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La perspective de régler la question du statut du Kosovo « avant la fin de l’année 2006 » s’envole. Marti Ahtisaari remettra ses propositions au Groupe de contact fin janvier 2007, après les élections serbes. La Russie insiste à nouveau pour que la solution soit acceptable par Belgrade, et évoque le « précédent » que créerait l’indépendance du Kosovo. Les Albanais reparlent d’une déclaration unilatérale d’indépendance.
Par Jeta Xharra et Krenar Gashi
Les représentants des pays les plus puissants du monde ont rencontré Martti Ahtisaari, l’envoyé spécial des Nations Unies pour le Kosovo, le 10 novembre à Vienne, pour tenter d’élaborer une approche commune pour la résolution du statut final du Kosovo. Après une réunion à huis clos, Martti Ahtisaari a déclaré qu’il ferait une proposition sur l’avenir du territoire après les élections législatives serbes qui auront lieu en janvier 2007.
« J’ai décidé de présenter aux deux parties ma proposition pour le règlement du statut du Kosovo immédiatement après les élections législatives serbes qui auront lieu en janvier », tels sont les termes de sa déclaration diffusée par l’UNOSEC, la mission que dirige Marti Ahtisaari.
Cette déclaration faisait suite à l’annonce du Président de Serbie Boris Tadic de la tenue d’élections générale le 21 janvier 2007.
On attendait les propositions de Martti Ahtisaari au Groupe de contact, puis au Conseil de Sécurité de l’ONU avant la fin 2006.
Les divisions au sein du Groupe de Contact sont devenues flagrantes, quand l’allié traditionnel de la Serbie, la Russie, est apparemment revenu à sa position initiale, à savoir que seule une solution soutenue à la fois par la Serbie et le Kosovo serait acceptable, et que si cela n’était pas le cas, elle utiliserait son droit de veto au Conseil de Sécurité. C’est ce qu’a déclaré Andrei Dronov, chef du Bureau de la Russie pour le Kosovo.
Agim Ceku, le Premier ministre du Kosovo, a d’autre part déclaré que, de toute façon, « le Kosovo pourrait déclarer son indépendance », plutôt que d’attendre un consensus de la communauté internationale.
Alors que la majorité des Albanais souhaite l’indépendance du Kosovo, sans plus attendre, la Serbie refuse une telle issue. Cette division se reflète aussi dans le Groupe de Contact avec, d’un côté, les pays occidentaux acceptant le droit des Kosovars à conduire leurs propres affaires et, de l’autre, la Russie qui maintient une position opposée.
Le Kosovo est sous protectorat des Nations Unies depuis juin 1999, quand les bombardements aériens de l’OTAN ont forcé l’administration serbe à se retirer de la province. Les négociations dirigées par l’ONU entre la Serbie et le Kosovo sur le statut final ont commencé en février 2006, sous les auspices de l’envoyé spécial Martti Ahtisaari, mais n’avancent pas depuis plusieurs mois.
Le bureau de Martti Ahtisaari, à Vienne, l’ONUSEC, met la dernière main à une proposition pour le futur statut du Kosovo, qui sera présentée au Groupe de Contact et au Conseil de Sécurité de l’ONU. Alors que ce rapport reste secret, la plupart des observateurs les plus avertis prévoient une forme d’indépendance conditionnelle et sous surveillance, l’UE jouant un rôle clé.
Bruxelles a déjà prévu une mission internationale au Kosovo qui sera en charge de secteurs cruciaux comme la sécurité et la justice. Des sources au sein du Département d’État américain ont confirmé que Washington soutiendrait l’indépendance du Kosovo sous contrôle international.
En rappelant à la communauté internationale que le Kosovo déclarerait, de toute façon, son indépendance le Premier Ministre Agim Ceku a exprimé le mécontentement grandissant sur le territoire envers les projets des puissances étrangères.
« Ce n’est pas une menace. C’est une possibilité envisageable. Le Kosovo sera un État indépendant et nous discutons maintenant sur le calendrier et les possibilités », a-t-il déclaré après sa rencontre avec Joachim Ruecker, le chef de la MINUK, le 9 novembre dernier.
La Russie ne cache pas son mécontentement face au cours des événements. Andrei Dronov nous a déclaré que Moscou ne soutiendrait pas une solution imposée que la Serbie n’accepterait pas. Selon lui, « le Groupe de Contact n’a pas à accepter la proposition de Martti Ahtisaari ». Et d’ajouter que si le statut du Kosovo était tranché « sans résolution du Conseil de Sécurité », par des pays acceptant ou non de reconnaître une déclaration unilatérale d’indépendance, « cela créerait un dangereux précédent ».
Le diplomate faisait clairement référence aux autres questions sécessionnistes dans le voisinage immédiat de la Russie, essentiellement en Géorgie, avec la question de l’Abkhazie qui revendique son indépendance.
De son côté, Richard Holbrooke, l’ancien diplomate américain et médiateur au temps de la guerre en Bosnie, a suggéré que les menaces russes sur le Kosovo n’étaient que du bluff et que les Russes « n’étaient pas stupides » au point d’utiliser leur veto au Conseil de Sécurité. « Les Russes se moquent bien des Serbes ».
Les dirigeants politiques du Kosovo répugnent à voir un lien quelconque entre la question de leur statut et les mouvements sécessionnistes d’autres régions comme l’Abkhazie en Géorgie, ou la Transnistrie en Moldavie. Pour eux, le cas du Kosovo est « sui generis » et ne peut pas servir de précédent pour d’autres conflits.
Agim Ceku espère que Martti Ahtisaari « va proposer que le Kosovo soit un État indépendant avec toutes les compétences requises ». Hua Jiang, porte-parole de l’UNOSEC, a affirmé que le contenu des propositions de statut élaboré par l’envoyé spécial restait secret, et « qu’en fait le texte n’était pas encore achevé ».
Andrei Dronov reste pourtant inflexible sur le fait que le rapport de l’envoyé spécial ne mettra pas nécessairement fin au processus de définition du statut final. « Si les pays du Groupe de contact s’accordent sur la proposition de Martti Ahtisaari, ils la porteront à nouveau devant les deux parties », a-t-il dit, faisant référence aux équipes de négociation du Kosovo et de Serbie, ajoutant que « la Russie insistera pour un compromis entre les deux parties impliquées dans les négociations ».
Un responsable international, parlant sous réserve d’anonymat, nous a affirmé qu’avec le manque de consensus entre les pays occidentaux et la Russie, ainsi qu’avec les élections à venir en Serbie, le statut final du Kosovo ne serait pas résolu, au mieux, avant le milieu de l’année 2007.
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Les dirigeants politiques albanais n'ont pas été vraiment surpris par l'annonce du report des recommandations du finlandais Martti Ahtisaari sur le statut final du territoire. Depuis quelques jours déjà, il préparait l'opinion publique à cette hypothèse. Le Président du Kosovo veut cependant garder l'espoir que ce report ne sera que de courte durée. «Ce délai, a-t-il commenté, permettra peut-être à la Serbie d'accepter la nouvelle réalité du Kosovo.»
Pourtant dans le même temps, le Premier ministre annonçait d'autres signaux. Vendredi matin, il a ainsi rappelé que le Parlement du Kosovo pouvait toujours envisager une proclamation unilatérale d'Indépendance. Il y a quelques semaines, le président du Parlement avait été plus menaçant encore en expliquant que si la résolution du statut se faisait attendre trop longtemps, de nouvelles violences pourraient éclater sans que les partis politiques ne puissent les contrôler.
Il est vrai que l'impatience ne cesse de croître dans la population qui supporte mal le statu quo politique et social dans lequel se trouve le Kosovo. Des groupes radicaux surfent sur ce mécontentement comme le Mouvement d'Autodétermination qui réclame l'indépendance immédiate et sans négociations. Autodétermination appelle à de grandes manifestations pour le 28 novembre, le jour du Drapeau albanais, mais pourrait prendre d'autres initiatives d'ici cette date.
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[Fenêtre sur l'Europe]
Kosovo : La décision sur le nouveau statut de la province est repoussée
L'envoyé spécial de l'ONU au Kosovo, Marti Ahtisaari, a annoncé, hier, qu'il repoussait ses propositions sur le futur statut du Kosovo après les élections législatives serbes anticipées au 21 janvier.
"Après l'annonce par le président Tadic de
tenir des élections parlementaires serbes le 21 janvier 2007, j'ai
décidé de présenter mes propositions pour le règlement du statut
du Kosovo immédiatement après les élections parlementaires
serbes" a indiqué hier Marti Ahtisaari.
Cette annonce fait suite à la réunion, hier à Vienne, du
"Groupe de contact" (Allemagne, Etats-Unis, France,
Italie, Royaume-Uni et Russie) qui supervise la situation dans la
province administrée par l'ONU depuis 1999. Le "Groupe de
contact" avait, à l'origine, promis une décision sur le
statut de la province d'ici la fin de cette année.
Les négociations pour la définition du futur statut du Kosovo,
ouvertes en février dernier, doivent déterminer si la province
continuera d'appartenir à la Serbie comme le réclame Belgrade ou
deviendra indépendant comme le souhaite la grande majorité de ses
deux millions d'habitants.
Tout récemment, Belgrade s'est dotée d'une nouvelle Constitution
stipulant le rattachement du Kosovo à la Serbie. A l'inverse, le
Premier ministre albanais de la province, Agim Ceku, a laissé
entendre, jeudi 9 novembre, que son gouvernement pourrait unilatéralement
prononcer l'indépendance faute d'accord avec les autorités serbes.
