31/12/2004 - 09:09
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BELGRADE, 31 déc (AFP) L'avenir du Kosovo, pierre d'achoppement entre Belgrade et Pristina |
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Le statut final du Kosovo demeure la principale pierre d'achoppement entre Belgrade et Pristina alors que l'Onu doit ouvrir en 2005 des discussions sur le futur de cette province. La situation est d'autant délicate qu'entre Belgrade et Pristina le dialogue semble impossible après la nomination en novembre au poste de Premier ministre du Kosovo de Ramush Haradinaj, 35 ans, un ancien chef guérillero que les Serbes accusent de crimes de guerre. Le Kosovo est techniquement une province serbe mais se trouve sous administration de l'Onu depuis la fin du conflit, en juin 1999, entre rebelles albanais et forces serbes. Les Albanais qui représentent quelque 90 % de la population réclament l'indépendance, ce que Belgrade refuse catégoriquement. Des pourparlers sur le statut final du Kosovo devraient débuter en 2005 sous les auspices de l'Onu, mais la communauté internationale insiste pour que Belgrade et Pristina procèdent auparavant à des discussions sur des questions d'ordre pratique. L'année 2005 "pourrait être tendue en raison de l'approche des discussions sur le statut final", a averti l'administrateur de l'Onu au Kosovo, Soren Jessen-Petersen. "Les enjeux sont grands et dans une société fragile comme celle du Kosovo nous pouvons nous attendre à des provocations", a-t-il ajouté. Des représentants du Kosovo et de la Serbie ont convenu, lors d'une rencontre à Vienne en octobre 2003, de discuter de questions techniques d'intérêt commun, telles que l'énergie, les communications ou le retour des réfugiés. Mais en mars 2004 des violences anti-serbes qui ont fait 19 morts et plus de 900 blessés ont gelé ces discussions. "La situation est celle qui régnait pendant la guerre, même si aujourd'hui ce ne sont pas les armes qui parlent", a estimé un diplomate occidental. Avec la nomination de Ramush Haradinaj au poste de Premier ministre, la tension entre Belgrade et Pristina est encore montée d'un cran. Les autorités serbes refusent de discuter avec cet ancien commandant de l'Armée de libération du Kosovo (UCK) qui a été récemment interrogé par des procureurs du Tribunal pénal international (TPI) sur son rôle pendant la guerre au Kosovo. Les déclarations du M. Haradinaj selon lesquelles un dialogue entre Pristina et Belgrade aurait un "caractère positif" n'ont nullement détendu l'atmosphère. "Les autorités serbes n'acceptent pas ce qui s'est passé après 1999, à savoir que le Kosovo est de fait un Etat libre et indépendant", a estimé de son côté le président du Kosovo Ibrahim Rugova. "Tout serait plus simple avec une reconnaissance directe de l'indépendance du Kosovo par les Etats Unis ou l'Union européenne", a-t-il ajouté. Mais pour Belgrade l'idée même d'une indépendance du Kosovo est inacceptable. Elle serait "illégale et criminelle", a même déclaré le ministre des Affaires étrangères Vuk Draskovic. Considérant le Kosovo comme le berceau de leur culture et de leur religion, aussi bien les autorités de Belgrade que la minorité serbe du Kosovo y voient toujours une partie inaliénable de leur territoire. En outre, Belgrade accuse les leaders albanais et la communauté internationale d'avoir échoué à assurer la sécurité de la minorité serbe dans la province et d'avoir ignoré les violences qui ont forcé plus de 200.000 Serbes à fuir le Kosovo depuis l'arrivée de l'Onu. Entre 80.000 et 100.000 Serbes y sont restés, principalement isolés dans des enclaves protégées par la Force de paix de l'Otan (Kfor). |
Publié dans la presse : 30 décembre 2004
Mise en ligne : mardi 4 janvier 2005
Sur la Toile
http://www.b92.net/
Le 23 décembre, la directrice du Centre du droit humanitaire de Belgrade, Natasa Kandic, a lancé une véritable bombe en accusant les services secrets serbes d’avoir caché des crimes de guerre perpétrés durant la guerre du Kosovo, en incinérant des corps dans une usine de la ville de Surdulica. Natasa Kandic dénonce nommément plusieurs anciens membres du gouvernement, ainsi que des hauts fonctionnaires toujours en poste. Nous reproduisons le texte complet de sa déclaration, publié sur le site de B92.
