Le Représentant spécial du Secrétaire général pour le Kosovo, Søren
Jessen-Petersen, a remercié aujourd'hui le Président du Kosovo, Ibrahim
Rugova de l'annonce des résultats de ses consultations avec tous les partis
politiques, qui ont conduit à la formation d'un gouvernement de coalition de
la LDK et du AAK et à la nomination de Bajram Kosumi au poste de Premier
Ministre, indique un communiqué de la Mission d'administration intérimaire
des Nations Unies au Kosovo (MINUK) publié aujourd'hui.
Cette nomination fait suite à la démission de l'ex-Premier Ministre
Ramush Haradinaj, qui s'est rendu au Tribunal pénal international pour
l'ex-Yougoslavie ( TPIY ) qui l'accuse de crimes contre l'humanité et de
crimes de guerre commis en 1998 en sa qualité de commandant de l'UCK (voir
notre dépêche
du 11 mars 2005).
Le Représentant spécial a souligné qu'il était extrêmement important,
« afin que le Kosovo soit prêt pour les discussions sur son statut [final]
», que « les institutions démocratiques fonctionnent comme on peut s'y
attendre dans une démocratie, dans le plein respect des principes
constitutionnels ».
« Je pense que c'est ce à quoi nous assistons », a-t-il affirmé,
rappelant que les deux partis qui ont formé un gouvernement, s'ils reçoivent
l'investiture de l'Assemblée, « sauront exactement quoi faire, dans un
calendrier très serré ».
En effet, « les prochaines évaluations techniques des progrès accomplis
sur les normes pour le Kosovo devront être prêtes d'ici au 15 avril prochain
», a-t-il indiqué, ajoutant qu'il « resterait encore un mois pour faire des
progrès » avant qu'il ne se rende à New York pour faire rapport au Conseil
de sécurité.
Søren Jessen-Petersen a par ailleurs rendu hommage à la détermination du
Président Rugova de s'assurer que tous les partis politiques participent
activement aux questions importantes et entament une réflexion sur le futur
statut.
Il a réciproquement appelé les chefs des deux partis d'opposition, Hashim
Thaci et Vetton Surroi, à jouer leur rôle d'opposant en poussant le
Gouvernement à agir, mais aussi en « contribuant à trouver une solution »
aux questions prioritaires, notamment la préparation au futur statut et la décentralisation.
« C'est une expérience nouvelle pour le Kosovo », que « d'accepter que
dans une démocratie il y ait des gagnants et des perdants », a-t-il affirmé,
se déclarant encouragé par l'attitude responsable de tous les citoyens,
Albanais du Kosovo et Serbes du Kosovo, ainsi que par « les appels au calme
de Belgrade ».
Le 15 mars dernier, le véhicule du Président Rugova avait fait l'objet
d'une attaque à la bombe qui n'avait pas fait de victimes. Le Représentant
spécial avait vivement condamné cet acte, estimant qu'il « n'avait pas le
soutien de la majorité de la population du Kosovo » (voir notre dépêche
du 15 mars 2005).
LEXPRESS.fr du 23/03
Les députés du Kosovo ont élu, mercredi 23 mars 2005,
Bajram Kosumi au poste de Premier ministre (il a obtenu71 contre 36 sur le
Parlement qui compte 120 sièges). M. Kosumi, 45 ans, ancien député, était ministre de
l'environnement dans le gouvernement de M. Haradinaj. Pendant la guerre au
Kosovo (1998-1999) M. Kosumi, originaire de Kosovska Kamenica (est du Kosovo),
n'était pas associé à la guérilla albanaise de l'Armée de libération du
Kosovo (UCK). En 1981, il a fait partie des organisateurs de manifestations d'étudiants
albanais et a été condamné à plusieurs années de prison par les autorités
serbes. A sa sortie de prison, en 1991, il a travaillé comme journaliste et
faisait partie de la délégation albanaise aux négociations de Rambouillet.
M. Kosumi est marié et père de quatre enfants. DANAS Publié dans la presse : 12 mars 2005 Veton Suroi, ancien rédacteur en chef du
quotidien albanais Koha Ditore, négociateur à Rambouillet, et actuel président
du parti d’opposition ORA, qui détient six sièges au parlement,
s’explique sur la situation au Kosovo après le départ de Ramush Haradinaj
pour La Haye. Il pointe les questions clés : décentralisation, dialogue
avec Belgrade, question du statut...