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RADIO FREE EUROPE/RADIO LIBERTY, PRAGUE,
CZECH REPUBLIC
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RFE/RL NEWSLINE Vol. 10, No. 209, Part II, 10 November 2006
KOSOVAR PREMIER SAYS UNILATERAL
DECLARATION OF INDEPENDENCE
POSSIBLE... Kosovar Prime Minister Agim Ceku said on
November 9 that
the province might unilaterally declare independence if a United
Nations-sponsored settlement does not grant statehood, Reuters
reported the same day. "I'm not threatening the UN Security
Council,"
Ceku told a news conference in Prishtina. "We see this as a
possibility. How we declare independence will not be a rash
decision,
but one taken in accordance with our friends and strategic
partners,"
he added. Unconfirmed reports in the Kosovar media have said that
UN
envoy Martti Ahtisaari's plan envisions granting the breakaway
province a form of "conditional independence" -- without
a seat in
the United Nations, a foreign minister, or a military (see
"RFE/RL
Newsline," October 31, 2006). BW
..AS KOSOVA'S LEADERS ASK INTERNATIONAL COMMUNITY TO
CLARIFY
STATUS-DECISION TIMING. Also on November 9, Kosova's
leaders said
they plan to ask representatives of the international Contact
Group
to make it clear whether they plan to delay a decision on the
province's final status into next year, Reuters reported the same
day. The Contact Group -- comprising Britain, France, Germany,
Italy,
Russia, and the United States -- is scheduled to meet with UN
envoy
Ahtisaari in Vienna on November 10. "We expect the Contact
Group to
clarify its position on the dates and the status decision,"
Skender
Hyseni, the spokesman for the Kosova Albanian negotiating team,
told
Reuters. The group has long said it intends to reach a
final-status
agreement for Kosova by the end of 2006. But some international
officials, most recently UN Secretary-General Kofi Annan, have
suggested the decision be delayed until after Serbia holds
elections
(see "RFE/RL Newsline," November 6, 2006). BW
SERBIA ANNOUNCES ELECTION DATE. Serbian President Boris Tadic
announced on November 10 that parliamentary elections will be held
on
January 21, B92 reported the same day. The Serbian parliament
passed
the constitutional-implementation law late on November 9, which
stipulates that elections must be held between 60 and 120 days
from
its passage. It is still unclear when a presidential election will
be
held. "The parties that discussed the elections before the
passing of
the constitutional law today were afraid that announcing a
presidential election can only be done once there are valid
candidates who can be expected to receive a set number of
votes,"
Dragan Sutanovic, a lawmaker from the Democratic Party of Serbia
(DSS), said. "The problem is that only one real candidate
exists in
Serbia, and that is Boris Tadic. No other party has the desire or
power to run with any other candidate," he added. BW
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http://balkans.courriers.info/article7273.html
Express - Kosovo : vers un premier recensement expérimental de la population
Traduit par Nerimane Kamberi
Publié dans la presse : 31 octobre 2006
Mise en ligne : dimanche 12 novembre 2006
Cela fait des années que l’on évoque un recensement de la population au Kosovo. Une première expérience va être lancée, selon les règles internationales. Les formulaires de recensement seront rédigées dans toutes les langues parlées au Kosovo, et les personnes résidant depuis plus d’un an hors du Kosovo ne seront pas enregistrées.
Les responsables de la Commission pour le recensement expérimental de la population et les représentants du Conseil de l’Europe au Kosovo ont souligné que le recensement expérimental de la population va être un miroir réel de la composition du Kosovo. C’est pourquoi, selon eux, ne seront pas comptés comme habitants du Kosovo ceux qui habitent depuis plus d’un an hors du Kosovo. Ils ont annoncé que le deuxième recensement commençait dans trois municipalités. Les personnes qui s’inscriront ne devront pas présenter de document d’identité puisque, durant ce processus, ils devront plutôt répondre à des questions se rapportant à l’endroit où ils habitent, depuis combien de temps, et d’autres choses semblables.
John Kelly, le chef du Conseil de direction pour le recensement, a déclaré que ce processus est très important pour l’avenir du Kosovo et qu’il est une précondition pour un véritable recensement complet. Il aidera à la publication de certaines données relatives à la planification économique et infrastructurel.
Ce recensement se fera sur la base d’un test où seront posées une série de questions écrites dans toutes les langues parlées au Kosovo. « Il faut que nous nous assurions que dans ce recensement seront appliquées les recommendations internationales pour ce processus ainsi que de bonnes et saines pratiques ». En ce qu’il concerne le refus éventuel de la la majorité des Serbes de participer à ce recensement, John Kelly a déclaré qu’il n’avait pas encore pris de contacts.
« C’est le début du processus. Nous allons faire tout ce qui est possible pour le faciliter, mais nous ne pouvons forcer personne à y prendre part. Nous sommes ici pour observer et faciliter le processus ».
John Kelly s’est dit prêt à prendre contact avec chacun pour que ce processus avance bien. Interrogé pour savoir qui avait le droit de s’inscrire comme citoyen du Kosovo lors de ce recensement, il a expliqué qu’il existait des règles précises sur cette question dans tous les recensements.
« Notre but est de nous assurer que la personne s’inscrive là où elle vit habituellement. C’est un critère qui montre où vous vivez, où vous avez vécu et depuis quand ». John Kelly a expliqué que les personnes qui se trouvent à l’étranger depuis plus d’un an au moment du recensement n’ont pas le droit de s’inscrire comme citoyens du Kosovo, puisque ces personnes, d’après les règles internationales de recensement de la population sont inscrites dans le registre de la population du pays où elles vivent.
« Les personnes qui vivent en dehors du Kosovo depuis plus d’un an ne peuvent être inscrites dans le registre de la population, mais elles seront inscrits dans un tableau supplémentaire où le Bureau des Statistiques du Kosovo va inscrire tous les Kosovars vivant à l’étranger. » Selon John Kelly, cette commission est composée de huit experts qui travailleront en étroite collaboration avec la personne responsable du recensement.
« Nos experts vont observer le processus du recensement, mais seulement si le responsable de la famille qui répond aux questions du test expérimental le permet ». Il a ajouté que toutes les données recueillies lors de ce test seront confidentielles et qu’elles seront traitées le plus vite possible. À la fin de ce processus de recensement expérimental, la commission fera un rapport au groupe qui dirigera le processus.
Selon le directeur d’Eurostat, Peter Everaes, les recensement de la population se font dans le monde entier et les Nations-Unies prévoient des règles précises et claires sur la façon dont ils doivent se dérouler.
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http://balkans.courriers.info/article7196.html
Mirko Zecevic, président de la Communauté nationale des Monténégrins de Belgrade, plaide pour que cette communauté jouisse des droits prévus pour les minorités nationales, sans être soumise à un processus d’assimilation en Serbie, qui lui ferait perdre son identité. Jusqu’à présent, les autorités serbes n’ont guère été favorables à ces revendications.
Par Nd. R.
Le président de la Communauté nationale des Monténégrins de Belgrade Mirko Zecevic a déclaré que les représentants de cette organisation demanderaient à être reçus par l’ambassadeur du Monténégro en Serbie, Anka Vojvodic, dès que celle-ci aura pris ses fonctions, pour lutter ensemble en faveur des droits des Monténégrins en Serbie.
« Le devoir de l’ambassadeur en Serbie, quel qu’il soit, est de rendre possible la reconnaissance de la minorité ethnique monténégrine en Serbie et l’obtention de tous les droits pour cette communauté. Aujourd’hui, peut-être pouvons-nous obtenir nos droits de citoyens en Serbie, mais au prix de la perte de notre identité nationale. Il est important de sauvegarder les deux, l’identité et les droits du citoyen », affirme Mirko Zecevic.
Il a expliqué que la minorité monténégrine n’est pas encore officiellement reconnue en Serbie, la condition étant de former un conseil national. « Nous nous attendons à ce que l’ambassadeur Vojvodic nous permette de remplir ces conditons légales. Du point de vue formel, cela ne devrait pas poser problème. Pourtant, nous devrons faire face à des résistances, parce que l’État de Serbie est tenu, d’après les obligations européennes, de financer certaines associations des Monténégrins sur son territoire », estime Mirko Zecevic. Il ajoute que le poste d’ambassadeur en Serbie est l’un de plus importants pour le Monténégro, parce que « malheureusement, les nationalistes serbes sont toujours au pouvoir en Serbie ».
« La communauté nationale monténégrine et les Monténégrins qui tiennent à leur identité nationale subissent les plus grandes pressions. C’est pourquoi l’ambassadeur monténégrin à Belgrade devra agir d’une manière spécifique et efficace pour arrêter ces pressions et permettre la réalisation des droits qui font partie des droits et libertés fondamentales de la personne », affirme Mirko Zecevic. Il ajoute que les Monténégrins en Serbie s’attendent à ce que l’ambassadeur Vojvodic permette le renforcement des associations monténégrines en Serbie et en Voivodine.
« Son succès dépendra de l’importance que l’État de Serbie accordera aux membres des communautés nationales. Jusqu’à présent, cet État n’était guère intéressé à nous soutenir et, depuis que le Monténégro est devenu indépendant, nous subissons encore plus de pressions. Les représentants du gouvernement de Vojislav Kostunica rejettent nos demandes avec beaucoup d’arrogance. La récente demande de l’association de Lovcenac, en Voïvodine, de construire une église monténégrine orthodoxe dans ce village, a été refusée avec cynisme et arrogance par le ministre des religions » [1], rappelle Mirko Zecevic.