Par Natasa Kandic
La dissimulation des crimes de guerre serbes commis au Kosovo en 1998 et pendant les bombardements de l’OTAN a été avant tout une tâche de la police, menée à bien par les hommes de confiance de Vlajko Stojiljkovic, alors ministre de l’Intérieur serbe, de Nikola Sainovic, alors Premier ministre serbe, de Vlastimir Djordjevic, ancien chef de la Sécurité publique, et de Rade Markovic, ancien chef de la Sûreté de l’État (DB). Dans le sud de la Serbie, l’homme de confiance était Dragomir Tomic, un haut fonctionnaire du gouvernement et du Parlement serbes à l’époque de Slobodan Milosevic, aujourd’hui propriétaire de la compagnie Simpo. Son soutien a été fondamental pour la gestion et pour le transport des corps du Kosovo jusque dans la région de Vranje et Surdulica. Ont pris part à la réalisation de ce « devoir patriotique », du Kosovo via Bujanovac, des membres de l’Unité d’Opérations Spéciales (les Bérets Rouges), des responsables locaux et nationaux de la Sûreté de l’État, et le directeur de l’usine de Mackatica - devenu à présent son propriétaire.
À Surdulica, tout le monde sait que des corps venant du Kosovo ont été incinérés dans cette usine pendant les bombardements de l’OTAN. Mais personne n’ose en parler publiquement, parce que tous ceux qui ont participé sont encore au pouvoir. Pour empêcher les témoins de parler, les chefs de la Sûreté de l’État les ont forcés à signer des déclarations où ils auraient déclaré « ne subir aucune pression psychologique pour parler de ce qui est arrivé » à Mackatica en mai 1999. Alors que les témoins visuels craignent pour la vie de leurs enfants et pour leur propre vie, l’ensemble de ceux qui ont dirigé et participé à la dissimulation des crimes continuent sans aucun problème leur activité principale : le pillage de la Serbie et de ses citoyens, activité à laquelle ils se consacraient déjà avant l’incinération des corps. Dans n’importe quel autre pays, ils seraient surveillés par les enquêteurs et par les tribunaux. Mais pas en Serbie, où les activités criminelles des groupes et des individus à l’intérieur des institutions sont reconnues comme une forme de patriotisme et de défense du peuple serbe.
La Serbie n’a pris aucune distance par rapport aux politiques et aux pratiques criminelles de son ancien régime. Pourtant, elle n’a pas d’autre option que de se soumettre aux principes de base de la responsabilité d’un État, ce qui implique l’ouverture d’un débat parlementaire sur les fosses communes, la réalisation d’enquêtes concernant les soupçons d’incinération des corps d’Albanais du Kosovo et la condamnation des membres de la police et de tous ceux qui y ont pris part.
Selon des données collectées par le Centre du droit humanitaire auprès de nombreuses sources différentes, l’incinération des corps dans l’usine de Mackatica s’est produite à deux reprises, les 16 et 24 mai 1999, après minuit, sous la protection des Bérets Rouges, qui à cette époque occupaient une base dans le village de Bele Vode, près de Vranje. Selon ces mêmes données, Milorad Lukovic Legija, alors commandant des Bérets Rouges, a personnellement accompagné un chargement de corps et a assisté à l’incinération. Les corps étaient incinérés dans les fours n° 4 et 5. À en juger par les commentaires de la Sûreté de l’État à Surdulica juste après l’incinération, il y aurait eu des enfants parmi les victimes.
L’organisation de l’incinération des corps aurait été dirigée par Zoran Stosic, alors chef de la Sûreté de l’Etat pour le district de Pcinja, et aujourd’hui inspecteur général du ministère de l’Intérieur pour les communes de Vranje, Leskovac, Nis et Prokuplje ; par Bratislav Milenkovic, chef de l’Agence pour la Sécurité et l’Information (BIA) pour Vladicin Han, Surdulica et Bosiljgrad ; par Dragan Stankovic, chef de l’Office des Affaires intérieures à Surdulica depuis 1993 ; par Miroslav Antic, chef de la BIA à Vranje ; par Dragan Lakicevic, qui était le directeur de l’usine de Mackatica et qui en est maintenant le propriétaire ; ainsi que par son adjoint, Aca Djordjevic.
Quand les véhicules militaires TAM 110 arrivaient avec les corps, Bratislav Milenkovic et Dragan Stankovic éloignaient les gardiens habituels de l’usine et les remplaçaient par des membres de la police, sous le contrôle de Dragan Stankovic, Dragoslav Djikic - un employé de la Sûreté de l’État à Surdulica - et Tomislav Velickovic - le responsable de l’Office des Affaires intérieures à Surdulica.
