Muhamedin
Kullashi, Ambassadeur du Kosovo en France
Le piège
du rapport de Dick Marty
Le rapport de Dick Marty, intitulé « Traitement
inhumain de personnes et trafic illicite d’organes humain au Kosovo »,
présenté le 16 décembre 2010 devant la Commission des questions juridiques et
des droits de l’homme de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe
a provoqué un choc et un emballement médiatique dans de nombreux pays. M.
Marty a été mandaté par la Commission suite à la publication du livre de mémoires
(La traque, les criminels de guerre et moi)
de Carla Del Ponte, en avril 2008,
l’ancienne Procureure auprès du TPIY, de souvenirs, dans lequel elle évoque
des allégations sur « le prélèvement d’organes sur des prisonniers
serbes, commis par des responsables de l’UCK. »
Cependant, Florence
Hartmann, porte-parole de la procureure de TPIY, dans son article « Kosovo :
Carla Del Ponte et les rumeurs de trafic d’organes » (Le
Temps, Genève, 16 avril, 2008) s’étonne de la crédibilité que Del
Ponte accorde à des rumeurs sur le prélèvent d’organes même si « elle
admet qu’elle n’avait pas le début d’une preuve pour poursuivre l’enquête. Elle concède également que ses enquêteurs n’ont
jamais eu accès aux sources des journalistes. Ces derniers avaient en effet
refusé de révéler l’identité de leurs sources, faute d’éléments
probants appuyant leurs déclarations. »
En effet, sur ces allégations, venant pour la plupart de Serbie, avaient
enquêté, à part la TPIY, également l’UNMIK et l’EULEX. Ces enquêtes
n’avaient pas pu aboutir faute de la moindre preuve.
L’optique
manichéenne des instances internationales ?
M. Marty, se
propose dans ce rapport de mener une « véritable enquête », une
« investigation approfondie sur ces « faits », guidé par
« le devoir de vérité et de justice » comme « une prémisse
indispensable pour qu’une véritable paix soit rétablie et que les différentes
communautés puissent se réconcilier et recommencer à vivre et travailler
ensemble. »(p.7)
Il s’y emploie à dénoncer un défaut de vérité et de
justice au Kosovo, et l’explique
par l’attitude des instances internationales qui auraient considérés
« tous les événements et les faits dans une optique rigoureusement
manichéenne : d’un côté les Serbes, nécessairement méchants, de
l’autre les kosovars albanais, inévitablement innocents. »(p.7)
Cette thèse centrale, à l’appui de laquelle le
rapporteur va considérer certains événements
au Kosovo durant la guerre, et après la guerre est pourtant simplement fausse.
Il suffit de consulter les rapports de nombreux organismes internationaux sur
place (Minuk,UNDP), ceux des associations internationales des droits de
l’homme, ainsi que les discours publics, notamment, des responsables
internationaux, transmis par les médias, pour voir qu’à partir de juin 1999,
le souci de sécurité de la minorité serbe, devient graduellement une préoccupation majeure. Les
responsables politiques de l’ONU ou de l’UE, vont définir l’attitude
envers la minorité serbe comme critère
essentiel dans la valorisation des nouvelles institutions kosovares.
D’autre part, avant la décision de l’intervention au
Kosovo, en avril 1999, la communauté internationale, comme cela a été le cas
pour les conflits précédents (en
Slovénie, en Croatie et Bosnie) n’avait pas la propension de considérer de
façon « rigoureusement manichéennes » la responsabilité des
acteurs dans les conflits. Assez longtemps avait dominé le schéma des conflits
« des belligérants », qui impliquait une distribution symétrique des responsabilités pour les crimes. Pour
la Bosnie, il a fallu attendre que les crimes des troupes serbes
prennent les formes les plus extrêmes, pour qu’on commence à parler
d’une relation agresseurs -agressés.
Ainsi, les instances internationales n’ont pas considérés,
comme l’affirme M. Marty, les Serbes comme « nécessairement »
bourreaux ou méchants (par leur nature), mais face à des situations extrêmes, constatent objectivement qu’elles
ont à faire avec des agressions de fait
de la Serbie. A la différence de M. Marty qui s’était opposé, au nom du
droit international, à l’intervention de l’OTAN au Kosovo, de nombreux pays
se sont associé dans la volonté de stopper les crimes massifs contre les
Albanais du Kosovo.
Afin de mettre
en valeur son projet du rétablissement de la vérité et de la justice au
Kosovo, Dick Marty s’emploie à réduire ou à dévaloriser le travail
énorme que les instances internationales ont fait au Kosovo, avec les
acteurs locaux, depuis 1999 : dans la reconstruction d’un pays dévasté,
dans la mise en place des nouvelles institutions politiques et administratives,
par l’organisation des premières élections libres, par la rénovation des hôpitaux,
des écoles, des entreprises, par la création des conditions pour les médias
libres, mais aussi la mise en place d’une police et d’une administration de
justice.
L’affirmation de M. Marty
que les « crimes contre les Serbes au Kosovo était un véritable
tabou » (p.9), qu’il y aurait eu non seulement chez les institutions
kosovars mais aussi chez les internationaux « une absence de volonté de
s’occuper de ces faits » est également fausse.
Les crimes contre les civils serbes au Kosovo ont fait bel et bien partie du débat
public dans les médias et aussi du travail des responsables internationaux sur
place. Il y a eu depuis 1999 des enquêtes judiciaires et des procès.
Insuffisants ? Bien sur, mais on ne doit pas oublier, justement pour éviter
l’approche manichéenne, que les procès à l’encontre des serbes qui ont
commis des crimes sur les Albanais, ont été pour le moins autant insuffisants.
Tout en dévalorisant
globalement le travail des instances internationales, il arrive à M. Marty
parfois de nuancer ces affirmations en concédant même que « la police
kosovare, à caractère pluriethnique, est formée de manière professionnelle,
bien équipée et efficace dans la lutte contre la petite et moyenne criminalité »(p.8).
En même
temps, Marty, dans son zèle de vérité, constate que « les crimes commis
par les troupes serbes ont été documentés, dénoncés et, autant que
possible, jugés ». Bien étrange affirmation. Pourtant, ce n’est
qu’un nombre symbolique d’auteurs de crimes sur 10.000 civiles Albanais du
Kosovo qui soient jugé, en Serbie ou au Kosovo. Par ailleurs, la majorité des
auteurs de ces crimes, comme ceux des crimes commis en Croatie et en Bosnie, se
trouve en Serbie. Si M. Marty généreusement considère que le jugement des
crimes commis par les troupes serbes a eu lieu « autant que possible »,
certaines associations des droits de l’homme à Belgrade, au contraire, ont
pensé que ces jugements étaient, vu l’ampleur des crimes, plutôt
symboliques.
S’agissant de la dénonciation
de ces crimes commis au Kosovo par les troupes serbes, M. Marty
oublie que les autorités de la Serbie, n’ont jamais jusqu’à présent
clairement reconnu la responsabilité
de l’Etat serbe pour les crimes au Kosovo. Le gouvernement de la Serbie et son
Président Tadic continue de cultiver, tout en affirmant leur attachement
« aux valeurs européennes », le déni des crimes envers les Albanais.