Il se déclare étonné par les déclarations d’Anka Vojvodic qui a dit qu’elle espérait « que les association monténégrine en Serbie ne soient pas extrémistes ». Mirko Zecevic dit de n’avoir jamais rencontré d’extrémisme dans le travail des associations monténégrines.
« La demande de protection de l’identité nationale et culturelle n’est pas de l’extrêmisme. Nous sommes des citoyens loyaux de la Serbie, nous respectons ses lois. Nous nous levons quand nous écoutons l’hymne serbe, mais nous respectons notre identité nationale. 100 000 Monténégrins ont ’disparu’ en Serbie ces vingt dernières ans. Il s’agit d’une assimilation ouverte », souligne Mirko Zecevic.
[1] Cette église dépendrait de l’Église orthodoxe monténégrine autocéphale, NdT. Lire L’Église orthodoxe monténégrine (autocéphale) construit en Voïvodine.
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Les électeurs serbes ont approuvé par référendum la nouvelle Constitution, mais le score étriqué n’est pas un succès pour les grands partis politiques qui soutenaient tous le texte proposé. Ce résultat traduit la lassitude des électeurs et ne va pas renforcer la position de la Serbie dans les négociations sur le statut final du Kosovo.
Par Jean-Arnault Dérens
51,6% des électeurs inscrits ont approuvé le texte constitutionnel, légèrement au-dessus du seuil requis de 50%, et la participation globale s’établit à 53,5%, selon les premiers résultats communiqués par le CESID, l’organisme indépendant de surveillance des élections, quelques heures après la fermeture des bureaux de vote.
La campagne référendaire avait été entièrement axée sur la question du Kosovo, défini comme une « partie intégrante » de la Serbie dans le préambule de la nouvelle Constitution. Dimanche après-midi, la télévision Pink rediffusait des films sur la bataille du Kosovo, mais le thème ne semble plus guère faire recette auprès des électeurs serbes. Naturellement, ce sont d’ailleurs les Serbes du Kosovo qui se sont le plus mobilisés, en votant à plus de 90%en faveur de la Constitution. Dimanche soir, des manifestations dejoie ont salué l’adoption du texte dans les rues de Mitrovica, où les manifestants ont scandé : « nous ne donnons pas le Kosovo », acclamant aussi le nom de Ratko Mladic.
À l’inverse, le plus faible score a été atteint en Voïvodine, où seulement 42% des électeurs ont approuvé la Constitution. Il est vrai que le président de l’Assemblée de la province, Bojan Kostres, avait appelé au boycott. Dimanche encore, le Premier ministre Kostunica, les responsables des partis et le patriarche de Serbie, Mgr Pavle, ont appelé les électeurs à se rendre aux urnes, mais leur message ne semble guère avoir été entendu.
« Le seul gagnant du référendum est Cedomir Jovanovic, le dirigeant du Parti libéral-démocratique, qui appelait au boycott » assure ainsi Miljenko Dereta, le président de la fédération d’ONG Initiatives citoyennes, qui appelaient officiellement non pas au boycott mais à voter « non » à la Constitution. « Les citoyens en ont assez d’être manipulés, et ils l’ont bien montré en ne se précipitant pas aux urnes ».
Alors que les grands partis politiques serbes - depuis le Parti démocratique du président Tadic jusqu’à l’extrême droite nationaliste - appelaient tous à soutenir la Constitution, le faible résultat final sonne comme un désaveu pour la classe politique. Ce résultat ne va pas non plus renforcer la position politique de la Serbie dans les négociations sur le statut final du Kosovo. Si l’adoption de la Constitution avait pour but d’affirmer les droits de la Serbie sur le Kosovo, il faut alors admettre que près d’un électeur serbe sur deux se désintéresse de la question.
Selon le CESID, une série d’irrégularités et d’infractions au code électoral ont été constatées, mais sans être de nature à modifier le résultat final. Le plus grave incident a eu lieu samedi à Bujanovac, où une centaine de bulletins ont été glissés dans l’urne. Cependant, alors que les partis appelant à rejeter la Constitution n’étaient pas représentés dans les bureaux de vote, des soupçons perdurent sur la légitimité du résultat. Cedomir Jovanovic affirme ainsi que seules des fraudes auraient permis de passer le seuil de 50%.
Même si Vojislav Kostunica peut se flatter d’un succès, la Serbie n’est pas encore sortie de la crise politique, puisque le gouvernement n’a plus de majorité, et que des élections anticipées devraient être convoquées dans les prochaines semaines. On ignore encore la date de ce scrutin, et même ce pour quoi les électeurs vont devoir voter : en plus des élections parlementaires, Boris Tadic veut remettre en jeu son mandat présidentiel. Il va très vite falloir que les partis s’entendent, et le sursis que la Serbie peut espérer obtenir en retardant les discussions sur le Kosovo ne peut pas tenir lieu de politique.
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Une phrase fameuse de Winston Churchill à propos des Balkans, prononcée en Italie pendant la Seconde Guerre Mondiale, semble être toujours d’actualité. Cette phrase dit : « Les Balkans produisent plus d’Histoire qu’ils ne peuvent en consommer ». L’analyse de Predrag Matvejevic, qui craint que « les modestes résultats » obtenus dans l’ex-Yougoslavie ne soient anéantis par de nouvelles tensions.
Par Predrag Matvejevic
Le 20ème siècle a peut-être commencé justement dans les Balkans, à l’été 1914, après l’attentat de Sarajevo qui a provoqué la Première Guerre Mondiale. Ce même siècle a pris fin avec le siège de la même ville, qui dura 1350 jours.
Au début du 21ème siècle et d’un nouveau millénaire, la région des Balkans reste toujours la partie la plus turbulente du continent européen. Cet espace, en grande partie soumis au contrôle international ou à la surveillance de militaires étrangers, ressemble par certains côtés, et dans plusieurs zones, à un protectorat.
En Bosnie-Herzégovine, la partie la plus durement touchée et la plus vulnérable de l’ex-Yougoslavie, ce sont encore une fois les représentants nationalistes qui ont gagné aux récentes élections présidentielles : le Serbe Nebojsa Radmanovic et le Bosniaque musulman Haris Silajdjic. Seule une exception a surpris tant les observateurs étrangers que locaux : l’élection de Zeljko Komsic, un Croate haï par les Croates nationalistes de l’Union démocratique croate (HDZ), qui a été élu avec l’aide d’une partie des voix des Bosniaques musulmans et peut-être aussi des Serbes.
L’État de Bosnie-Herzégovine, comme l’ont défini les accords de Dayton, avec une Republika Srpska, davantage liée à Belgrade qu’à Sarajevo, ne réussit pas à fonctionner comme un véritable ensemble étatique, capable de se gouverner. Les chefs démagogues de cette « république dans la république », dont le plus connu est Milorad Dodik, menacent de séparer cette partie de la Bosnie et d’en faire une partie intégrante de la Serbie. Cela pourrait créer un nouveau foyer d’oppositions et de conflits. Les représentants des institutions internationales ne parviennent pas à convaincre ces politiques de province à arrêter d’entraver l’unité de la Bosnie-Herzégovine.
Encore troublée par la séparation du Monténégro, la Serbie vient d’organiser un référendum qui a confirmé la nouvelle Constitution du pays, dont le texte revendique comme « inaliénable » la souveraineté de la Serbie sur la province, à majorité albanaise, du Kosovo. Les nationalistes ont été certainement déçus des résultats, car seulement 51,6 % des électeurs se sont rendus aux urnes. Et aucun Albanais ne les a accompagnés. Le problème du Kosovo reste encore ouvert, d’autant plus que la Résolution 1244 de l’ONU a donné une définition assez ambiguë de la manière dont le problème sera résolu, en concédant à la population kosovare « une autonomie substantielle au sein de la Serbie ».
Le gouvernement serbe de Kostunica, évidemment soutenu par les partis ultranationalistes, en premier lieu par les partisans de feu Milosevic et de ceux du « voïvode » Seselj, qui attend sa condamnation au Tribunal de la Haye, ne renonce bien sûr à rien. Au point de laisser croire que l’avenir de la Serbie n’est pas en mains sûres.
La Croatie n’accepte pas d’être confondue avec les autres pays des Balkans, malgré le fait qu’une partie importante de son territoire se situe dans la péninsule. Son espoir de rejoindre l’Union européenne en même temps que la Bulgarie et la Slovénie s’évanouit, même si l’économie et le niveau de vie du pays dépasse celui de ces deux pays. Le Premier ministre Ivo Sanader a réussi à se débarrasser de certains membres de la droite ultranationaliste de son parti, l’Union Démocratique Croate (HDZ), mais cela n’a pas suffi pour résoudre de nombreux problèmes, dont ceux des droits de la personne et de la corruption des responsables politiques. Le tracé de la frontière slovéno-croate, aussi bien maritime que continentale, crée de nouvelles tensions qui risquent d’envenimer les rapports entre les deux nations, jusqu’à hier si proches l’une de l’autre. Les discours du ministre slovène des Affaires Etrangères, Dimitrij Rupel, surnommé « le Talleyrand slovène », ont déçu non seulement les nationalistes de la Croatie, mais aussi les penseurs libres, même s’ils ne sont pas nombreux.