Suite aux événements de Mackatica, de nombreux témoins visuels ont été conraints à signer la déclaration évoquée plus haut, ainsi que des personnes ayant appris ce qui était arrivé, qui ont contacté des membres de la police en qui ils avaient confiance, espérant provoquer un mouvement pour élucider les événements. Au lieu de cela, ces personnes ont été averties au niveau local de ne pas réitérer leur démarche.
Selon une information reçue par le Centre du droit humanitaire, la décision d’utiliser l’usine de Mackatica pour incinérer les corps a été suggérée par la découverte d’un camion frigorifique chargé de cadavres, près de Kladovo, en avril 1999. Les personnes chargées du « nettoyage » du terrain ont annulé l’ordre d’enterrer les corps transportés du Kosovo via Bujanovac dans des lieux inaccessibles, et ont introduit une nouvelle technique de destruction des preuves par l’incinération.
Se référant aux activités criminelles des responsables de la police et de la Sûreté de l’État à Surdulica et Vranje, un groupe de citoyens anonymes a déposé plainte en septembre 2004 auprès de Vladimir Bozovic, Inspecteur général du ministère de l’Intérieur ; de Rade Bulatovic, directeur de la BIA ; de Dragan Jocic, ministre de l’Intérieur de Serbie ; et de Vojislav Kostunica, Premier ministre, en fournissant la preuve des abus des autorités. À ce jour, pourtant, personne n’a émis le moindre commentaire sur ces preuves qui, associées aux informations relatives au racket, aux détournements, aux paiements fictifs, aux propriétés acquises illégalement, et aux autres types d’activités criminelles, incluant la destruction des archives de la Sûreté de l’Etat, éclairent le rôle des « patriotes » et de ceux qui ont combattu pour le peuple serbe au moment des bombardements de l’OTAN et après la chute du régime de Milosevic.
Patriotism or
perverting justice?
Secret police in Kosovo cover-up |
December 30, 2004.
Belgrade’s Humanitarian Law Centre is relentless in its pursuit of
justice for the victims of crimes and the uncovering of crimes committed by
the state. Centre Director Natasa Kandic caused a storm this week, accusing
senior government figures and senior police officials of orchestrating a
cover-up of Kosovo war crimes. We reproduce here the full text of Kandic’s
statement.
http://www.balkans.eu.org/article4913.html
IWPR
Des missiles destinés à une nouvelle guérilla albanaise
en Macédoine interceptés en Albanie
TRADUIT PAR PIERRE DÉRENS
Publié dans la presse : 17 décembre 2004
Mise en ligne : mardi 21 décembre 2004
Sur la Toile
http://www.iwpr.net/home_index_new.html
La police albanaise a arrêté quatre personnes qui faisaient passer illégalement dans le pays des missiles sol-air, qui auraient été destinés aux séparatistes albanais de Macédoine.
Par Neil Barnett
La saisie en Albanie de trois missiles sol-air portables à l’épaule, destinés en principe aux séparatistes albanais de Macédoine, suscite la crainte de nouvelles menaces pour la sécurité de la région.
Les missiles SA-7B Strela ont été interceptés le 13 décembre. On pense qu’ils proviennent de Bosnie ou de Serbie et qu’ils étaient destinés à la Macédoine, où les rebelles albanais ont mené un bref conflit contre les autorités en 2001.
La police albanaise a arrêté quatre personnes - Sokol Mujaj, Ilim Isufi, Armir Troshani et Mentor Cani -- avec les missiles, peu de temps après leur entrée dans le pays en provenance du Monténégro.
Bajram Ibraj, directeur général de la police albanaise explique : « Quatre hommes ont été pris avec les missiles, sur la route de Vlora à Rinas. Ils se trouvaient dans une camionnette d’une compagnie faisant le commerce de saucisses. L’opération de la police avait été bien préparée. Nous continuons à rechercher l’origine et la destination des missiles, et nos correspondants au Monténégro mènent aussi l’enquête ».
On a dit qu’un groupe séparatiste albanais, actif en Macédoine et au Kosovo, aurait passé commande des missiles. Un Bosniaque aurait accepté le marché, fournissant les armes à partir d’un groupe ayant des liens islamistes et de cercles mafieux.
Les missiles Strela, fabriqués en Russie, et d’autres missiles sol-air (SAM) sont une réelle menace pour l’aéronautique civile et militaire. Des missiles identiques ajustés à l’épaule ont été lancés, sans succès, contre un avion d’Israël à Mombasa en 2002 et une version plus sophistiquée, Strela 3, a frappé un avion-cargo DHL qui allait atterrir sur l’aéroport de Bagdad en 2003.