Le caractère « mafieux » du Kosovo
Dans son « investigation approfondie » Marty opère
surtout avec trois représentations-clés : l’UCK comme organisation
fondamentalement mafieuse, la société kosovare, privée d’une société
civile, serait régie par « une structure très clanique » et par
l’omerta, cependant que l’Etat du
Kosovo serait fondé et envahi par les structures mafieuses. M. Marty conduit son enquête
sur les réseaux criminels, à l’appui de ces représentations, même s’il
lui arrive, chemin faisant, de les nuancer et d’apporter quelques faits qui
pourraient mettre à mal le caractère global de ses notions sur l’UCK ou l’Etat
kosovar. Ainsi, il reconnaît l’existence de « certains interlocuteurs
qui représentent la naissante société civile kosovare »(p.8) ou même
quelques « résultats tangibles » du travail de la police et de la
justice dirigée par l’EULEX.
M. Marty s’évertue
d’expliquer la criminalité organisée au Kosovo, tout en avouant que c’est
un « problème majeur de la région », comme un phénomène spécifique
qui proviendrait de l’essence
mafieuse et criminelle de l’UCK, dont les formes se manifesteraient dans toutes les institutions de la société kosovare et dans les fondements
même de l’Etat du Kosovo. Le caractère, pour le moins, problématique de
ces représentations, et notamment l’affirmation sur le
règne de l’omerta et du Kanun
(le Code traditionnel) pourrait
s’avérer à un observateur tant soit peu attentif aux événements politiques
et sociaux du Kosovo. Il se rendrait compte des divisions
et des fractures politiques et sociales, de la diversité des intérêts
et des opinions entre les partis
politiques, mais aussi au sein de ses partis, de la transformation des
organismes de la société civile, en interaction permanente, depuis une décennie,
avec les organismes internationaux sur place. Il aurait pu remarquer que, depuis
1999, aux critiques des
journalistes et des associations n’échappent aucune personnalité et
institution, locale ou internationale, que la corruption ou diverses formes de
criminalité sont des thèmes fréquents des médias au Kosovo.
Tout en avouant un certain « factionalisme » au
sein de l’UCK, y compris durant la guerre, M. Marty veut la voir comme fondamentalement « criminelle et
mafieuse », au mépris d’un souci élémentaire d’objectivité. Ainsi
il affirme : « Les principales unités de l’UCK et leurs zones de
commandement opérationnel respectives étaient la copie presque conforme des
structures qui contrôlaient les diverses formes de criminalités organisées
dans les territoires où opéraient l’UCK ». (p.14)
Afin d’étayer mieux sa thèse que l’UCK est avant
tout une organisation mafieuse, il affirme que ce n’est qu’une minorité
qui aurait combattue pour la libération du pays (p.12). Donc, la majorité
a pu ainsi s’adonner à des activités
criminelles et mafieuses. A l’encontre de M. Marty et d’autres contempteurs
de l’UCK, des observateurs qui voulaient comprendre ce qui se passe sur le
terrain, ont pu constater que ce mouvement de résistance armée, apparait en
1997, après que la résistance politique
des Albanais du Kosovo à la terreur du régime serbe, durant une décennie, ait
buté au mur. Cette résistance armée a été plus significative dans la région
de Drenica et celle de Dukagjin (la région autour de Deçan) : elle a été
portée, comme M. Marty le reconnaît à un moment, par une population paysanne
exposée à l’oppression. Cependant, M. Marty prévoit le fait, que de
nombreux militants des la résistance politique (du LDK de Rugova et autres), y
compris même ceux du Conseil des droits de l’homme ont rejoint les rangs de
l’UCK. Mais au lieu d’expliquer la naissance et les activités du mouvement
de résistance armée par la nécessité d’une population de se défendre
d’une agression militaro-policière, Dick Marty, en spécialiste des mafias,
ne voit dans les noyaux de résistance à Drenica qu’une « une stratégie
globale, préméditée et évolutive » du « Groupe de Drenica »,
comme un réseau de « la criminalité organisé » avec leur « parrain
de la pègre » de l’UCK, Hashim Thaci, l’actuel Premier Ministre
(p.15). Même s’il reconnait, à la fois, que la vallée de Drenica était un
« noyau traditionnel de la résistance des membres de l’ethnie albanaise
à l’oppression serbe de Milosevic et lieu de naissance de l’UCK ».
Avec un tout petit peu plus de connaissances historiques, M. Marty aurait appris
que la vallée de Drenica, comme la plaine de Dukagjin, ont été également, au
début du XXe siècle et dans la période entre-deux guerres, des lieux caractéristiques
de la résistance à l’oppression de l’Etat serbe. En ce temps, les résistants
albanais n’étaient pas qualifiés, par la classe politique de Serbie et une
partie des médias occidentaux, comme de « mafieux » mais comme des « bandits ».
Cependant que les leaders de la social-démocratie serbe (D.Tucovic, D.
Jovanovic, etc.) les considéraient plutôt comme des paysans-combattants qui mènent
une lutte légitime.
Le caractère
« criminel et mafieux » de l’UCK est expliqué par Marty, également,
par ses considérations « anthropologiques » sur le Kanun
et « la structure très clanique de la société kosovare ». Ces
considérations se déploient à travers la majorité de son rapport comme un
prisme privilégié sur le Kosovo. Son ignorance de la société kosovare, mais
aussi du Kanun peu être illustrée
par cette affirmation : « C’est avant tout la coutume ancestrale,
encore très encrée dans certaines couches de la société, de la loyauté viscérale
envers le clan ou son équivalent dans la sphère de la criminalité organisées
qui semble empêcher de nombreux Kosovars d’obtenir que la justice soit véritablement
rendue. (p.27)». L’ignorance se manifeste dans le fait que le Kanun,
en tant que code traditionnel, au contraire, codifie tout un spectre de peines
pour des actes considérés injustes ou contraire aux coutumes traditionnelles.
Il définit le point d’honneur d’un homme non pas par le
silence envers le crime mais au contraire par sa dénonciation ouverte et sa
punition. Ce Kanun a de nombreux défauts,
il est assez ancien, mais il n’a pas à faire avec les règles et les coutumes
des bandes mafieuses. Par ailleurs, des observateurs tant soit peu sérieux de
la société kosovare, ne la voient pas aujourd’hui régie
par le Kanun et l’omerta,
et ne la réduisent pas à un grand organisme mafieux. Ce qui ne les empêche
pas d’affronter de façon critique de nombreux phénomènes (dont la
corruption et le crime organisé) qui pèsent lourd sur la société kosovare.
La présentation de la société kosovare comme un
organisme criminel et mafieux, s’est développée, notamment à partir des années
80, par la machine de propagande de l’Etat
serbe, ses médias et son Académie des Sciences, qui accompagnait et
justifiait la terreur policière. Cette propagande va stigmatiser comme « terroriste »
et « mafieuse » aussi bien l’UCK de Thaci que le mouvement de résistance
politique, guidé par le LDK de Rugova.
L’opération de la présentation de l’UCK et de la société
kosovare comme des organismes mafieux est facilitée, dans le schéma de Marty,
par l’usage fréquent du terme « illicite», qui s’applique sur de
nombreuses activités des combattants ou des citoyens kosovars dans des
conditions d’occupation. En effet, la collecte d’argent et des armes
pour la résistance, la collecte d’argent pour l’aide humanitaire à tous
ceux qui étaient expulsées des institutions, toutes ces activités ne se sont
pas déroulées dans le cadre d’un Etat de droit, pour la simple raison
qu’il n’existait pas. Est-ce que les actions d’autres mouvements de libérations
étaient moins légitimes tout en ayant été « illicites » ?