Une grande surprise est en revanche venue du Monténégro : l’artisan de la séparation de ce petit pays de la Serbie, Milo Djukanovic, va volontairement quitter, peut-être provisoirement, la direction du gouvernement. Peut-être y a-t-il été incité par des pressions étrangères : suspecté d’affaires illégales, il a surtout été accusé en Italie. Justement, ces jours-ci, les Monténégrins restés en Serbie demandent un statut de minorité nationale.
La Macédoine vit ses crises, obsédée par l’augmentation vertigineuse de la population d’origine albanaise, qui correspond désormais à 25 % de la population globale de la République. Les Albanais de la région du Kosovo et de la Macédoine, en ce moment, sont les nations qui enregistrent le taux le plus élevé de croissance démographique en Europe. Une partie des Macédoniens commence aujourd’hui à regarder vers la Bulgarie, à qui ils sont liés du point de vue linguistique, plus que les autres Slaves du Sud. Ils cherchent en effet, un soutien nécessaire pour survivre.
Chacune de ces situations connaît diverses contradictions, diverses alternatives, qui peuvent remettre en question les équilibres précaires et difficiles à l’intérieur de l’ex-Yougoslavie. Il semble vraiment que la zone balkanique produise plus d’Histoire qu’elle n’en a besoin, comme l’affirmait Churchill. Mais est-ce que tout cela, c’est bien de l’Histoire ? Ou n’est-ce peut-être qu’une petite histoire ? Que ce soit l’une ou l’autre, petite ou grande, une histoire vraie ou une anti-Histoire, événements historiques ou poudre d’événements, en tout cas, les modestes résultats obtenus sur l’échiquier balkanique risquent toujours d’être anéantis. Cela peut nuire à tous les peuples de la région, à leurs voisins et même à l’Europe. Une Europe dont les Balkans ont souvent été la poudrière.
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Il existe bien une « question albanaise transfrontalière », puisque l’on trouve des Albanais dans pratiquement tous les pays des Balkans. Les relations entre les Albanais sont souvent marquées par des préjugés et surtout une grande ignorance mutuelle. L’hebdomadaire Vreme de Belgrade propose un vaste tour d’horizon de la question, du Kosovo à la Grèce, sans oublier l’influente communauté albanaise de Croatie...
Par Jovana Gligorijevic
A priori, le statut du Kosovo devrait être résolu avant la fin de cette année ou au début de l’année prochaine. Beaucoup de gens pensent que cette solution déterminera la fin, au moins provisoire, d’un des problèmes les plus ardents du Sud-Est de l’Europe. La question du Kosovo n’est plus, depuis longtemps, un problème intérieur serbe. Ce n’est pas un conflit territorial ou une question d’héritage historique et culturel, lié à la bataille du Kosovo et à la tradition. Les Serbes et les Albanais du Kosovo affrontent aujourd’hui avec la communauté internationale des questions de sécurité, de stabilité et des perspective qui concernent tous les Balkans, parce que des Albanais habitent dans presque tous les pays de la péninsule balkanique.
La « question albanaise » est présente dans tous ces pays, sous différentes formes, depuis l’éclatement de l’Empire ottoman et, depuis cette époque, elle est considérée comme un facteur politique majeur, aussi bien par les grandes puissances que par les pays voisins dans les Balkans. À la fin du XIXe siècle, la société albanaise présentait des caractéristiques dont elle ne s’est toujours pas libérée : absence d’une élite sociale et d’une structure sociale moderne, sous-développement économique et culturel, qui ont conduit à une attitude militante et au nationalisme. La dernière décennie du XXe siècle a été marquée par une réactualisation de cette question albanaise sur le territoire de l’ex-Yougoslavie.
Sous quelle forme se pose aujourd’hui la question albanaise, presque huit ans après l’instauration du protectorat international au Kosovo, six ans après la fin de la crise dans le sud de la Serbie et cinq ans après la signature des Accords d’Ohrid en Macédoine ? D’après Dusan Janjic, du Forum pour les relations interethniques, la réponse à cette question tient en deux parties : comment les Albanais se voient eux-mêmes, et comment les autres les voient.
Pour les Albanais d’Albanie, la priorité est le renforcement, la stabilisation et la démocratisation de leur pays, qui a encore toutes les caractéristiques d’un pays fragile. Dusan Janjic rappelle que, pour les Albanais du Kosovo, la priorité est l’indépendance du Kosovo. « En Macédoine, ils exigent une autonomie régionale ou la création d’une fédération binationale. Ils exigent aussi une autonomie régionale dans le sud de la Serbie. Au Monténégro, les Albanais demandent une reconnaissance accrue comme minorité nationale ».
À propos de la manière dont les autres voient les Albanais dans la région, Dusan Janjic souligne qu’il n’existe pas une image unique, et que cette différence crée un avantage tactique et stratégique pour « le mouvement albanais ».
« Tous les Albanais dans l’Union européenne ? »
Les Albanais eux-mêmes diraient que les différentes formes d’apparition de la question albanaise ont un seul objectif, la coopération approfondie entre les terres albanaises, ou, au moins, la coopération dans l’espace linquistique albanais. À ce sujet, on mentionne toujours qu’il n’existe pas un concept de Grande Albanie, mais qu’il existe une autre proposition : Tous les Albanais dans l’Union européenne.
Pour Andrej Nosov, de l’Initiative des jeunes pour les droits de la personne, la « question albanaise » n’apparaît pas comme un problème identique dans tous les Balkans. « Je dois confesser que j’ai un problème avec la question albanaise ainsi posée. On dit constamment ici que si le Kosovo obtient l’indépendance, cela ouvrira toute une chaîne de questions nouvelles. Je ne crois pas en cette théorie. Il est vrai qu’il existe des relations plus profondes entre les Albanais du Kosovo, de Macédoine et du Monténegro, mais c’est parce que nous avons tous vécu dans le même pays ». Andrej Nosov ajoute que toute la population albanaise est très jeune, qu’il s’agit d’une génération complètement nouvelle qui n’est pas prête à un grand combat national.
Selon Vojin Dimitrijevic, le directeur du Centre pour les droits de la personne de Belgrade, l’Albanie, depuis sa formation, est une création spécifique, et la « question albanaise » apparaît plus souvent comme le problème d’autres nations plutôt que comme celui de l’Albanie elle-même : « L’Albanie a été créée après les guerres balkaniques, quand les frontières n’étaient pas clairement définies. C’est pourquoi les Albanais et leur État représentaient une forme de danger pour les voisins, probablement à cause de cette formation tardive et du taux élevé de natalité ».
Vojin Dimitrijevic ajoute que tous les nationalismes balkaniques se sont définis en opposition aux peuples voisins, de sorte qu’existent des projets de Grande Grèce, de Grande Bulgarie, de Grande Serbie, et surtout de Grande Albanie. « Tout ce que je dis ne signife pas que les Albanais n’ont pas leurs préjugés, leurs fantaisies nationales, et que leurs nationalistes ne prétendent pas être plus anciens que dans la réalité. Mais tant que nous permettons que ces sujets se développent, cela représentera une menace pour tous les Balkans ». Étant donné que le Kosovo est le centre du problème, on ne sait pas vraiment si l’engagement des Albanais pour l’indépendance cache l’idée de Grande Albanie, et si l’Europe, après avoir permis l’indépendance du Kosovo, pourra faire face au nationalisme albanais qui peut éclater de manière majeure à l’échelle régionale.
Dusan Janjic trouve que le mouvement albanais est ethno-nationaliste et qu’il est impossible d’établir des différenciations précises. « Cela ne se révélera qu’ultérieurement. Pour le moment, on peut dire que les Albanais kosovars que l’on tient pour des personnes raisonnables sont en effet des nationalistes qui veulent créer l’Etat du Kosovo, qui feront cet État du Kosovo et n’iront pas plus loin ». L’opinion de Vojin Dimitrijevic est similaire. Il estime que les éventuelles demandes d’indépendance des Albanais dans les autres parties des Balkans sont quelque chose qu’on ne peut pas contrôler. « Cela pourrait être empêché en protégeant les Albanais, par exemple dans la vallée de Presevo, comme une minorité nationale, ils cesseraient ainsi, dans leur propre intérêt, de flirter avec cette idée ». D’autre part, Andrej Nosov croit qu’il n y a pas trace de l’idée de Grande Albanie parmi les Albanais kosovars, et qu’il n’y a pas de véritable nationalisme albanais au Kosovo. « J’appellerais cela plutôt du nationalisme kosovar. Vous entendrez les Albanais les plus radicaux dire : "Nous, les Kosovars"... Ils ont un seul but : leur État ».
En évoquant les possibilités que la revendication d’indépendance s’élargisse hors du Kosovo, Andrej Nosov pense que l’élite politique albanaise jouera un rôle essentiel, parce qu’elle canalise le nationalisme.
Facteur criminogène
Ces dix dernières années, toute la région a eu une expérience difficile à propos de la question albanaise. Il n’y a presque pas de pays de la péninsule balkanique qui ne soit peuplé par des Albanais, nombreux ou non. A part en Albanie où vivent à peu près 3,4 millions d’Albanais (soit approximativement 95% des habitants du pays), ils sont environ 1,8 million au Kosovo, 500.000 en Macédoine, 47.000 au Monténégro. Les données concernant la Grèce sont invérifiables. Même si l’on estime que plus de 600.000 Albanais ont émigrés en Grèce depuis 1990, les statistiques officielles grecques nient l’existence de grandes communautés albanaises autochtones, qu’évoquent au contraire les Albanais, notamment en Épire.