Propos recueillis par Jelena Bjelica Danas (D) : Que risque-t-il de se passer
au Kosovo avec le départ de Ramush Haradinaj à La Haye ? Veton Suroi (V.S) : Nous étions inquiets
bien avant la formation de ce gouvernement, lorsqu’une éventuelle
inculpation de Ramush Haradinaj était envisageable. Un acte d’accusation
contre tout membre du parlement pose de graves questions pour toute notre société
comme cela s’est déjà produit auparavant avec Fatmir Ljimaj, D : Pourquoi la Ligue démocratique du
Kosovo (LDK) a-t-elle décidé d’entrer en coalition avec l’Alliance pour
l’avenir du Kosovo (AAK), le parti d’Haradinaj, si cette situation était
déjà connue en octobre au moment de la formation du gouvernement ? V.S. : Je ne sais pas et je ne peux pas répondre
au nom de la LDK. Je ne veux pas faire de spéculations. C’est une question
de principe et pour nous, c’est l’essentiel. Dans le cas de Ramush
Haradinaj, l’AAK et la LDK avaient le droit légitime de former une
coalition. En tant qu’opposition, nous avons soutenu la légitimité
politique de leur décision. De même, nous avons précisé qu’il faudrait
que le TPI soit respecté et que les gens assument leur responsabilité, dans
le cas où une inculpation serait prononcée. D : Pensez-vous donc que Ramush Haradinaj
doit assumer sa responsabilité ? V.S. : Bien sûr. Nous l’avons dit
alors, et nous maintenons nos propos. Nous devons nous comporter dignement
envers le TPI. Ce Tribunal a entamé la question du Kosovo au cours du procès
de l’ancien président serbe, Slobodan Milosevic. Ainsi, nous qui sommes
passés à travers tous ces crimes de guerre, nous devons avoir du respect
envers la justice internationale. Nous avons expliqué que cette convocation
ni différait en rien à une convocation d’un le tribunal local. Ramush
Haradinaj, en plus de sa responsabilité politique, doit avoir la garantie
d’une protection des organes officiels, ainsi que le droit d’avoir des défenseurs. D : Comme l’indique le mot « directive »
que l’on utilise actuellement, il semblerait que le processus de règlement
du statut du Kosovo ait commencé. Comment se déroulera t-il ? V.S. : Du point de vue des négociations,
nous sommes au même point qu’au milieu de l’année 1998. Bien évidemment,
la situation est meilleure : il n’y a plus de guerre, ni de réfugiés,
ni même destructions. Nous attendons une révision des standards dans les
mois à venir. Si cette révision est positive, alors commencera le début du
processus. En fait, ce processus se déroule d’une autre manière, c’est
à dire qu’on établit des principes pour les négociations sur le statut.
Tel que je vois les choses, les négociations auront lieu soit lors d’une
conférence, soit par une diplomatie itinérante, peu importe. Nous aurons
probablement dans la seconde moitié de l’année des principes établis qui
se préciseront en cours de route. Comme vous le savez, l’un de ces
principes est que l’on ne peut pas revenir au statu quo antérieur, c’est
à dire que rien ne peut faire revenir le Kosovo à la situation d’avant
juin 1999. Le deuxième principe, déjà formulé, est que le Kosovo ne peut
être partagé. Outre ces deux principes, il y en aura sûrement une dizaine
de plus, ce qui formera le cadre des négociations. Alors, tous ces différents
intérêts seront indiqués. Les demandes formulées à la réunion de
Rambouillet seront inclues dans ces principes. Il n’y a aucun doute là-dessus.
Nous aurons certainement une situation plus claire à la fin de cette année. D : Si le départ de Ramush Haradinaj à
La Haye ne provoque aucune escalade de conflit, le Kosovo remplit l’un des
standards les plus importants. Êtes-vous d’accord avec cette constatation ? V.S. : Absolument. Mais si l’inverse se
produit, si le Kosovo plonge dans la violence, alors ce sera l’un des
indicateurs les plus graves d’une tendance entièrement négative de sa société.