Est-que la production de faux papiers (cartes d’identités, passeports etc.)
par les résistants français, sous l’occupation, était légitime ?
Les rumeurs sur les crimes abjectes
La définition de la société kosovare, et notamment de
l’UCK et des partis politiques, qui étaient constitués par ses ex-membres,
comme un organisme clanique et mafieux
devrait trouver un appui plus
solide dans la supposition de M. Marty, qu’en 1999, une « poignée de
prisonniers a été conduits au centre de l’Albanie pour y être assassinés
avant de subir le prélèvement de leurs reins dans une clinique improvisée ».
Cette supposition, construite à partir de quelques indices et récits de témoins,
la plupart du temps indirects, par son caractère odieux, devrait montrer rétrospectivement
la « vraie nature » de l’UCK et des structures politiques qui en
sont issues.
En s’acharnant à semer des doutes sur un crime supposé,
M. Marty en même temps refoule la question de l’impunité
des auteurs des crimes de plus de 10.000 civils kosovars.
Néanmoins, de nombreuses personnalités internationales,
qui ont travaillé au Kosovo ou sur le Kosovo dans les années 2000, ainsi que
de nombreux experts ont déjà exprimés des doutes sérieux à l’endroit de
cette supposition, qui prend la forme d’une accusation
aussi bien chez Carla Del Ponte que chez Marty.
Les enquêtes de la TPIY, de la MINUK et de l’EULEX, qui étaient au courant
de ses récits et allégations, provenant de diverses sources, les principales
venant de la Serbie, ont été abandonnées comme non corroborées. Récemment,
les responsables d’EULEX ont réaffirmé que leur enquête n’a pas abouti,
faute de preuves. Les difficultés que ces
organismes internationaux ont connues dans leurs enquêtes ne pourraient pas être
interprétées, comme le fait Marty, comme des preuves a priori que le crime supposé à vraiment eu lieu.
La volonté de stigmatisation,
qui l’emporte chez M. Marty sur l’obligation d’objectivité, se manifeste
également dans la manière dont il établit la continuité entre le crime supposé en 1999 « dans une
clinique improvisé » en Albanie, et les faits réels de trafic
d’organes effectué dans la clinique « Médicus » à Prishtina, en
2010. Cette activité criminelle avérée, a été découverte par la police du
Kosovo et celle d’EULEX, en 2010. Dans ce cas on est face à un aspect du phénomène
de trafic d’organes qui a une dimension internationale. Les personnes impliquées
sont de trois pays différents, en dehors du Kosovo. L’arbitraire de la méthode
d’enquête se voit, ici aussi, par la construction
artificielle d’une continuité
d’une décennie, qui n’est pas corroboré par aucune preuve. (p.27)
Les guerres dans les Balkans, avec des atrocités réelles, des crimes odieux, on été
accompagnées aussi par des rumeurs et des fictions, dont certaines prennent
l’apparence d’une enquête cohérente.
Ainsi, les rumeurs sur les prélèvements des organes sur
les prisonniers serbes par les membres de l’UCK, avaient donné cours, en 2006
et 2008 au récit, transmit par les médias de la Serbie (« Kurir »
par exemple…), que M. Bernard Kouchner aurait participé, en tant que médecin,
aux prélèvements des organes des prisonniers serbes, que les troupes de la
KFOR ont encadré cette opération, et que la transplantation des organes se
serait fait dans les bases de l’OTAN,
en Allemagne. Ces rumeurs étaient diffusées dans les médias serbes par des
personnes qui se disaient êtres les « sources » de Carla Del Ponte.
Une rumeur
similaire avait circulé sur un autre Premier Ministre du Kosovo, M. Bajram
Rexhepi, en 2002. Il était présenté, dés son élection, dans une partie des
médias en Serbie, comme un « coupeur des têtes de civiles serbes ».
Cette rumeur avait pris la forme d’une enquête des experts serbes. M. Nebojsa
Covic, le représentant de la Serbie, dans une commission commune avec le représentant
de l’UNMIK et celui du gouvernement provisoire du Kosovo. Selon M. Covic, M.
Rexhepi était tenu coupable d’avoir coupé des têtes aux civils serbes, en
tant que soldat de l’UCK et en sa qualité de médecin. L’envoyé spécial
de l’ONU au Kosovo M. Steiner, avait demandé l’expertise de ce dossier. Un
mois après il avait déclaré : « Nous sommes tombés d’accord
avec M. Covic, que dans ce dossier il n’ya rien qui pourrait incriminer le
Premier Ministre Rexhepi. » Et cependant, l’emballement médiatique en
Serbie avait fait son travail sur ce cas aussi.
Les motifs politiques
de M. Marty et la volonté de révision
Les motifs politiques de M. Marty transparaissent à
travers tout le texte de son rapport. En tant qu’adversaire virulent de
l’intervention de l’OTAN contre les troupes serbes qui massacraient les
civils albanais du Kosovo, en tant que adversaire de l’indépendance du
Kosovo, il se livre, comme on a pu le montrer, à une stigmatisation
de l’UCK, de la société kosovare et de l’Etat du Kosovo, comme « organismes
mafieux et criminels ». Cette image du Kosovo, envahi dans toutes ses
pores par la mafia, difficilement s’accorde, pourtant, avec le fait que le
Kosovo, qui ne compte que 10.000 km2, depuis 1999, était contrôlé et surveillé
par 40.000 soldats de la KFOR, par des centaines de policiers internationaux,
par de nombreux services de renseignements, et exposé aux regards de nombreux
journalistes et diverses associations.
M. Vladimir Vukcevic, Procureur spécial de la Serbie pour
les crimes de guerre a déclaré à Belgrade, après la publication du rapport
de Dick Marty, que celui-ci contient une grande partie de son rapport.
Cependant, M. Marty reconnait que l’équipe de ce Procureur, «qui a déployé
des efforts considérables, n’a
pas non plus abouti à des résultats très
concrets. »(p.10)
Dans son rapport, M. Marty ne cache pas non plus sa passion
anti-américaine (p. 13, p.ex.), justement en relation avec le Kosovo. Il présente
l’UCK et l’Etat du Kosovo comme des produits
et des instruments de la politique américaine.
Dans ce cas aussi M. Marty manque d’objectivité : les problèmes du
Kosovo ont été traités dans un travail commun de l’Union européenne avec
les Etats Unis.
Les motifs politiques de Marty envers le Kosovo sont similaires avec ceux du président de la
Serbie, M.Tadic. Chez les deux hommes il s’agit surtout de renverser la perception de la question du Kosovo, d’apporter une révision
des événements, révision du rôle et de la responsabilité des acteurs du
conflit.
Dans le quotidien belgradois Danas, le 20 décembre, le président de la Serbie, M. Tadic, à
propos du rapport de Marty déclare : « Après la publication du
rapport Marty sur les crimes à l’encontre des Serbes, et malgré le principe
de la présomption d’innocence, la communauté internationale va percevoir de
manière tout à fait différente la question du Kosovo. La Serbie
a attendu durant des années devant les instances internationales pour
qu’il y ait un tel rapport. Nous avions demandé que tous les crimes soient éclairés,
mais ces appels n’étaient pas pris au sérieux. Maintenant, l’image est
différente et j’en suis reconnaissant à Dick Marty. » Le président
Tadic ajoute qu’une vaste enquête sur le cas soulevé par Marty devrait
« éclairer le processus de formation du soi-disant Etat du Kosovo. »
Donc, malgré la présomption
d’innocence, malgré le fait que la supposition sur le trafic d’organes
par certains membres de l’UCK pourrait être fausse, Tadic s’attend à ce
que la perception de la question du
Kosovo, mais aussi la perception des autres conflits en ex-Yougoslavie, sera,
par ce rapport, tout à fait différente.