L’image que les non-albanais se font des Albanais relève souvent de stéréotypes. Les Albanais seraient des travailleurs manuels ou bien feraient partie de la criminalité organisée, ils vivraient en communautés claniques, seraient fermés aux influences extérieures, enclins au nationalisme extrême et au terrorisme, la société albanaise est patriarcale, etc. Ces représentations ont-elles une part de vérité ?
Il est vrai que les Albanais travaillent le plus fréquemment dans les métiers traditionnels. Beaucoup sont boulangers, bijoutiers, orfèvres, pâtissiers et commerçants.
Quand on parle de la criminalité, les rapports de la section européenne d’Interpol, ces dernières années, indiquent que des clans criminels albanais, situés aussi bien en Albanie qu’en Europe, contrôlent approximativement 40% du marché européen de l’héroïne.
Il est bien connu qu’une des chaînes principales du trafic illégal des armes et des personnes passe par le Kosovo. À la fin des années 1980, un grand procès contre la mafia albanaise a eu lieu à Zagreb. Les accusés devaient répondre du trafic de grandes quantités d’or. La victime du dernier meurtre mafieux à Zagreb, au mois de mars dernier, était Ljuljzim Krasnic, soupçonné d’être impliqué dans le trafic des stupéfiants, la perception des dettes et le racket. Les derniers sondages effectués par le Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD) montrent qu’environ 70% des habitants du Kosovo estiment que la criminalité et la coruption sont présentes dans cette région de manière significative. Les sondages du PNUD soulignent l’augmentation constante de la possession illégale d’armes au Kosovo. Dusan Janjij soulignent que, pour la communauté intérnationale, les Albanais sont perçus comme des alliés loyaux qui suivent les ordres de l’Occident, mais en même temps comme un facteur de déstabilisation.
« L’Occident est sensible aux questions de sécurité, mais encore plus au problème des trafiquants dispersés dans l’Europe entière, qui s’occupent de la traite des êtres humains, de la prostitution, etc. Les Albanais sont souvent perçus comme un facteur criminogène. « L’image des Albanais comme un groupe ethnique patriarcal est enracinée dans la mentalité de tous les peuples balkaniques. Le rapport sur les droits de la personne du bureau américain à Pristina pour l’année 2005 met en évidence la violence subie par les femmes et la violence dans la famille comme un problème très accentué au Kosovo. Le Centre pour la protection des femmes et des enfants, une organisation non-gouvernementale locale, a reçu près de 3.650 demandes d’aide de victimes de violences. Les enquêtes montrent qu’il y a un grand nombre de cas non signalés, mais en comparaion des données statistiques, la fréquence de la violence familiale est similaire à celle qui prévaut en Serbie.
Bien que les stéréotypes sur les Albanais dans les Balkans ne soient pas complètement sans fondements, il est surprenant de voir combien ils sont répandus parmi les non-Albanais de la région. Vojin Dimitrijevic croit qu’il existe une sorte de racisme contre les Albanais dans toute la région. « Les voisins des Albanais croient qu’ils forment une sorte de race inférieure. Ils expriment de la panique, ressentie à chaque fois qu’une race considérée comme inférieure a un taux de natalité important ».
Ignorance mutuelle
En dehors des préjugés, il existe parmi les non-Albanais une ignorance ou, plus exactement, une absence d’informations, qui s’exprime surtout dans la relation Serbie-Kosovo. Andrej Nosov explique ainsi ce phénomène : « en Serbie, il nous convient de croire aux mythes, il nous convient aussi de croire qu’il n’est pas possible de se promener dans Pristina ni d’y parler la langue serbe. Moi, cela fait quatre ans que je me rends à Pristina une fois par mois, et il ne m’est jamais rien arrivé de désagréable ». Andrej Nosov ne nie pas que cette peur ait des bases objectives, mais il estime que la plupart des Serbes ressentent une peur héréditaire de l’extrémisme albanais.
L’absence de toute information sur la Serbie est également présente parmi les jeunes Albanais. L’Initiative des Jeunes a lancé un programme, il y a quelque temps, qui permet aux jeunes du Kosovo de visiter Belgrade. Andrej Nosov dit qu’ils rentrent fascinés : « Avant d’y aller, plusieurs parmi eux avaient peur, ne savaient quoi penser. Ils pensent que Belgrade ressemble à Pristina en 1999. Quand nous avons ouvert ce programme, nous avons pensé : "Maintenant, c’est l’élite de Pristina qui va répondre, et elle va aller à Belgrade". Mais ce n’est pas le cas. Les gens de Prizren et de Djakovica nous contactent ainsi que ceux d’autres villes. Ce sont des jeunes qui reconnaissent leur ignorance. La seule chose qu’ils entendent sur Belgrade est ce que les médias de Pristina annoncent, ou ce que disent les hommes politiques. Ces dernières années au Kosovo, une nouvelle élite sociale est née, une élite cultivée, formée à l’étranger.
Bien que le secteur non-gouvernemental soit encore très rudimentaire, Andrej Nosov dit que le Kosovo a quelque chose que Belgrade, par exemple, n’a pas : un engagement social beaucoup plus dynamique. « Il y a beaucoup de volontaires pour divers projets. Il existe plus d’activistes qui veulent s’engager et réagir dans une action qui critique les autorités », assure Andrej Nosov, en ajoutant que la plupart de ces jeunes gens cultivés travaillent dans les institutions au Kosovo et qu’ils impulsent des changements. Le paradoxe est que la formation de cette nouvelle élite du Kosovo a le même point de départ que les cercles conservateurs de la jeune population formée dans les écoles parallèles organisées par les Albanais, qui étaient en lutte contre le système scolaire en Serbie. Pendant que les premiers partaient poursuivre leur éducation à l’étranger, justement pour éviter de fréquenter le système scolaire parallèle, ceux qui n’ont pas eu cette chance sont restés dans ces écoles parallèles. Selon Dusan Janjic, ces écoles ont formé « à la haine envers tout le monde, surtout envers les Serbes ».
Intérêt et émotions
En dépit des blocages des médias et du manque d’informations réciproques, il existent certaines formes de communication entre la Serbie et le Kosovo. En plus de la coopération entre des ONG serbes et un petit nombre d’ONG du Kosovo, il existe une coopération économique active dans le secteur privé. « Chaque fois que je vais au Kosovo, je vois une cinquantaine de camions avec de la marchandise de la Serbie », dit Andrej Nosov. L’appel au boycottage des produits serbes, lancé en mai cette année par le mouvement « Autodétermination » d’Albin Kurti, n’a pas été respecté par les Albanais, même si le président de la Chambre d’économie du Kosovo Besim Becaj avait jugé cette idée positive. À la différence des responsables politiques, les commerçants du Kosovo ont tissé des liens d’affaires assez solides dans lesquels l’intérêt économique domine les émotions et la politique.
L’exportation légale serbe au Kosovo est d’environ 150 millions d’euros par an. Dusan Janjic rappelle que les statistiques officielles indiquent que 70% du commerce extérieur du Kosovo se rapporte aux échanges avec la Serbie. « Quand les gens viennent dans les magasins et demandent des gateaux aux chocolat, ils parlent de "Jafa", et quand ils demandent de la margarine, ils disent "Dijamant" [marques serbes, NdT]. Le réseau mobile de télécommunication serbe est très répandu, parce que les services de l’opérateur Alcatel sont bien plus chers ». Dusan Janjic ajoute que la coopération économique existe, mais qu’elle est très spécifique et parfois illégale. « La TVA du Kosovo est de 15% et celui de la Serbie de 18%. La différence motive la contrebande », explique-t-il.
Dans tous les cas, ceci représente des bases pour une normalisation des rapports entre la Serbie et le Kosovo. Il ne faut pas négliger la fréquence des attaques, meutres et autres incidents subis par les Serbes et d’autres non-Albanais au Kosovo, mais il faut également tenir compte du fait que les négociations en cours concernent le statut futur et non pas le statut final du Kosovo.
Le résolution définitive de ce statut signifiera-t-elle la résolution de la question albanaise dans la région ? Vojin Dimitrijevic pense que la réponse à cette question est positive : « Si le Kosovo obtient son indépendance, certaines peurs nationales dans les pays voisins vont paradoxalement disparaître, parce que les Albanais seront localisés ».
Vojin Dimitrijevic pense que le statut du Kosovo n’est qu’une partie de la solution définitive de la questions albanaise, et que la clé tient à l’intégration européenne. « L’UE existe pour diminuer l’importance des liens entre les personnes et les territoires et pour affaiblir les tensions nationales ». Dusan Janjic pense que le statut du Kosovo ne sera pas bientôt définitivement résolu, parce que le Kosovo n’a pas une société assez développée, ni d’institutions, ni de ressources. « Le Monténégro peut fonctionner comme un petit Etat. Il ne s’agit pas du nombre d’habitants, mais de permettre à ses habitants de gagner leur vie. Le Kosovo n’a pas cette possibilité. Sa population est jeune, le chomage est de 70% et les ressources sont très limitées. Il y a des mines, mais leur remise en exploitation demanderait des milliards d’euros. Personne n’est prêt à donner 24 milliards pour développer le Kosovo », constate Dusan Janjic, qui ajoute qu’il faudrait changer de perspective et mettre le problème dans un cadre régional au lieu de le traiter comme actuellement comme un problème territorial.
