Par Valentina Madani

L’accord inclut les trois conditions posées par l’opposition socialiste, dont l’intégration de membres supplémentaires issus du PS dans les deux institutions qui surveillent les médias albanais. La majorité a accepté d’augmenter de 7 à 9 le nombre des membres de la Commission Centrale des Elections. Il s’agit d’un représentant de la Ligue socialiste pour l’intégration, Ilir Meta, et d’un autre du Parti démocratique-chrétien, Nard Ndoka. Cette structure cruciale pour les élections sera aussi dirigée par deux présidents, représentant respectivement la majorité démocratique et l’opposition socialiste.

Dans l’accord signé par le Parti démocratique et le Parti socialiste, les deux forces politiques majeures se sont entendus sur les listes provisoires des électeurs, ce qui avait été un point majeur de contestation avancé par les socialistes. L’accord concerne aussi le déroulement des prochaines élections locales. Elles ne seront pas repoussées et le délai prévu par la Constitution sera respecté, les élections devraient donc avoir lieu, en principe, le 20 janvier 2007. Pour l’instant, cette date n’est pas définitive, elle sera arrêtée dans les jours à venir par un accord entre les forces politiques albanaises.

L’accord préalable signé en présence du chef de la mission de l’OSCE, Pavel Vacek, sera rendu public rapidement. Le projet de consensus entre la majorité et l’opposition sera lu devant les députés du Parlement le 4 septembre, date d’ouverture de la rentrée parlementaire. Les internationaux avaient demandé aux démocrates et aux socialistes de parvenir à un compromis et un accord de collaboration mutuelle pour mettre fin à la crise, qui les opposait et qui a duré plusieurs semaines. La crise avait commencé à cause des contestations des Socialistes au cours d’une séance du Parlement qui avait tourné à la violence générale et avait provoqué la suspension de la session plénière en cours.

Les négociations entre les deux partis ont duré plusieurs jours dans les bureaux de l’OSCE et de quelques ambassades de pays membres de l’UE, avant qu’ils aient pu se mettre d’accord sur les principaux points qui les opposaient. L’opposition campait sur les trois conditions qu’elle estimait incontournables, alors que la majorité déclarait ne pas vouloir revenir sur les réformes entreprises dans d’importantes institutions comme celle qui contrôle les médias albanais. Les socialistes ont continuellement refusé de reconnaître la composition du Conseil Dirigeant de la Radio-Télévision, du Conseil National de la Radio-Télévision ainsi que de la Commission Centrale des Elections.

Les réformes dans les institutions de surveillance des médias du pays étaient pourtant soutenues par la mission de l’OSCE à Tirana. Selon cette dernière, l’inclusion de représentants de la société civile dans ces deux institutions de contrôle est conforme aux standards occidentaux. L’opposition insistait cependant sur leur appartenance politique. Lors d’une rencontre avec l’équipe des médiateurs de l’OSCE, les socialistes ont proposé d’ajouter quelques-uns de leurs militants afin d’équilibrer la composition des instances dirigeantes de ces deux institutions.

À défaut, les socialistes étaient décidés à continuer le blocage des séances plénières parlementaires jusqu’à ce qu’ils obtiennent satisfaction. Ces derniers jours, ils ont même proposé de repousser les élections présidentielles, ce à quoi le Premier ministre, Sali Berisha s’est farouchement opposé. Le chef du gouvernement a annoncé que le délai prévu par la Constitution serait respecté.

Par J. Tasic

Le gouvernement de Serbie convoquera une séance extraordinaire du parlement consacrée au Kosovo et Metohija, propablement après le nouveau round de négociations prévues à Vienne les 7 et 8 septembre.