La visée de M. Marty rejoint celle du président Tadic : changer
radicalement la perception des événements. Ainsi, la responsabilité de la
Serbie pour les quatre guerres
d’agressions (contre la Slovénie, la Croatie, la Bosnie et le Kosovo),
avec tout le cortège des crimes massifs sur les populations civiles devrait être
escamotée par la supposition, qui n’est pas confirmée par aucune
preuve, qu’ « une poignée » de prisonniers serbes, avant
d’être assassinée, aurait « subie le prélèvement de leurs reins dans
une clinique improvisée » en Albanie, par les membres de l’UCK. C’est
l’abjection d’un crime supposé
qui devrait éclairer « la vraie nature » d’un mouvement de libération
et d’un Etat.
Marty avoue, vers la fin de son rapport, que son enquête
n’a pas apporté quelque chose de nouveau : « Ce n’est pas une
nouveauté et ce n’est pas une exclusivité du Kosovo » en ajoutant, que
« Le crime organisé est très redoutable également en Serbie, au Monténégro,
en Albanie »… et il constate « même des complicités étonnantes
et inquiétantes entre ces différentes bandes ».(p.28)
Nous pourrions ajouter que
se dessinent également des
complicités politiques entre ceux qui à tout prix veulent croire et faire
croire à la « vérité » des crimes dont ils n’ont pas la moindre
preuve crédible. Mais c’est précisément par la focalisation
sur un crime supposé que M. Marty
a réussi à attirer l’attention des médias et à choquer les opinions.
S’il a connu un succès dans d’autres dossiers, dans celui-ci les défauts
sont manifestes.
Par ces défauts,
le rapport de M. Dick Marty ne
peut pas être une contribution à une analyse plus objective du passé
conflictuel, apport à la vérité et à la justice. Par son approche, ses partis pris
politiques et ses thèses il peut encore
moins prétendre à œuvrer
à la « véritable réconciliation » et à une « stabilité
durable de cette région ».
Dans la suite, Florence
Hartmann écrit : « Del Ponte reconnaît au fil des pages que cette mission n’a pas permis
de confirmer les allégations dont elle disposait. Elle admet qu’elle n’avait pas le début d’une preuve pour
poursuivre l’enquête (notre soulignement).
Mais, pour convaincre, malgré tout, ses lecteurs de la crédibilité des témoignages,
elle livre auparavant leur récit, ainsi qu’une description minutieuse de
la visite de ses enquêteurs dans le nord de l’Albanie. La maison jaune
n’est certes plus jaune, mais des gazes et des seringues y sont retrouvées,
ainsi que des traces de sang. Bien qu’une simple analyse biologique
permette de trancher, elle affirme étonnamment qu’il n’a pas été
possible de déterminer s’il s’agissait de sang humain ou animal. En
revanche, elle nous communique les dimensions précises d’une zone immaculée
repérée sur le sol, tout en laissant le lecteur imaginer de lui-même à
quoi elle pourrait correspondre (une table, un lit à une place ?).
La dépêche de l’AFP reprise sur la Toile et la plupart des radios
ouvrait la voie à toutes les dérives. Car elle présentait comme des faits
avérés ce qui, en réalité, a été impossible à prouver. Là où, dans
son ouvrage, la magistrate concédait quelques rares et discrets « selon
les sources », l’agence de presse préférait des « selon
Carla Del Ponte » transformant l’hypothétique en réalité.
En décidant, dans son livre de Mémoires, de mélanger les genres et de
juxtaposer des crimes jugés, donc irréfutablement établis, et ces thèses
non vérifiées, émanant de témoins dont elle ignore tout, jusqu’à
l’identité, Carla Del Ponte encourage la confusion entre la rumeur et les
faits, et risque ainsi de prêter le flanc aux révisionnistes de tout poil.
Son travail, au sein du Tribunal pénal international pour
l’ex-Yougoslavie, consistait justement à rechercher la vérité, malgré
les obstacles, et ainsi à combattre le déni et la manipulation.
Aujourd’hui elle nous replonge dans les heures les plus sombres de la
propagande. »
La
stigmatisation répétée du Premier Ministre Thaçi (« la personnalité la plus reconnue de l’UCK sur la
scène internationale »p.15), comme le personnage principal de toutes
les formes de criminalité au
Kosovo, et notamment des prélèvements d’organes, vise à montrer la trajectoire « mafieuse et criminelle » de l’Etat du
Kosovo : depuis la lutte pour la libération jusqu’aux dernières élections,
que Thaci vient de remporter. Par ailleurs, M. Thaci a
demandé l’ouverture d’une enquête judiciaire internationale pour éclairer
les allégations sur le trafic d’organes.
Un autre cas caractéristiques :
en septembre 1998, durant la guerre, les autorités de Belgrade ont informé
l’opinion que dans le village de Klecka, près de Lipljan (Kosovo) aurait
eu lieu « un crime terrible » à l’encontre de 15 civils
serbes : ils auraient été brûlés vifs dans une fausse de chaux à
1000 degré de Celsius. Durant plusieurs mois les médias de Belgrade ont
parlé d’un « crématoire à Klecka», d’un « Auschwitz des
Serbes ». Et c’est le
directeur de l’Académie militaire-médicale de Belgrade (VMA), M.
Stankovic, qui après avoir mené l’enquête, a publiquement et à
diverses reprises expliqué le caractère fallacieux
de ces allégations.
L’ancien Ministre des
Affaires Européens de la Grande Bretagne (2002-2005), M. Denis MacShane
rappelle ce fait, dans son article The
Human Organs of the Council of Europe: Evidence
Please, Independent, 23 décembre,
2010.
Le Chef de l’Agence Militaire de Sécurité M. Svetko Kovac, dans une conférence
de presse à Belgrade, selon « Blic » a déclaré que son Agence
a travaillé depuis 1999 à la collecte des informations
sur le trafic d’organes, aussi « mais ce que nous avons
trouvé ne suffisait pas pour une étape ultérieure. » Il a ajouté
qu’il a remis touts les informations au Procureur pour les crimes de
guerre, M. Vladimir Vukcevic. M.Kovac a souligné également qu’il n’a
pas de dossier classique sur M. Hashim Thaçi.
Caroline de Camaret reçoit Muhamedin Kullashi, ambassadeur du Kosovo
en France. Alors que le pays renouvelle son Parlement, le Premier ministre de
la jeune République indépendante, Hashim Thaçi, est accusé dans un rapport
du Conseil de l'Europe d'avoir participé à un trafic d'organes. Muhamedin
Kullashi revient sur cette accusation et sur le vote qui a eu lieu dans son
pays.