Albanais en Croatie : des amis du pouvoir
D’après le recensement de la population de 2001, les Albanais représentent 0,35% de la population totale de la Croatie, soit environ 15.000 personnes. Mais les données des organisations albanaises de Zagreb montrent que le nombre réel d’Albanais dans ce pays est, au moins, deux fois plus élevé. Rien que dans la capitale croate, il y a entre dix et quinze mille personnes d’origine albanaise. Les données de ces mêmes sources montrent que la plupart des quelque 30.000 Albanais de Croatie ont la citoyenneté croate et que la moitié d’entre eux confesse la religion catholique. La minorité albanaise au Parlement croate est représentée par Shemso Tankovic, élu par les Albanais mais aussi par les Bosniaques, les Monténégrins, les Macédoniens et les Slovènes. Ces communautés sont protégées par la Loi constitutionnelle sur les droits des minorités nationales qui, entre autres, institue leur présence dans les organes des autorités publiques et dans l’administration locale. L’État finance les programmes culturels des organisations albanaises en Croatie et cofinance leurs publications. Des données non officielles indiquent que les Albans croates possèdent actuellement presque 5.000 entreprises, et il en résulte que les membres de cette minorité en Croatie, dans près de 95% des cas, travaillent dans le secteur privé - notamment les boulangeries, l’artisanat, la filigrannerie, l’hôtellerie, la pâtisserie et le commerce. A part Zagreb, leurs affaires sont dispersées dans toute la Croatie, avec une forte présence à Rijeka et en Istrie, mais aussi dans toutes les grandes villes de la côte adriatique pendant la saison touristique.
En plus des professions « non problématiques » des Albanais croates, il faut ajouter qu’il sont aussi depuis longtemps connus par leur penchant pour les activités criminelles. Comme tous les autres, ce stéréotype trouve sa justification dans un nombre non négligeable de cas sporadiques. `
Depuis 1990, les Albanais forment une minorité nationale qui jouit de la faveur des autorités croates, ce qui peut être facilement expliqué par le sentiment commun anti-serbe dominant dans les années 1990 et qui existe encore. D’ailleurs, l’ancien chef de l’UCK et actuel Premier ministre du Kosovo, le général Agim Ceku, était devenu brigadier dans l’armée croate, dans la guerre sur le front de Lika. Un des généraux croate accusés par le TPI de crimes de guerre est l’Albanais Rahim Ademi. Une des personnes clés de la première campagne présidentielle de Stipe Mesic, l’homme politique qui a depuis toujours sympathisé avec les Albanais en Croatie et au Kosovo, était Amir Muharemi, qui deviendra ambassadeur de Croatie à Ankara et qui est actuellement membre de la Mission croate auprès de l’ONU à New-York, tandis que pendant la guerre au Kosovo l’organisation albanaise centrale de Zagreb fonctionnait comme un point important pour l’armement de l’UCK, ce qui se déroulait avec l’accord tacite du régime croate.
Macédoine : toujours instable
La Macédoine se trouve plus engagée que ses voisins sur la voie de la création d’une société juste et multiethnique, cinq ans après l’escalade de violence qui menaçait de finir par la désintégration de la Macédoine ou par sa division le long de lignes de démarcation ethniques. Les Accords de paix d’Ohrid ont été signés il y a cinq ans, en août 2001, et marquent la fin du conflit entre les forces macédoniennes et les groupes militaires albanais, qui avaient duré plusieurs mois.
Beaucoup de Macédoniens croyaient que l’année 2001 serait bonne et que la coopération avec l’Union européenne avancerait. Pourtant, la minorité albanaise a pris les armes et a commencé un conflit contre l’Etat macédonien, considéré comme répressif, et demandant des droits civils plus importants. Les autorités macédoniennes ont répondu en bombardant les villages habités pas les Albanais. Après avoir compris que la Macédoine ne pouvait pas résoudre la crise par ses propres moyens, la communauté internationale est venue à son aide, à une époque où elle ne voulait pas d’autres foyers de guerre dans les Balkans, deux ans après la fin du conflit au Kosovo. Le résultat a été le compromis d’Ohrid, signé en août 2001. Presque toutes les demandes des représentants politiques albanais ont été acceptées. Les Albanais ont obtenu le droit à une présence plus importante dans toutes les institutions du pays, la langue albanaise a obtenu le statut de langue officielle, et l’Université albanaise qui était illégale est aujourd’hui financée par le budget de l’État.
Le drapeau albanais flotte à côté du drapeau macédonien sur les bâtiments publics, dans un pays où un quart des citoyens sont de nationalité albanaise. Bien sûr, il est trop tôt pour dire si le problème est définitivement résolu en Macédoine. Les événements des semaines dernières au Parlement macédonien démontrent que l’accord de paix est toujours en péril. L’Union démocratique pour l’intégration (BDI), le plus grand parti d’opposition albanais en Macédoine, fait tout pour prouver au nouveau gouvernement qu’il a commis un erreur en ne l’invitant pas à participer aux affaires. Le gouvernement du VMRO-DPMNE a en effet choisi comme allié le Parti démocratique des Albanais (PDSh), qui a obtenu moins de voix que le BDI aux élections de juillet dernier. En signe de protestation contre la nouvelle Loi sur la police, sur laquelle ils avaient voulu être consultés, les députés du BDI ont occupé la tribune du Parlement, ils ont frappé sur les tables avec leurs règlements et menacé de désobéissance civique. Il ont même menacé de reprendre les armes, tout cela au nom des Accords d’Ohrid.
Monténégro : pas de turbulences
Ce n’est qu’une fois seulement dans son histoire récente que le Monténégro a été confronté à quelque chose qui pouvait ressembler à une demande de séparation des Albanais, mais il est devenu clair que celle-ci n’avait pas d’appui dans les partis politiques albanais ni dans la population. L’organisation non-gouvernementale Unitas, dirigée par l’étudiant Nik Gjeloshaj, a demandé, il y a deux ans, que les localités peuplées d’Albanais - Ulcinj, Tuzi, Plav et Gusinje - obtiennent le statut de région. L’ONG Unitas, qu’on considère fortement liée à la puissante diaspora albanaise aux Etats Unis, avait lancé la signature d’une initiative pour la régionalisation. Le projet est tombé à l’eau en quelques jours, et Nik Gjeloshaj n’a plus fait parler de lui.
Les dirigeants politiques albanais expriment sans cesse leur loyauté envers le Monténégro, mais ils présentent aussi leurs demandes de promotion des droits des Albanais, en défendant la thèses que l’ignorance de ces droits pourrait menacer l’harmonie intercommunautaire du pays.
Les dernières élections parlementaires ont montré que les 32.163 Albanais du Monténégro, recensés en 2003, ont le plus confiance en l’Union démocratique de Mehmed Bardhi et dans le Parti de la prospérité démocratique d’Osman Rexha. Ces deux partis, agissant en coalition, ont obtenu 4.500 voix, tandis que l’Union démocratique des Albanais de Ferhat Dinosha en obtenait environ 3.700. Grâce aux facilités légales, selon lesquelles les localités où les Albanais forment la majorité constituent une unité électorale particulière, les partis politiques albanais ont obtenu trois sièges de députés, sur les cinq places possibles.
Bien que les deux leaders politiques albanais, Mehmet Bardhi et Ferhat Dinosha, soient des alliés du pouvoir depuis 1997, Dinosha est beaucoup plus proche du Parti démocratique des socialistes (DPS). Il a son représentant dans le gouvernement actuel et l’aura dans le futur. Mehmet Bardhi, ces dernières années, s’est positionné comme un ardent critique du pouvoir. Les autres leaders albanais sont plus proches de Mehmet Bardi et sont considérés comme un peu plus radicaux, mais ils n’ont jamais mis en question l’intégrité territoriale du Monténégro.
Il faut noter que presque chaque famille albanaise du Monténégro a des parents aux Etats-Unis et que, grâce au trafic du pétrole et des cigarettes qui était très avantageux ces dernières années, les Albanais du Monténégro, qui étaient très pauvres, peuvent aujourd’hui être considérés comme des représentants de la classe moyenne, dont se dégagent une dizaine de petits et quelques grands hommes d’affaires.
La situation politique au Kosovo
Le plus vieux et le principal parti des Albanais du Kosovo est la Ligue démocratique du Kosovo (LDK) qui se bat pour un Kosovo libre, indépendant et démocratique. Ibrahim Rugova a été le président du parti, depuis sa fondation en 1989 jusqu’à sa mort en 2006. Son autorité politique a été absolue parmi les Albanais du Kosovo jusqu’à l’apparition de l’Armée de libération du Kosovo (UCK), qui a abouti à la formation de deux nouveaux partis, l’Alliance pour l’avenir du Kosovo (AAK) de Ramush Haradinaj, et le Parti démocratique du Kosovo (PDK) de Hashim Thaçi.
Le Parti démocratique du Kosovo est le principal parti de l’opposition. Ses sujet de préoccupation principaux sont la corruption et l’inactivité du gouvernement actuel, ainsi que son implication dans la criminalité économique. Les chefs de ce parti assurent qu’ils veulent se rapprocher d’une idéologie sociale-démocrate. Le fait que les dirigeants du parti participent aux négociations sur le statut de Kosovo démontre bien le soutien des électeurs au PDK.
