnie aspirent à aller. Il est difficile de dire si ces
pays réussiront, mais c'est sûrement la voie à suivre pour adhérer à l'UE.

Cela ne veut pas dire pour autant que la collaboration dans la région n'est
pas importante, au contraire, elle sera accrue pour certains pays car les
relations vont se normaliser du fait du renforcement des rapports sociaux et
économiques. Cependant, cette nouvelle dynamique sous-entend la disparition
de l'approche régionale qui a pour objectif de réduire le danger de conflit
et d'autres menaces de sécurité.

Serbie, Monténégro, Kosovo
Lorsqu'on examine le rapport sur la Serbie-Monténégro, on se rend compte
immédiatement qu'il s'agit d'une chose très compliquée. Dans le contexte de
ce que j'ai dit sur l'approche régionale, il est clair qu'il s'applique
aussi à l'Union de Serbie et Monténégro. Tandis que l'approche bilatérale
est devenue dominante en ce qui concerne les autres pays des Balkans
occidentaux, la Serbie-Monténégro (et là, il faut inclure le Kosovo) ne peut
progresser dans la voie de l'intégration avec l'UE si elle ne progresse pas
dans son intégration interne.

Cette position définit le rapport vis-à-vis de la communauté étatique ainsi
que sur le statut final du Kosovo. À partir de là, il est évident que les
problèmes de sécurité sont toujours d'une grande importance lorsqu'il s'agit
de la Serbie, du Monténégro et du Kosovo. Étant donné que l'intégration de
ces trois entités politiques est très lente, l'intégration avec l'UE est
également ralentie. En fait, c'est le seul pays de la région, ou la seule
communauté étatique, qui n'a aucune relation contractuelle avec l'UE.

Il est clair qu'il en sera ainsi tant que l'on ne remédiera pas aux
problèmes qui engendrent des risques sécuritaires dans l'espace de la
Serbie-Monténégro. Par ailleurs, il est évident que la liste des obligations
à court et à moyen terme devant laquelle se trouvent la Serbie, le
Monténégro et le Kosovo est bien plus longue, étant donné que peu de choses
ont été accomplies. Néanmoins, les premiers pas importants sont ceux qui
concernent les problèmes de la sécurité et de la collaboration avec la
communauté internationale, en particulier avec le Tribunal de La Haye.

La décision d'intégration des pays de l'Europe du Sud-Est et des Balkans
occidentaux sera prise dans les prochaines années. D'ici la fin de cette
décennie, il est certain que la Bulgarie, la Roumanie et la Croatie feront
partie de l'UE. La Macédoine aura entamé des négociations sur son adhésion,
ainsi peut-être que la Bosnie-Herzégovine. Dans l'état actuel des choses, il
faudra plus de temps à l'Albanie, avant tout parce que c'est un pays qui n'
est pas très développé. Ce qui reste incertain, c'est bien le sort qui sera
réservé à la Serbie, au Monténégro et au Kosovo.

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[1] L'auteur est chercheur à l'Institut Viennois pour les Recherches
Economiques Internationales (WIIW) et membre du Conseil BeCEI

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