Raporti
i Dick Martyt, spekulativ dhe manipulativ
Akademia Shqiptaro -Amerikane e Shkencave dhe e Arteve në
Nju-Jork, ka shprehur shqetësimin e saj dhe dënuar ashpër raportin
e senatorit zviceran Dick Marty, raportuesit të Këshillit të Evropës
ASHASHA : "Raporti i Dick Martyt, spekulativ dhe
manipulativ, dashakeqës, dhe i mbushur përplot me gënjeshtra dhe
trillime politike, të orkestruara nga Beogradi dhe qarqet më anti
shqiptare në Europë"
NEW YORK CITY : Akademia Shqiptaro -Amerikane e Shkencave dhe e Arteve në
Nju-Jork, organizoi një tubim të veçantë me professor, studiues, shkencëtarë,
intelektualë dhe anëtarët e saj, për të shprehur shqetësimin
dhe dënuar ashpër raportin e senatorit zviceran Dick Marty,
raportuesit të Këshillit të Evropës, për të ashtuquajturin "Raport për
krimet me transplantim organesh nga UÇK-ja, gjatë periudhës së luftës së
fundit në Kosovë"
Kryetari i kësaj Akademie Professor Skëndër Kodra Ph.D,
thotë se “Ne, Institucioni më i lartë shqiptaro-amerikan, i cili, ka
rreth saj disa nga intelektualët shqiptarë në mbarë Shtetet e
Bashkuara të Amerikës, emigruar në kohë e periudha të ndryshme,
shprehim pakënaqësinë dhe indinjatën tonë të thellë; ndaj raportit
të zotit Dick Marty. Gjithashtu, ndaj trajtimit të
Kosovës, që i është bërë në disa nga masmediat kryesore ndërkombëtare,
që marrin shkas prej këtij raporti spekulativ dhe manipulativ,
dashakeqës, e përplot me gënjeshtra dhe trillime politike, të
orkestruara nga qarqe më anti shqiptare në Europë."
Akademia Shqiptaro -Amerikane
e Shkencave dhe e Arteve në Nju-Jork, me këtë rast dënon me forcë raportin
politikë, të bërë nga senatori Dick Marty, në emër të Këshillit
të Europës, i cili, sipas nesh thuhet në dekleratë, është kryekëput
një abuzim klasik, me emrin e këtij institucioni të lartë
Europian. Duke shkelur në mënyrë të turpshme, edhe mbi tragjedinë e
madhe, që kaloi populli i Kosovës, gjatë luftës për çlirimin e Kosovës.
Raporti i tij është për t'a njollosur dhe e baltosur luftën e drejtë,
dhe të shenjtë, për liri e pavarësi të Ushtrisë Çlirimtare
të Kosovës - UÇK-ës, shprehur në pretendimet e tij, plot andrralla,
se gjoja se Kryeministri Thaçi dhe UÇK-ja “ishin një
rrjetë i krimit të organizuar që merrje me transpalnte dhe trafikonte
organe njerëzore të marra nga të burgosurit e vrarë”.
Mirëpo, raporti i Dick
Martyt, ndonëse i autorizuar që të orvatet të nxjerr prova, është pikërisht
pa prova, sepse, ai ato andrallët e tij në këtë raport mediatik, i
bazon duke përvjedhur librin shtëpisë botuese Feltrinelli, librin e ish
Kryeprokurores së Hagës, Carla Del Pontes “Gjuetia: unë dhe
kriminelët e luftës (La caccia - Io e i criminali di Guerra), ku zonja
del Ponte, nuk i shpëtoi dot tundimit për të ngelur e famshme dhe për të
vazhduar që të qëndrojë në qendër të vëmendjes së opinionit ndërkombëtar, kësaj
radhe duke nxjerr një cop libër shumë të debatueshëm dhe të
dyshimit. Libër, të cilin, e kan hedhur poshtë, edhe më parë edhe disa
institucione prestigjoze ndërkombëtare, por, edhe ne Akademia
Shqiptaro -Amerikane e Shkencave dhe e Arteve në Nju-Jork, me fakte e
argumente të bëra publike.
Këtë madje
nuk e fsheh dhe vet deputeti zviceran Dick Marty : kur në këtë raport, ai
thotë se është i mbështetur kryesisht mbi dëshmitë dhe
raportet marra nga ky libër. Në mungesë të mjeteve , ai nuk ka patur
mundësi të vizitojë gjashtë vendet, të cilat, sipas tij ai i
ka identifikuar " si burgje të UÇK-së në Shqipëri - në një
fshat të prapambetur malor dhjetra kilometra larg Burrelit".
Kjo, akuzë fillimisht ishte një marrosje
e del Pontes që tronditi shqiptarët, për marazin e saj antishqiptare,
që paska kultivuar kjo zonjë, e cila, vë shumë në dyshim dhe paanshmërinë,
dhe objektivitetin e veprimtarisë së saj - si prokurore në gjykatën e
Hagës, ITCY, kur është bërë fjalë krimet e bëra në Kosovë
gjatë luftës. Lajthitja shembullore që paraqet besimi i saj del Ponte, në
këto fakte si ato që ka marrë edhe Dick Marty, detyrimisht nuk dëshmon
për një koeficient të lartë inteligjence dhe pjekurie politike.
Kjo marrëzi të saj para dy
vjetëve që tash riciklohet fill pas fitores në zgjedhjet e 2
dhjetorit, nga Kryeministri Hashim Thaçi, është shfrytëzuar edhe nga bashkëatdhetari
i saj senatori Dick Marty, me një kryemarrëzi tjetër, e cila dëshmon
për më tepër për mungesën e informacionit real, nga të dy dhe për
më shumë për një njohje të kufizuar të rrethanave, ose mos njohje
fare të rrethanave sesi u zhvillua lufta në Kosovë. Mbasi si
konkluzion raporti i zotit Dick Marty, del se është i
orkestruara nga Beogradi dhe qarqet më anti shqiptare në Europë,
ku siç e pranoi dhe kryprokurori i Serbisë, se "ne e kemi
furnizuara me informata Raportin e Dick Martyt"
Edhe një herë,Akademia
Shqiptaro -Amerikane e Shkencave dhe e Arteve në Nju-Jork, përgëzon
Qeverinë e Kosovës dhe Kryeministrin e saj Hashim Thaçi, për përmbajtje e
tij dhe hapjen e rrugës për drejtësi. Me këtë veprim ne mendojmë
se qeveria e Kosovës, dhe personalisht Kryeministri i saj zoti Hashim Thaçi, ka
demonstruar pjekuri politike, duke mos kaluar në over-reacting nga provokimet
e qëllimshme të këtij raporti "të gatuar në guzhinat" e
Beogradit dhe të Moskës. Të cilat, janë kundra pavarësisë së Kosovës
me të gjitha mënyrat dhe veprimet e tyre ndërkombëtare dhe mos njohjen e
saj.
Thaçi ka shprehur se
dëshiron një hetim të pavarur për “të larguar mjegullën” rreth
akuzave se ai ka udhëhequr një bandë që cila ka vrarë të burgosurit serbë
dhe ka shitur veshkat e tyre. Ndërsa theksoi se nuk ka “asgjë për të
fshehur” Thaçi nënvizoi se autoritetet e Kosovës do të jenë “shumë
bashkëpunuese” në lidhje me akuzat e bëra në raportin e Këshillit të
Evropës të raportuesit Dick Marty, se UÇK-ja e udhëhequr nga unë ka vrarë
të burgosurit shqiptarë dhe serbë për t’ua shitur veshkat e tyre në
vitin 1999. “Është një mjegull dhe unë duhet dhe do të punoj ta largoj
atë”, ka thënë Thaçi, ndersa sipas tij, akuzat kanë për qëllim të
minojnë shpalljen e pavarësisë së Kosovës nga Serbia në vitin 2008.