Le premier ministre de Serbie a annoncé que, « dans la période qui est devant nous, nous expliquerons sûrement ce que signifie l’argument de Martti Ahtisaari qui prétend que les Serbes sont coupables en tant que peuple, ce qui justifieraitl’indépendance du Kosovo ». En commentant les explications du porte-parole de Kofi Annan, le ministre des Affaires étrangères et membre de l’équipe de négociations Vuk Draskovic souligne que « l’obligation de l’émissaire spécial du Secrétaire général des Nations Unies est d’être un médiateur, un intermédiaire impartial qui cherche une solution de compromis, et non pas à élaborer une problématique de la culpabilité et de la responsabilité collective de qui que ce soit ».

« Lorsque vous entendez cette déclaration, toutes les histoires et les élucubrations sur le contexte plus ou moins large dans lequel elle a été faite sont absurdes. Le peuple serbe sait bien quel est le seul contexte de ce cachet. C’est pourquoi il ne fait aucun doute que le gouvernement de Serbie et toute l’équipe de négociation vont « systématiquement et quotidiennement mener une action diplomatique afin que tous les acteurs internationaux soient au courant des lourds préjugés que Martti Ahtisaari manifeste envers le peuple serbe ». « Au cours des négociations de Vienne le 24 juillet, nous n’avons entendu aucun argument en faveur de l’indépendance du Kosovo et Metohija. Il ressort que le seul et unique argument favorable à l’indépendance, pour le moment, est celui exposé par Martti Ahtisaari », a déclaré le Premier ministre Kostunica.

Le porte-parole du secrétaire général des Nations Unies, Brend Warm, a déclaré à l’Agence Tanjug que Marti Ahtisaari « n’avait pas dépassé les limites ». Laissant planer l’hypothèse que les « paroles d’Ahtisaari ont peut-être été retirées de leur contexte », Brend Warm affirme que « Kofi Annan soutient Marrti Ahtisaari, en qui il a confiance pour sa grande expérience internationale, et qu’il ne pense pas le démettre de sa fonction », rapportent les médias.

Il n’y a pas de culpabilité collective

« La culpabilité collective, en fait, n’existe pas dans la communauté des nations, mais pour ce qui touche la responsabilité historique je ne m’oppose pas à ce qu’elle soit établie si Ahtisaari obtient pour ce faire un mandat du Secrétaire général des Nations Unies et du Conseil de sécurité, en notant toutefois que la tragédie kosovare ne commence pas avec Slobodan Milosevic. Il est indubitable que le régime de Milosevic est responsable de nombreux crimes commis sur les Albanais kosovars, et la Serbie en a été durement sanctionnée. Cependant, qui assume la responsabilité historique des précédentes décennies et des siècles de crime et de nettoyage ethnique contre les Serbes du Kosovo ? Aujourd’hui encore, au Kosovo, toutes les montagnes, les collines, les villages, les hameaux, les rivières, tous les toponymes portent des noms serbes, alors que les Serbes y sont peu nombreux. Qui est responsable du fait qu’à Srbica, il n’y ait plus de Serbes, qu’il n’y en ait plus dans le village de Devet Jugovica ? Qui porte la responsabilité pour les siècles durant lesquels plus de 2000 églises et monastères ont été détruits au Kosmet ? Enfin, qui est responsable du nettoyage ethnique des Serbes au cours des sept dernières années, qui est responsable des meurtres, des destructions d’églises, de l’incendie des foyers serbes et de l’usurpation des propriétés serbes ? », constate Vuk Draskovic, le ministre des Affaires étrangères de Serbie.

Lors de la réunion de l’équipe de négociations, Vuk Draskovic a proposé que Belgrade « demande à la communauté internationale de procéder à une complète investigation sur la responsabilité historique de la situation au Kosovo, mais de manière totale et entière, car l’histoire ne commence pas avec Slobodan Milosevic ».

« On m’a dit que j’avais raison mais, malheureusement, les représentants de la communauté internationale ne connaissent pas l’histoire du Kosovo. Je sais qu’ils ne la connaissent pas, mais ils n’ont qu’à l’apprendre s’ils veulent parler de l’héritage et de la responsabilité historique », fait remarquer Vuk Draskovic.