Les extrémistes albanais de Macédoine ont beaucoup augmenté leurs activités militaires ces trois derniers mois.
Ils ont essayé de se procurer des SAM de diverses provenances, pour s’en servir contre les drones de surveillance et les hélicoptères macédoniens d’attaque. Il y a aussi eu une hausse du recrutement, des fonds locaux et internationaux et de l’achat de matériel médical. Depuis 2001, les réseaux de communication de la radio des insurgés se sont faits de nouveau entendre.
Depuis la mi-novembre, les tensions sont montées d’un cran en Macédoine, lorsque 300 Albanais armés sont apparus dans le village de Kondovo, près de Skopje. Depuis, ils ont pris le contrôle du village, creusant des tranchées, sans qu’interviennent les forces de sécurité.
On ne sait pas ce que veulent ces combattants, ni ce qu’ils représentent.
Le ministre de l’Intérieur de Macédoine les présente comme un groupe de criminels, et la presse locale se demande s’il ne s’agit pas d’Islamistes venus de l’étranger et liés à la medresa (école religieuse) Isa Beg de Skopje, qui est située dans le village de Kondovo.
Pour certains il s’agit simplement de chômeurs manifestant leur mécontentement, ainsi que le soutient le dirigeant de l’Union démocratique pour l’intégration (BDI-DUI), membre de la coalition au pouvoir, Ali Ahmeti, qui souligne la déplorable situation économique du pays.
Quelles que soient les personnes qui se cache derrière l’incident de Kondovo et l’interception des armes, les analystes expliquent que l’engagement politique non achevé, les frontières poreuses, une législation faiblement mise en œuvre et un abondant marché des armes, sont autant de facteurs qui menacent la stabilité des Balkans.
L’annonce de la saisie des missiles a été faite au cours d’une conférence régionale à Tirana sur le trafic des petites armes de poing dans l’Europe du sud-est, à l’invitation du ministre albanais de La loi et de l’ordre.
La conférence était organisée par Initiative et coopération en Europe du sud est (SECI), un réseau basé à Bucarest pour la coopération contre le crime organisé. Des responsables de police de toute la région étaient présents.
En plus du SECI, il y a de nombreux séminaires de formation de police, des projets de liaison et d’aide dans la région, avec Interpol, les Nations Unies, l’OSCE en Europe et l’UE. Il n’en demeure pas moins que la lutte contre le trafic des armes doit s’attaquer à un marché colossal.
Un délégué à la conférence, qui a préféré garder l’anonymat, a souligné qu’aucun pays balkanique ne met ses services de renseignement en accord avec la fiabilité des sources. Il est donc difficile au SECI d’évaluer le danger.
Il ajoute que « l’idée d’analyser sérieusement les organisations criminelles - de façon à permettre de prendre tout un réseau plutôt que simplement des individus - est elle aussi nouvelle ».
Non seulement il existe une grande méfiance entre les différentes forces de police nationales, mais il y a aussi bien peu de coopération entre les différentes institutions de sécurité publique d’un même pays.
Cependant, beaucoup de pays de l’Europe du sud-est se battent pour limiter le trafic des armes dans leur pays, en partie pour faire face à des critères d’adhésion très stricts de l’UE, et pour manifester à l’Occident le sérieux de leur engagement contre les gangs du crime organisé.
Il est indéniable que l’Albanie et d’autres pays de la région font des progrès, mais cette amélioration est parallèle à la hausse de l’activité criminelle, qui est même supposée toucher les plus hauts niveaux du gouvernement.
Pour Erion Veliaj, à la tête du mouvement civique albanais Mjaft (Assez) : « Tout le trafic que le gouvernement ne fait pas lui-même, il l’intercepte pour impressionner la communauté internationale ».
Dans le passé, le Premier ministre Fatos Nano avait déjà été accusé de faciliter le trafic des armes pour l’UCK du Kosovo, sur la base de conversations le mettant en cause, en 1997. À la suite de quoi, il aurait dit qu’il était moralement justifiable d’aider l’UCK.
Erion Velaj ajoute : « Les déclarations de Fatos Nano prouvent que des gens au sommet du pouvoir savent comment faire ce trafic, et cela a pu être le cas dans d’autres circonstance. J’ai vu au Rwanda des kalachnikovs fabriquées en Albanie ».
Faire le trafic des armes, de la drogue, des êtres humains par les frontières balkaniques devient de plus en plus risqué. Mais il faudra attendre des années avant que les criminels transnationaux n’estiment que la probabilité d’être pris et jugés est plus forte que l’appât des profits illicites.