"Ne u bëjmë thirrje BE-së,
OKB, NATO dhe Shtetet e Bashkuara për të nxjerrë të vërtetën dhe nëse
ka ndonjë përpjekje të mëtejshme, që qarqe antishqiptare të përzihen
në Kosovë, dhe të nxisin për luftë duke hyrë në punët e brendshme
të saj për pengimin e pavarësisë së Kosovës, të dënohen ndërkombëtarisht.
Dhe Kosova të lihet në rrugën e saj të proseperitetit, zhvillimit dhe një
shtet i pavarur e sovran ku sundon ligji i barabartë për të gjithë qytetarët
e saj - shqiptarët , serbët, boshnjakë, romë, turq e të tjerë."
thuhet në fund të dekleratës së Akademisë së Shqiptaro -Amerikane e
Shkencave dhe e Arteve në Nju-Jork./B.Sina/
Shqip
Trafic d’organes :
l’Albanie accuse Dick Marty, mais est ouverte à une enquête
Traduit par Mandi Gueguen
Sur la Toile :
Publié dans la presse : 23 décembre 2010
Mise en ligne : vendredi 24 décembre 2010
Le Premier ministre Sali Berisha accuse le sénateur suisse Dick Marty de
« partialité », suggérant même qu’il serait « un
parfait avocat pour la cause de la Grande Serbie ». Toutefois, le
gouvernement albanais a offert son aide à Eulex et au Tribunal pénal
international de la Haye, si ces derniers se décident à mener une enquête
sur les accusations de trafic d’organes au Kosovo et en Albanie.
- (Photo :
Une usine proche de Kukës, en
Albanie, qui a servi de prison à l’UÇK)
Le Premier ministre albanais, Sali Berisha, a qualifié Dick MArty
« d’avocat aveugle des crimes serbes et de la Grande Serbie »,
mais il a chargé le ministre de la Justice d’Albanie d’envoyer une
lettre au TPI de la Haye où, tout en soulignant que le mandat de cette
instance internationale ne concerne que l’ancienne Yougoslavie, il
affirme que l’Albanie autorisera l’enquête dans son territoire.
« Dick Marty doit produire des preuves pour les autorités d’Eulex,
toutes les preuves dont il dispose. À défaut, il se rendrait coupable de
graves abus de justice à l’égard des Albanais », a affirmé Sali
Berisha.
« Le TPI a aussi été accusé d’avoir caché et même fait
disparaître des preuves sur des crimes de guerre commis en
ex-Yougoslavie. C’est à ce tribunal d’enquêter en ce domaine. Aucun
des pays libres n’a jamais été souhaité agir dans ce sens », spécifie
le Premier ministre albanais. Il a aussi précisé que l’Albanie a
toujours soutenu la paix lors des conflits dans les Balkans, et que le sénateur
suisse est partial en raison de son attitude envers le Kosovo.
« J’ai eu l’occasion de rencontrer Dick Marty au Conseil de
l’Europe. Ce monsieur a toujours soutenu qu’au Kosovo, il n’y avait
pas eu d’exécuteurs ou de victimes, et que l’on ne peut donc pas
admettre que les premiers soient des Serbes et les seconds des Albanais.
C’est ainsi qu’il a défendu les crimes de guerre. Sans jamais tenir
compte du million d’Albanais déplacés, des charniers au Kosovo. Il
serait un avocat parfait pour la cause de la Grande Serbie », a déclaré
Sali Berisha lors de la réunion du gouvernement au cours de laquelle
cette affaire a été évoquée.
Albinfo.ch
Trafic d’organes :
le rapport de Dick Marty secoue la diaspora kosovar en Suisse
Sur la Toile :
Publié dans la presse : 20 décembre 2010
Mise en ligne : vendredi 24 décembre 2010
Le rapport de Dick Marty a provoqué un choc profond au sein de la
communauté albanaise de Suisse. La Conseillère fédérale Micheline
Calmy-Rey, actuelle présidente de la Confédération, qui devait recevoir
le prix « Diaspora » de l’ambassade du Kosovo à Berne, a préféré
« reporter » la cérémonie. Elle assure pourtant que la
Suisse n’envisage pas de revenir sur sa reconnaissance du Kosovo.
Albinfo.ch a enquêté auprès de certains représentants de la communauté.
Ylfete
Fanaj : « Le gouvernement kosovar doit se montrer ouvert et
coopérer »
Selon Ylfete Fanaj, qui représente les jeunes de la deuxième génération
d’origine étrangère en Suisse, le rapport de Dick Marty a bouleversé
la communauté albanophone de Suisse. « Depuis la publication du
rapport de Dick Marty, j’entends chaque jour les inquiétudes de ma
communauté concernant ces accusations non prouvées »,
souligne-t-elle.
Selon elle, le rapport de Dick Marty n’apporterait pas d’éléments
nouveaux au dossier. Cette affaire aurait déjà été discutée
auparavant. Députée socialiste au Parlement du canton de Lucerne, Ylfete
Fanaj encourage le gouvernement kosovar à se montrer ouvert à une coopération
juridique internationale, afin que toute la lumière soit faite sur ces
faits.
Réagissant aux réactions de certains parlementaires suisses prônant
le retrait de la reconnaissance du Kosovo par la Confédération, le
retrait de l’ambassadeur suisse au Kosovo ainsi que le retrait des
soldats suisses, la députée explique qu’il s’agit-là de réactions
dures et précipitées, qui auraient des conséquences inquiétantes pour
les deux pays.
Concernant le refus du « Prix de la Diaspora », elle estime
que la coïncidence entre la remise de ce prix et la parution du rapport
de Dick Marty relève du hasard. Dans cette optique, et à cause du climat
actuel de « turbulence », elle soutient la décision de la
conseillère fédérale Micheline Calmy-Rey de repousser à plus tard une
telle cérémonie.
« La diaspora kosovare ne doit pas avoir l’impression que son
alliée Micheline Calmy-Rey lui tourne le dos. Connaissant Mme Calmy-Rey,
je suis certaine qu’elle continuera à s’engager en faveur du peuple
kosovar », poursuit Ylfete Fanaj.
Hilmi
Gashi : « Le peu d’amis qu’il nous reste en Suisse pourrait
s’éloigner de nous »
Hilmi Gashi, journaliste, acteur politique et fonctionnaire syndical,
postule qu’au nom de la vérité, il serait juste de dire que Dick Marty
présente des preuves qu’il ne possède pas. Selon Hilmi Gashi, ce
dernier a présenté un rapport non concluant qui n’explique pas
grand-chose. Il s’agit d’une énumération d’accusations initiées
par l’une de ses amies, Carla Del Ponte. « Si Dick Marty a des
preuves, il doit les présenter. Il souille l’UÇK ainsi que la lutte de
libération du peuple kosovar avec ces accusations ».
Selon Hilmi Gashi, le gouvernement kosovar a, dans l’ensemble, réagi
avec maturité sur ce cas. « Je ne suis pas persuadé que la menace
d’une plainte à l’encontre de M. Marty soit utile. Cette menace
a été reprise par certains médias qui se sont intéressés aux éventuels
dangers de mort qu’encourrait M. Marty », met en garde Hilmi
Gashi.
Il justifie également le refus « temporaire » de la réception
du prix « Diaspora » par Mme Calmy-Rey. « Je
comprends sa décision. Elle n’aurait guère pu agir autrement, puisque
ses adversaires politiques, Christoph Mörgeli en particulier,
l’attaquent sans cesse. Ce dernier, quelques membres de l’UDC, ainsi
que d’autres partis de droite, l’accusent pour son choix de reconnaître
le Kosovo ».