Le coordinateur de l’équipe belgradoise de négociations, Slobodan Samardzic, estime que « le porte-parole de Kofi Annan n’a de toute évidence pas cité la principale phrase problématique de Martti Athisaari - Les Serbes sont coupables en tant que nation -, qui a bien été prononcée, car Ahtisaari ne l’a pas démentie bien qu’il ait eu des occasions de le faire ».

« Personne au monde ne pourrait assumer la responsabilité de ces paroles, et encore moins le secrétaire général des Nations Unies. Tout ce qui a trait à la responsabilité historique est sujet à différentes interprétations. Les Serbes sont accusés de ce qui s’est produit dans les années 1990, les Albanais en 2000, mais tout est une question de responsabilité historique. C’est une toute autre affaire que de proclamer un peuple coupable. Nous avons réagi dans une lettre adressée à Martti Ahtisaari, et il n’y a plus rien à en dire. Les officiels du Groupe de contact et de l’ONU devraient profondément réfléchir à cette phrase d’Ahtisaari », estime Slobodan Samardzic.

La Serbie va-t-elle demander la révocation d’Ahtisaari ?

Questionné pour savoir quelles seraient les démarches que Belgrade a l’intention d’entreprendre à la suite des propos de Martti Ahtisaari, Vuk Draskovic a répondu « qu’il y a des choses qui ne concernent pas les médias », et que « le ministère des Affaires étrangères, pas seulement en cette occasion, entreprend beaucoup de choses destinées à l’adresse de ceux qui décident du destin du Kosovo et Metohija », mais « sans le faire savoir à l’opinion publique », car cela ne menace pas l’intégrité territoriale de la Serbie. Slobodan Samardzic pense également qu’il n’est pas temps « d’informer le public à l’avance sur les démarches qui seront suivies ».

« Pour l’heure, ce serait une conclusion trop hâtive d’affirmer résolument que la Serbie va ou ne va pas demander la révocation d’Ahtisaari. Nous verrons ce que fera Ahtisaari lui-même, et aussi quels seront les résultats de notre action diplomatique », a déclaré Kostunica.

Le rédacteur de la revue « Nova srpska politcka misao, Djordje Vukadinovic, affirme qu’il est actuellement difficile de commenter la manière dont se terminera le mécontentement de Belgrade dû à l’attitude d’Ahtisaari qui, jusqu’à présent, n’a suscité aucune action concrète. Djordje Vukadinovic pense que « si l’idée d’écarter Ahtisaari de son poste de médiateur est toujours présente, le moment véritable a été manqué, car il aurait fallu le faire avant le début des négociations ».

« Belgrade aurait dû contester sa nomination car il y avait alors suffisamment d’indices dans son comportement pour adresser une demande à l’ONU. Je pense avant tout à sa position antiserbe, démontrée au cours des années 1990, non seulement comme participant aux négociations sur l’interruption des bombardements de l’OTAN, mais aussi en tant que président de la Finlande et que membre de l’International Crisis Group. Ce que l’on sait peu, c’est qu’Ahtisaari, en tant que Président finlandais, a été le seul dirigeant européen qui a publiquement soutenu l’action Tempête en 1995. Ce sont les raisons qui auraient pu militer pour que le poste de médiateur dans les négociations sur le futur statut du Kosovo ne lui soit pas attribué, quoiqu’on peut se demander si la demande aurait été acceptée. Maintenant, les chances de l’écarter sont quasiment nulles. Je pense que Belgrade le sait très bien, et ce que la Serbie désire actuellement est de désavouer par avance le prochain rapport d’Ahtisaari, et de préparer ainsi l’opinion publique locale et étrangère à rejeter les conclusions et les éventuelles recommandations d’Ahtisaari », conclut Djordje Vukadinovic.