Un parti politique également important est le parti réformiste ORA de Veton Suroi, journaliste et publiciste très reputé au Kosovo. Pour le moment, la coalition LDK-AAK dirige le gouvernement du Kosovo. La scène politique est marquée par une grande différence de positions entre les électeurs du milieu urbain et ceux du milieu rural. Les Albanais qui vivent dans les villes et l’élite intellectuelle soutiennent en général la LDK, tandis que dans les villages et surtout dans les anciennes bases de l’UCK, les partis de Ramush Haradinaj et de Hashim Thaçi sont les plus populaires. Les règlements de comptes entre partis politiques kosovars sont très sérieux. De 1999 à 2002, il y a eu des attentats, des enlèvements et des intimidations presque quotidiennes de membres et de responsables de la LDK. Aucun agresseur n’a été retrouvé ni emprisonné bien qu’on soupçonne que ces incidents aient été commis par des membres de l’ancienne UCK. Les motifs de la persécution des membres de la LDK tiennent probablement au fait que ce parti n’a pas soutenu l’UCK durant le conflit armé au Kosovo, et que Rugova a rendu visite à Milosevic durant les bombardements de la Serbie.
Sud de la Serbie : tensions calmées
Le sud de la Serbie est habité par environ 70.000 Albanais, et dans les villes de Bujanovac et de Presevo, où ils représentent la population majoritaire, leurs partis politiques sont au pouvoir. Cependant, l’intégration sociale des Albanais n’a commencé qu’en 2002, après la fin du conflit armé dans la région, quand ils ont commencé à rentrer dans les institutions étatiques et municipales d’où ils ont été chassés, comme au Kosovo, dans les années 1980 et 1990. Les événements du Kosovo ont beaucoup influencé la situation dans le sud de la Serbie et c’est toujours le cas.
Il y a exactement six ans que les Albanais révoltés, réunis dans l’UCPMB (Armée de libération de Presevo, Medvedja et Bujanovac), ont pris environ 500 kilomètres carrés du territoire serbe le long de la frontière administrative du Kosovo dans ces trois municipalités. Le conflit avec les forces de sécurité a duré jusqu’en mai 2001, quand les guérilleros albanais ont accepté la démobilisation, après une promesse d’amnistie. La situation relativement calme est due au mérite des institutions internationales et du gouvernement serbe. Les élections locales ont été gagnées à Bujanovac, pour la première fois, par les partis politiques albanais, entraînant une entrée progressive dans la justice, la police, la santé publique, les organismes fiscaux, etc. Cependant, depuis 1990, les Albanais n’ont jamais participé aux élections parlementaires ou présidentielles en Serbie. Les Albanais avaient une unité politique qui est aujourd’hui assez fortement perturbée. Riza Halimi, le fondateur modéré de leur premier parti autochtone, le Parti d’action démocratique, n’est plus le leader albanais absolu. Il est remplacé par le nouveau maire de Presevo, Ragmi Mustafa, le président du Parti démocratique des Albanais, un homme ayant des attitudes politiques un peu plus radicales. Au début de négociations sur le Kosovo, les Albanais du sud de la Serbie espéraient que cette région aussi ferait partie des négociations. Après les messages précis de l’Occident indiquant que le Kosovo et le sud de Serbie étaient deux sujets différents, on n’en parle plus. Cependant, les Albanais du sud de la Serbie n’ont jamais cessé de soutenir ouvertement l’indépendance du Kosovo. C’est justement la raison du boycott du référendum sur la Constitution serbe par les Albanais.
Les Albanais du sud de la Serbie sont fortement liés politiquement, mais aussi vitalement, avec le Kosovo. D’ailleurs, les correspondants des médias du Kosovo appellent toujours cette région « le Kosovo oriental ». Tous les hommes politiques albanais ont leurs patrons au Kosovo, la majorité des jeunes y étudient, beaucoup de gens ont fondé des entreprises à Pristina et dans d’autres villes du Kosovo. Bien qu’il existe quelques Albanais riches, la plupart d’entre eux vivent dans la pauvreté, sans emploi ni salaire régulier. Cependant, une forte diaspora et le développement des affaires privées modèrent un petit peu cette situation. Cela n’empêche pas de voir tous les jours dans la rue des Albanais conduisant des charrettes, qui sont doublés par leurs compatriotes dans de nouvelles Mercedes.
La Grande Albanie
Le concept de « Grande Albanie » désigne le mouvement politique qui s’engage pour l’union de tous les Albanais ethniques et qui prétend à l’expansion territoriale. L’origine de ce mouvement est la formation de la première ligue de Prizren, en 1878. La ligue avait comme objectif la réalisation de l’autonomie culturelle et politique pour les Albanais dans le cadre de l’Empire ottoman. La résistance que cette idéee a rencontrée dans l’Empire a aidé le renforcement du mouvement national albanais. Après que le territoire de l’Albanie actuelle a été libéré des Turcs en 1912, ses frontières ont été déterminées par les grandes puissances. Plusieurs territoires peuplés par les Albanais ne faisaient pas partie du nouvel État.
Durant la Seconde Guerre mondiale, l’Italie a mis tous les territoires peuplés par des Albanais ethniques sous la juridiction de l’État albanais. Cette « Grande Albanie » incluait le Kosovo, l’Epire et une partie de la Macédoine. Bien que certains croient que les Albanais n’ont pas abandonné cette idée, d’autres pensent que les hommes politiques albanais utilisaient surtout cette idée pour détourner l’attention des vrais problèmes, comme la mauvaise situation économique, la pauvreté et le chômage.
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L’espoir de voir les pays des Balkans progresser sur leur chemin vers l’Union européenne était encore fort au début de l’année 2006, mais les événements récents sont venus doucher ces espérances. Avec la Suisse et le district de Kaliningrad, les « Balkans occidentaux » vont devenir une enclave au sein de l’Union européenne, sans perspectives sérieuses d’adhésion. Tour d’horizon régional.
Par Augustin Palokaj
Le commissaire européen à l’élargissement Ollie Rehn aime se servir de l’image du train pour illustrer certains processus. Ainsi, lorsqu’il parle de l’intégration des pays des Balkans occidentaux dans l’Union européenne, il évoque l’image d’un « train qui va doucement dans la bonne direction, qui peut effectuer quelques arrêts sur son parcours, mais dont la destination est la bonne, car l’essentiel c’est d’avancer ». Début 2006, l’espoir était encore fort que les pays des Balkans auraient nettement avancé sur leur chemin vers l’UE avant la fin de l’année. C’était en effet le délai prévu pour trouver enfin une solution à la dernière question ouverte issue de l’éclatement de l’ex-Yougoslavie : le statut futur du Kosovo.
Certains s’attendaient à ce que l’Union d’États de Serbie-et-Monténégro se maintiendrait et même qu’il pourrait, en tant que tel, accéder à l’Accord de stabilisation et d’association (ASA) en vue d’une future adhésion à l’Union européenne. L’entrée de la Serbie et du Monténégro dans le Partenariat pour la paix de l’OTAN, qui aurait contribué à la stabilité dans la région, était également espérée. La Macédoine, elle, était attendue sur le plan des réformes en vue de l’ouverture des pourparlers d’adhésion à l’Union européenne. Quant à la Bosnie-Herzégovine, elle devait réformer ses forces de police et mener à terme ses négociations relatives à l’ASA.
Déceptions
Plus loin, en Albanie, la signature des accords de stabilisation et d’association avec l’UE était censée renforcer la stabilité politique intérieure. On s’attendait par ailleurs à ce que la Croatie avance considérablement dans ses négociations d’adhésion à l’Union européenne. Même s’il reste encore plus de deux mois avant la fin de l’année, il est évident que la plupart des objectifs escomptés ne seront pas atteints.
À Bruxelles, c’est la Serbie qui a toujours été considérée comme le pays le plus important des Balkans, non pas à cause de ses alliances, de sa taille ou de sa position géographique, mais plutôt parce qu’elle a été, par le passé, à l’origine de nombreux problèmes et de situations imprévisibles sur la scène politique régionale. Mais à ce jour, vu de Bruxelles, la Serbie représente la plus grande déception parmi les pays de la région. Notamment, elle n’a pas tenu son engagement d’arrêter le général Ratko Mladic, malgré les promesses du Premier ministre Vojislav Kostunica que le général inculpé serait extradé à La Haye avant l’automne.
L’Europe s’est ainsi vu obligée de suspendre les négociations de stabilisation et d’association avec la Serbie, tant que la Procureure générale du tribunal de La Haye, Carla Del Ponte, n’aura pas jugé satisfaisante la coopération de Belgrade avec la justice internationale. L’OTAN, pour sa part, n’a pu accueillir la Serbie dans le Partenariat pour la paix, car les conditions n’ont pas été remplies. La Serbie ne s’est pas non plus montrée ouverte à la collaboration sur la question du Kosovo. Elle s’est ainsi attirée les critiques de Bruxelles et de Washington, qui l’accusent d’inciter les Serbes du Kosovo au boycott des institutions kosovares.
Selon certaines rumeurs officieuses à Bruxelles, Belgrade soutiendrait par ailleurs en sous-main l’idée d’un référendum sur la séparation de la Republika Srpska de Bosnie-Herzégovine, évoquée par les leaders politiques bosno-serbes. La situation des minorités, notamment en Voïvodine, n’est pas non plus convenable. La Serbie a donc régressé sur son parcours vers l’Europe. C’est dans ce contexte qu’elle va adopter sa nouvelle Constitution, au sujet de laquelle l’UE ne s’est pas encore prononcée, sauf pour dire que la mention du Kosovo comme « partie intégrante de la Serbie » n’avait aucun poids. Ce sera, en effet, au Conseil de sécurité des Nations Unies de trancher sur le statut du Kosovo.