Nous avons difficilement franchi le cap des événements de mars 2004 et une
nouvelle résurgence de la violence serait fondamentalement destructrice pour
les intérêts de tous les citoyens. D : Revenons aux directives. Croyez-vous
que les citoyens du Kosovo vont bientôt acquérir le droit à l’autodétermination ? V.S : Le droit à l’autodétermination
ne s’acquiert pas, il est inhérent à la société. La question du référendum
est quasiment superflue. J’estime que d’autres dimensions, sur lesquelles
nous devons réfléchir, sont essentielles. A mon avis, le statut du Kosovo
est une question d’adhésion à l’Union européenne. Là est principale
question, tant politique que technique, car l’adhésion à l’UE est une
affaire de management. D : Mais l’État n’est pas une
compagnie ? V.S. : Non, mais l’adhésion montre les
possibilités ou la maturité d’une société à s’autogérer. Regardez la
Bulgarie, elle a toujours servi de comparaison négative. Cependant, en 2007,
elle fera partie de l’UE. Naturellement, la Bulgarie n’est pas un état
mature comparé à la France, à l’Allemagne ou à l’Espagne, mais sa société
est suffisamment avancée du point de vue de son auto-administration. Ce pays
offre de nombreuses garanties de compatibilité de ses institutions avec
celles de l’UE. Cet aspect montre précisément au Kosovo comment arriver à
effectuer une transition vis-à-vis de l’UE. Cette dernière se fera à
l’instant où la société prendre des responsabilités sur elle-même et
sur ses institutions. La question du statut n’est pas une question de
gouvernement, de pouvoir, de drapeau, des brigades de gardes, de marques extérieures,
mais c’est une question de possibilités de la société à se transformer
elle-même. D : Quelle est la situation au Kosovo après
les élections législatives ? V.S. : Les choses ont repris un peu de
dynamisme, surtout après l’arrivée de Soren Jessen-Petersen qui a fait un
revirement sur la manière de ce que la communauté internationale doit mettre
en oeuvre pour entrer dans le programme final. Les élections ont changé la
situation du Kosovo. D’une part, ce résultat annonça l’élection d’un
Premier Ministre dynamique. D’autre part, les trois partis albanais sont
entrés seuls en pourparlers, sans la médiation de la communauté
internationale. En dernier lieu, l’opposition parlementaire qui vient d’être
formée démontre aussi l’une des qualités de ces élections législatives. D : Il est intéressant de voir que pour
la première fois, après ces élections, apparaît au Kosovo une opposition
parlementaire, dont vous faites partie... V.S. : Nous représentons ce troisième
facteur. En effet, nous avons, tant au cours de la campagne électorale,
qu’après les élections, établi un niveau rationnel de débats politiques.
Une partie de cette rationalité est l’existence de l’opposition en général.
Je pense que de ce côté il y a eu assez d’avancées positives. Ce qui est
négatif est la position de Belgrade qui n’a pas su reconnaître cette avancée
et qui a insisté sur le statu quo, en particulier celui de l’Église au
Kosovo. Ainsi, au lieu de tirer avantage de cette avancée, les Serbes ont
perdu car ils sont de nouveau restés de côté. D : Quelle est réellement la force de
l’opposition au Parlement du Kosovo ? V.S. Nous, le Parti démocratique du Kosovo (PDK)
et ORA, ne sommes pas si nombreux pour pouvoir bloquer quoi que ce soit.
Cependant, nous pouvons changer la manière de traiter les choses. L’une des
initiatives d’ORA est qu’à l’inverse du gouvernement précédent,
celui-ci présente dorénavant ses rapports avec transparence. C’est
actuellement devenu une obligation et le gouvernement traite ces détails
financiers. Nous pouvons voir aussi un autre niveau de responsabilité envers
nos initiatives. La manière dont se comporte le Président de l’assemblée
est aussi l’une des questions que nous avons soulevées et dont nous
remarquons les effets. Finalement, nous avons demandé un consensus social
pour la décentralisation, sur un ton différent de celui adopté par le PDK. D : Néanmoins, les Serbes de Gracanica
refusent d’accepter le plan de décentralisation, à l’élaboration duquel
ils ont participé... V.S. : Cette réforme, comme toutes
autres, doit avoir le plein soutien de la société et une base politique, en
particulier la réforme de la gestion locale qui est l’une des questions les
plus importantes des sociétés post-communistes. Elle ne se fait ni par des
projets pilotes, ni par des cas ad hoc, ni de façon improvisée. C’est une
réforme où tous doivent participer et qui modifie la situation dans la société.
Cela exige beaucoup de temps et d’énergie.
18 mars 2005 – A l'annonce par le Président
du Kosovo, Ibrahim Rugova, de la nomination de Bajram Kosumi au poste de
Premier ministre, l'Envoyé de l'ONU a rendu hommage au fonctionnement démocratique
des institutions, rappelant que la prochaine évaluation des progrès
accomplis se ferait avec sa venue au Conseil de sécurité le 15 mai prochain.
carte du Kosovo
"L'indépendance du Kosovo n'est pas le seul défi auquel nous faisons
face, l'indépendance est un pas que nous devons franchir pour pouvoir
travailler au développement économique et à l'intégration à l'UE et
l'Otan", a-t-il déclaré après son élection. "L'indépendance ne
résoudra pas tous nos problèmes mais nous fournira la possibilité de
commencer à les résoudre pour devenir membre du monde prospère",
a-t-il ajouté.