Hilmi Gashi est surtout inquiet de la publicité donnée au rapport de
Dick Marty par les médias helvétiques. « Même si Dick Marty
n’apporte pas de preuves concrètes, un large relais a été donné à
ses accusations monstrueuses. Le tort fait aux Kosovars, aux Albanais
ainsi qu’aux institutions kosovares est grand. La diaspora souffre également
de ce rapport puisqu’elle doit, une fois de plus, se justifier face à
une opinion qui n’a jamais été amicale envers elle »,
s’indigne le syndicaliste. Il exprime la crainte que « même le
peu d’amis que nous avons en Suisse pourraient s’éloigner de nous,
pour préserver leur image ».
Osman
Osmani : « un plus pour les adversaires de l’indépendance du
Kosovo »
Osman Osmani, militant politique, ancien député dans le canton de
Schaffhouse, actuellement fonctionnaire syndical, voit le zèle de M. Marty
d’un autre angle, celui de son antiaméricanisme et de ses supposées
valeurs humanistes. « Quelles sont ses motivations dans le cas du
Kosovo ? Nous ne pouvons que spéculer à ce sujet. S’agit-il
d’antiaméricanisme, ou de ’valeurs humaines’ », se demande
Osman Osmani, en tentant de trouver une réponse.
« Sur sa page internet, Dick Marty défend le sanguinaire
dictateur Slobodan Milošević ainsi que les mécanismes de l’État
serbe. Si les valeurs humaines ont un sens pour lui, comment devons-nous
interpréter le fait qu’il n’ait jamais levé la voix contre les
massacres et les expulsions massives des Kosovars albanophones,
universellement reconnus, par l’État et les institutions serbes… »
Selon Osman Osmani, cela met en doute le sérieux du personnage. Ses
tentatives sont donc perçues comme tendancieuses et anti-albanaises.
« Je vois le rapport de Dick Marty, dans le contexte actuel, comme
étant une attaque coordonnée des cercles anti-albanais et des
adversaires du processus démocratique au Kosovo, alors que ce dernier était
en voie de démocratisation ».
Selon Osman Osmani, le point le plus important est que ce rapport donne
des « armes » aux adversaires du Kosovo. « Ce rapport
donnera l’opportunité à quelques politiciens connus pour leurs
penchants anti-albanais ainsi qu’aux adversaires de l’indépendance du
Kosovo, de demander la révision de la décision de la Suisse de reconnaître
l’indépendance ».
« Ces personnes n’ont jamais eu de semblables réactions envers
les États dictatoriaux en remettant en cause, par exemple, les relations
officielles entre États. Ces politiciens oublient que les Albanais et les
Suisses ont un avenir commun en Europe. Il ne faut pas oublier que les
Suisses et les Albanais ont également des enfants, des nièces et des
neveux communs », conclut Osman Osmani.
Retrouvez notre dossier :
Trafic
d’organes de l’UCK : « Au Kosovo, tout le monde est au
courant »
Xhemail
Ahmeti : « La suspension provisoire de la réception du
« prix Diaspora », un geste préventif »
Journaliste et rédacteur en chef du journal Fakti Ditor,
Xhemail Ahmeti, en commentant le rapport de Dick Marty, prétend que les
gouvernements des deux pays accusés devraient déposer une plainte pénale
dans le Tessin ainsi qu’à Strasbourg contre Dick Marty et Carla Del
Ponte.
Selon Xhemail Ahmeti, il est inacceptable que ces deux personnalités déstabilisent
de façon continue les politiques extérieures et intérieures d’États
souverains, selon leurs envies et, qui plus est, sans aucune preuve.
« Si ces gouvernements font correctement leur travail, je suis
persuadé qu’ils gagneront le procès », assure Xhemal Ahmeti.
En ce qui concerne la décision de Mme Calmy-Rey de différer la réception
du « prix Diaspora », Xhemal Ahmeti prétend que la présidente
de la Confédération a pris cette décision parce qu’elle se trouve
actuellement soumise à de fortes pressions.
Selon lui, la situation de Mme Calmy-Rey n’est pas directement déterminée
par le rapport de Dick Marty. Elle est en rapport avec la situation
politique intérieure de la Suisse. « Elle connaît bien Carla Del
Ponte ainsi que Dick Marty, et par conséquent, est sûrement au courant
de leurs liens et de leurs buts. Micheline Calmy-Rey a lu le rapport et
sait pertinemment que ces accusations ne sont que des calomnies car Dick
Marty ne prouve rien de ce qu’il avance. Elle sait également que
l’ambassade du Kosovo lui délivre ce prix en notre nom, nous qui vivons
ici, c’est pour cela qu’il se nomme « Diaspora ». Nous
faisons cela en signe de gratitude envers la Suisse pour tout ce qu’elle
a fait pour le Kosovo », déclare Xhemal Ahmeti.
Selon lui, la suspension de la remise du prix est une prévention
contre d’éventuelles attaques politiques. Il se dit convaincu que Mme Calmy-Rey
finira par accepter le « prix Diaspora ».
Jeton
Kryeziu : « Le rapport de Dick Marty est excessivement pauvre
en preuves »
Pour l’avocat Jeton Kryeziu, issu de la deuxième génération de la
diaspora, « le rapport de Dick Marty n’a pas uniquement pour cible
les auteurs présumés du trafic d’organes ou d’autres présumés
crimes, mais met en cause des organisations, des personnalités politiques
et des gouvernements étrangers ». Selon lui, « la principale
critique que l’on peut faire à ce rapport est sa pauvreté excessive en
preuves. En réalité, les accusations contenues dans ce rapport devraient
se baser sur des preuves incontestables telles que des documents, des vidéos,
des photos (comme dans le cas des massacres perpétrés par les forces armées
serbes à Srebrenica ou à Reçak). Ceci est la base de la constitution
d’un dossier pénal à charge ».
Selon lui, le document dont il est question « rappelle et
critique la manière dont l’UÇK s’approvisionnait en armes et en
munitions, ceci dans l’unique but de prouver que l’UÇK a fonctionné
comme une organisation mafieuse. Si je n’avais pas su que ce rapport
provenait de Dick Marty, je l’aurais attribué à des auteurs serbes ».
Il souligne également le manque de preuves. « Le rapport de Dick
Marty fait allusion à des preuves détruites. Pour pouvoir accorder une
crédibilité à ses dires, il faudrait au minimum qu’il cite les
preuves auxquelles il fait référence et qu’il prouve ce qu’elles
confirment. Pour conclure, le rapport de Dick Marty ne me semble pas sérieux ».
En ce qui concerne la position du gouvernement du Kosovo, selon Jeton
Kryeziu, celui-ci « devrait se montrer prudent sur ce rapport et
inviter M. Marty à produire ses éléments de preuves, pour autant
qu’il en ait et, s’il en amène, encourager l’ouverture d’une enquête
approfondie afin d’établir toute la vérité sur ses accusations. Il
faudrait également profiter de cet élan de recherche de culpabilité
pour découvrir le sort des albanophones du Kosovo encore disparus à ce
jour, plus de 10 ans après la fin de la guerre ».
D’après l’avocat Kryeziu, « d’un point de vue juridique,
il faudrait prendre en compte la présomption d’innocence. Si l’enquête
prouve par la suite l’existence de crimes et les met en évidence
d’une manière non contestable, il sera temps, dès lors, pour le
gouvernement kosovar, de revoir ses positions ».