Certains pays européens, désireux d’apporter leur soutien aux forces modérées serbes, souhaiteraient remettre à plus tard la question du statut du Kosovo. « Martti Ahtisaari, l’envoyé spécial de l’ONU pour le Kosovo, devrait proposer une forme d’indépendance pour le Kosovo. Dans un contexte préélectoral en Serbie, présenter ce choix reviendrait à faire cadeau aux partis radicaux. Si les extrêmes remportent la victoire, nous n’en porterons pas la responsabilité », confie un haut diplomate de l’UE.
Javier Solana a affirmé devant le parlement européen que la décision sur le Kosovo serait probablement remise à plus tard pour ne pas influencer les élections en Serbie. Des échos négatifs n’ont pas tardé à se faire entendre au Kosovo : la preuve qu’il sera difficile de trouver une solution acceptable par les deux parties et propice à la stabilité dans la région.
L’OTAN embarassée
Au premier abord, l’État le plus jeune des Balkans, le Monténégro, se porte plutôt bien. Il a obtenu son indépendance, qui a été reconnue par l’ensemble des pays de l’UE et de l’OTAN. À la différence de la Serbie, il poursuit ses discussions de stabilisation et d’association avec l’UE. Mais la situation n’est pas idéale. Nombre de diplomates européens savent que le Monténégro devra faire face à la réalité de la corruption. D’après un homme politique européen, le Monténégro pourrait, après l’adhésion de la Croatie, avancer plus vite que les autres vers l’UE. Il a cependant ajouté, non sans humour, « à condition que les autorités combattent la corruption et le crime organisé, c’est-à-dire eux-mêmes ».
Même s’il progresse plus rapidement vers l’Europe, le Monténégro devra résoudre quelques difficultés. C’est le cas avec l’OTAN dont les représentants diplomatiques ont admis que Milo Djukanovic les a déjà mis dans une position inconfortable. Il a récemment adressé un courrier officiel au Secrétaire général de l’Alliance atlantique Jaap de Hoop Scheffer, dans lequel il demandait l’adhésion du Monténégro au Partenariat pour la paix. L’OTAN, de son côté, n’a pas de raisons de refuser le Monténégro étant donné les avis positifs de Carla del Ponte sur la coopération de Podgorica avec le Tribunal pénal international. Cependant, certains pays membres de l’OTAN n’envisagent pas d’accueillir le Monténégro dans l’Alliance atlantique tant que les portes de celle-ci resteront fermées à la Serbie.
Le pays le plus avancé, après la Croatie, dans le processus de rapprochement à l’UE, est la Macédoine. Elle attend, tout comme la Croatie, un signal « positif, clair et fort » au sommet de Riga pour rejoindre l’OTAN, peut-être à l’occasion du prochain sommet, prévu pour 2008. Cependant, la demande faite par le nouveau gouvernement macédonien d’une date pour l’ouverture des négociations d’adhésion n’a pas été acceptée. La situation dans le pays demeure extrêmement délicate, même si les dernières élections macédoniennes se sont écoulées sans tensions particulières.
Depuis la création de l’Ancienne République Yougoslave de Macédoine (ARYM), une règle non écrite imposait que le parti ayant obtenu la majorité des votes macédoniens forme un gouvernement de coalition avec le parti majoritaire des Albanais de Macédoine. Si l’Union démocratique pour l’intégration (BDI), parti des anciens rebelles albanais, faisait office d’allié de l’ancienne administration, elle ne figure plus dans les rangs du nouveau gouvernement de l’ARYM qui repose sur une coalition avec le Parti démocratique des Albanais (PDSh). C’est ainsi que le parti le plus représentatif des Albanais macédoniens s’est trouvé hors du gouvernement.
Ce contexte pourrait avoir une influence négative sur les réformes engagées dans le cadre des accords d’Ohrid, nécessaires à un éventuel feu vert de Bruxelles à l’ouverture des pourparlers. En raison de sa frontière avec le Kosovo, des questions non résolues avec la Grèce et de la présence d’une importante communauté albanaise, la Macédoine reste un pays fragile, bien qu’elle ait été la première dans la région à signer l’ASA.
Nationalisme
Javier Solana, optimiste, s’est dit content des résultats des élections en Bosnie-Herzégovine, remportées, pour la première fois depuis 1995, par une force autre que le parti sortant. Mais les communiqués de l’UE laissent penser que même l’Europe y perd son latin. Ainsi, la Commission européenne a salué l’augmentation du nombre de citoyens s’étant rendus aux urnes, tandis que le gouvernement finlandais, inversement, regrettait dans un communiqué une « faible participation compte tenu de l’importance du scrutin ».
L’Union européenne admet néanmoins s’inquiéter de la situation dans le pays et notamment des discours nationalistes. Le Conseil de l’Europe a ainsi tenu à rappeler son « soutien à l’intégrité territoriale de la Bosnie-Herzégovine ». La crainte majeure vient des annonces d’un éventuel référendum en Republika Srpska (RS). Hanes Swoboda, délégué au parlement européen, et spécialiste de la région, a adressé un message sérieux au Premier ministre de la RS, Milorad Dodik, le prévenant du risque de « détruire l’avenir des Serbes de Bosnie s’il n’abandonnait pas cette idée incongrue ». Il a également laissé entendre à Belgrade que la voie de la Serbie vers l’UE ne serait pas facilitée, si la Serbie continuait à soutenir des éléments déstructeurs en Bosnie-Herzégovine.
Concernant la signature de l’accord de stabilisation et d’association pour la Bosnie-Herzégovine, il n’est plus réaliste de s’attendre à une finalisation avant la fin de l’année. « Ils peuvent remercier pour cela leur campagne électorale et les discours nationalistes de leurs politiciens », a estimé cyniquement un haut diplomate de l’UE. Il a également admis la possibilité de la fermeture du Bureau du Haut représentant (OHR) pour la Bosnie-Herzégovine. Une Bosnie-Herzégovine stable et en bonne voie vers l’Europe : ce n’était qu’un désir de Bruxelles, malheureusement pas la réalité.
L’Albanie, de son côté, a récemment signé son Accord de stabilisation et d’association. Mais la situation dans le pays n’est pas brillante. L’inquiétude de Bruxelles porte notamment sur la « culture politique conflictuelle » du pays. La lutte contre le crime organisé est souvent utilisée comme prétexte à des règlements de comptes entre adversaires politiques. L’état des médias n’est pas non plus satisfaisant. Quant à la lutte contre la corruption, il n’y a que Bruxelles qui voit des avancées, principalement grâce aux aides directes européennes. Il est impossible pour le moment de prévoir la suite des événements : l’Albanie devra non seulement attendre la ratification de l’ASA, mais donner aussi des exemples de son application dans la région, avant d’obtenir un éventuel feu vert au statut de candidat.
Enclave
Et enfin, le Kosovo qui s’apprête à devenir une sorte d’État. La décision sur son statut ouvrira un nouveau chapitre qui comportera à son tour de nombreuses difficultés. La seule certitude concernant le Kosovo, c’est qu’après la décision sur le statut, il y aura des ennuis ; « et si la question du statut n’est pas résolue, les problèmes seront encore plus grands », confiait un haut diplomate de l’UE. Faute de statut, le Kosovo n’a jusqu’à présent pas encore commencé à aborder les questions économiques.
Les aides en provenance européennes ont été dépensées sans aucune stratégie. De sorte que le Kosovo, dès qu’il sera devenu un État à part entière, ne manquera pas de devenir aussitôt le pays le plus pauvre du continent. Toutes les portes de l’UE seront fermées à la jeune population du Kosovo, comme l’a annoncé récemment l’Initiative européenne pour la stabilité (ESI).
À l’heure où la Commission européenne prépare un rapport, prévu pour le 8 novembre prochain, sur les progrès réalisés par les pays de la région, la seule chose que tous ces pays ont en commun est le désir d’intégrer l’UE. Cette perspective européenne leur avait été promise par Bruxelles. Mais la voie s’annonce incertaine : d’après les dernières déclarations de Jose Manuel Barroso, président de la Commission européenne, après l’adhésion de la Bulgarie et de la Roumanie l’élargissement sera suspendu, tant qu’il n’y aura pas de solution au niveau de la constitution européenne.
Si l’Union européenne considère les Balkans comme une dernière phase de réunification du Vieux continent, sur le terrain, la région ressemble plutôt à une enclave. De fait, après la riche Suisse à l’ouest, le district russe de Kaliningrad au nord-est, et avec l’entrée de la Bulgarie et de la Roumanie, les Balkans deviennent une troisième enclave au sein de l’UE. Alors qu’à Bruxelles on parle d’une simplification de régimes de visas pour les citoyens des Balkans de l’ouest, c’est cette même Europe qui a imposé l’obligation d’obtenir un visa pour se rendre en Bulgarie et en Roumanie.
Le tableau paraît triste, et pourtant le cours des événements peut encore prendre un tournant positif, considère-t-on à Bruxelles. Dans ses prochains rapports, la Commission européenne risque de constater une fois de plus que les pays des Balkans « ont réalisé des progrès significatifs », mais qu’« il reste encore du chemin à faire ».