Veton Surroi : l’avenir du Kosovo est dans l’Europe
TRADUIT PAR PERSA ALIGRUDIC
Mise en ligne : jeudi 17 mars 2005
« Au même point qu’en 1998 »
Le test de l’inculpation de Ramush Haradinaj
Une opposition dynamique
Publié dans la presse : 17 mars 2005
Mise en ligne : vendredi 18 mars 2005
Une réunion du groupe de travail albano-serbe s’est tenue cette semaine à Belgrade. La liste de la Croix Rouge sur laquelle figurent les noms des portés disparus a été adoptée comme un document unique par les délégations serbe et albanaise. Cette liste comporte 2960 noms, dont 2300 albanais.
Le président du Groupe de travail pour les disparus au Kosovo, François Shtum a déclaré hier que les membres de ce groupe ont convenu de valider la liste du Comité international de la Croix rouge pour toutes les parties inclues dans l’élucidation du sort des disparus. François Shtum, qui est aussi le chef de la mission du CICR pour l’Europe du sud-est, a déclaré aux journalistes après la réunion tenue à Belgrade que la liste comportait 2.960 noms de personnes portées disparues en 1998, 1999 et 2000, en ajoutant que les Albanais représentaient la majorité de ces disparus. « Le CICR ne désire pas préciser les chiffres relativement à l’appartenance ethnique et considère que la responsabilité de toutes les parties est égale », a souligné François Shtum.
D’après lui il est important que tous les participants du Groupe de travail se soient mis d’accord sur une liste unique, car il arrive fréquemment que chaque partie insiste sur sa propre liste et complique ainsi le travail. Les deux parties, constate François Shtum, savent que leur devoir est de donner des réponses aux familles qui ne savent rien du sort des leurs depuis plus de six ans. Il est essentiel que cette question soit réglée, d’abord pour des raisons humanitaires, mais aussi pour des raisons de réconciliation et d’avenir. François Shtum a annoncé que la prochaine réunion du Groupe de travail se tiendrait le 9 juin à Pristina.
Veljko Odalovic, à la tête de la délégation belgradoise, a précisé que 2 300 Albanais se trouvaient sur la liste, le reste étant des non Albanais, et que le principal était que tous ont été d’accord pour que les disparus soient traités de manière égale, quelle que soit la nationalité, le lieu, le moment et la manière de leur disparition. « Il est bon que le Groupe de travail poursuive ses recherches quotidiennement pour élucider les cas de disparus et que le règlement de ce problème contribue aussi à régler les autres problèmes au Kosovo », a constaté Veljko Odalovic.
Le représentant de la délégation de Pristina, Nedzmedin Spahiju, a exprimé sa satisfaction sur les conclusions de la réunion et sur le fait que le travail du Groupe continue malgré la démission et le départ pour La Haye du premier ministre Ramush Haradinaj la semaine dernière. Spahiju est convaincu que le gouvernement kosovar fera tout son possible pour éclaircir le cas des portés disparus. Olgica Bozanic représentait les familles dont les membres sont disparus au Kosovo et a déclaré que la réunion de ce jour était un encouragement pour toutes les familles car « elles savent finalement qu’elles ne sont plus seules et que le gouvernement a pris sur soi de s’occuper d’elles ».
Le chef de la Minuk, Soren Jessen-Petersen a salué la poursuite du dialogue entre Belgrade et Pristina et a estimé qu’il s’agissait « d’une question humanitaire délicate ».
« Le principal devoir du Groupe de travail sera de donner des réponses concrètes aux familles des disparus. Je suis reconnaissant au CICR et je me réjouis de la prochaine réunion en espérant qu’un réel progrès sera très bientôt remarqué ».
Nenad Djurdjevic, du Forum pour les relations ethniques, à déclaré à la radio B92 que la tenue de cette réunion signifiait une grand pas en avant et montrait que la partie albanaise était prête à se rendre à Belgrade et à participer aux discussions directes : « Comme chaque partie a sa propre liste de disparus il est essentiel de coordonner toutes les informations autour d’une table, d’autant plus que le Tribunal de La Haye détient aussi une liste de personnes disparues ».
Nenad Djurdjevic pense aussi qu’il faudrait régler les droits statutaires des familles : « étant donné que les personnes sont portées disparues, aucune procédure de succession ne peut être effectuée, de sorte qu’il faudrait demander au gouvernement républicain de délivrer un document sur la base duquel ces personnes pourraient être proclamées défuntes afin que leurs familles puissent faire valoir leurs droits de succession ».