Quant à la réception du « prix de la Diaspora » suspendu
pour l’instant par la conseillère fédérale Micheline Calmy-Rey, Maître
Kryeziu explique : « d’un point de vue politique, je peux
comprendre sa décision, d’autant plus qu’elle est la cible de ses
adversaires politiques qui se feront un plaisir de la critiquer. Par
contre, d’un point de vue strictement juridique, la décision de report
est regrettable. Premièrement, en vertu de la présomption d’innocence
des personnes mises en cause, et deuxièmement, du fait que le prix qui
sera décerné, l’est formellement par la Diaspora. Il s’agit d’une
initiative privée et non étatique - indépendamment de la présence ou
non de l’ambassadeur du Kosovo, Naim Malaj, à la cérémonie ».
Nazmi
Jakurti : « le rapport apparait à un moment délicat pour le
Kosovo »
Nazmi Jakurti , fonctionnaire syndical et médiateur social, se
focalise d’avantage sur les dommages politiques qu’a provoqué le
rapport Marty. « Je pense que le rapport est politiquement motivé
et que ce n’est pas un hasard s’il apparaît dans une période
sensible pour le Kosovo ».
Le rapport, en lui-même, n’apporte rien de nouveau. Il ne fait que répéter
de vieilles accusations lancées par les services secrets serbes et des
extraits du livre de Carla Del Ponte. Cette dernière, en tant
qu’ancienne Procureure générale du tribunal international de la Haie,
aurait lancé le processus d’accusation si elle avait été en
possession des preuves nécessaires ». Outre cela, estime Nazmi
Jakurti, en ce qui concerne ces insinuations, il y a eu diverses enquêtes
menées par des instances nationales et internationales, qui ont toutes
conclu qu’elles étaient sans fondements ».
Nazmi Jakurti appelle les institutions Kosovares à faire preuve de
plus de fermeté pour éclaircir ce problème. Les institutions du Kosovo
doivent insister pour que ce litige se termine une bonne fois pour toute
et que les responsables - si leur culpabilité se confirme - répondent de
leurs actes devant la justice. À l’inverse, si leur culpabilité
n’est pas confirmée, les diffamateurs devraient également être appelés
à comparaître devant la justice. On ne peut pas laisser un peuple entier
ainsi que ses États se faire prendre en otage par ces jeux politiques »,
conclut Nazmi Jakurti.
Il justifie également la suspension de la remise du « prix
Diaspora » par Mme Calmy Rey. « Le décernement du
« prix Diaspora » à Mme Calmy Rey n’a pas de lien avec
le rapport de Dick Marty. Cependant, l’extraordinaire écho médiatique
du rapport Marty a créé un climat politique tendu en Suisse. C’est
pour cette raison que je pense que c’est une décision justifiable du département
des Affaires étrangères que de repousser la remise de ce prix à un
moment plus sereine », estime le médiateur Jukurti.
Selon lui, l’opinion Suisse est très sensible dès qu’il est fait
allusion aux droits humains. Cette sensibilité atteint son « comble »
les jours précédant Noël. C’est pour cette raison que ces accusations
« macabres », telles qu’elles apparaissent dans le rapport
Marty, ont profondément touché la sensibilité humaniste des Suisses.
« Pour la presse tabloïd et certains cercles politiques, ce rapport
tombe donc à pic », conclut Nazmi Jakurti.
Vreme
Trafic d’organes :
Kouchner savait
Traduit par Jovana Papović
Sur la Toile :
Publié dans la presse : 18 décembre 2010
Mise en ligne : mercredi 29 décembre 2010
La tempête soulevée par le rapport de Dick Marty n’est pas près de
retomber, et elle ne concerne pas seulement le rôle d’Hashim Thaçi.
Bernard Kouchner, l’ancien chef de la Minuk, était forcément au courant
des activités criminelles impliquant d’anciens membres de l’UCK, voire
du trafic d’organes lui-même. C’est ce que confirme le capitaine
canadien Stu Kellock, ancien chef de la police de la Minuk.
Par R.S.V.
- « J’ai
une tête à vendre des organes, moi ? »
- Regardez
la vidéo de Bernard Kouchner démentant le trafic d’organes
Bernard Kouchner, l’ancien chef de la Minuk, la mission de l’Onu au
Kosovo a rejeté dans une déclaration à la BBC toutes les accusations qui
pourraient peser sur lui, démentant qu’il aurait « fermé les yeux
sur l’affaire du trafic d’organe au Kosovo au nom de la stabilité
politique »...
« Moi, fermé les yeux !!? Pauvre Dick Marty... Nous nous
battions jour et nuit contre le crime organisé, contre la violence. Toute
notre action était consacrée à la justice. Je dois aussi me défendre. Je
ne sais pas qui est ce Dick Marty, je ne le connais pas personnellement. Il
est envoyé par le Conseil de l’Europe et nous devons le respecter. Je
respecte sa mission, et j’ai lu son rapport avec beaucoup d’attention,
mais je demeure très sceptique », a déclaré Bernard Kouchner.
Il a répété qu’il doutait de l’exactitude des allégations du
rapport de Dick Marty, mais qu’il estimait que c’était maintenant aux
enquêteurs d’Eulex d’enquêter « de manière systématique »
sur les faits allégués par le rapport. Bernard Kouchner a également répété
qu’il avait entendu parler pour la première fois du trafic d’organes
dans le rapport de Carla Del Ponte et qu’l avait été surpris.
Le médecin légiste José Pablo Baryabar, ancien chef du bureau
d’investigation pour les disparus et de la médecine légiste auprès de
la Minuk, a déclaré à ce même sujet à la BBC : « Les
policiers allemands ont trouvé 400 échantillons d’ADN au Kosovo en 1999.
En 2002, j’ai demandé à voir ces échantillons. Les Allemands ont répondu
qu’ils les avaient détruits car le TPI de la Haye les avait autorisé à
le faire ».
Une mission délicate et mal gérée pour Eulex
Dick Marty, au paragraphe 8 de son rapport, met en lumière des indices
de dissimulation de preuves très significatifs : « Ainsi, la
mission Eulex, déployée depuis 2008, a-t-elle hérité d’une situation
très difficile. Les nombreux dossiers sur les crimes de guerres, particulièrement
ceux où les accusés sont des combattants de l’UÇK, ont été laissés
par la Minuk dans un triste état : preuves et témoignages égarés, périodes
creuses beaucoup trop longues entre des enquêtes incomplètes. Les représentants
d’Eulex allaient même jusqu’à partager avec nous, lorsque nous venions
au Kosovo pour des enquêtes ponctuelles, leur crainte de devoir abandonner
un grand nombre d’affaires en cours ».
Dans la note de bas de page qui accompagne cette affirmation, il précise :
« On a appris que certains pays qui ont envoyé des troupes au sein de
la Kfor, comme par exemple la Grande-Bretagne, ont récupéré toute la
documentation, et que celle-ci n’était plus consultable par les enquêteurs
d’Eulex qu’après une demande spécifique à renouveler à chaque cas,
ce qui ralentit considérablement la recherche de la justice ».
On peut aussi lire, toujours dans ce huitième paragraphe : « Quelques-uns
de nos contacts, des représentants de la société civile naissante,
n’ont pas hésité à critiquer Eulex : on s’attendait à ce que la
mission européenne s’attaque aux ’intouchables’, dont le passé plus
que flou était un fait notoire. Malheureusement ces attentes son restées
vaines : il y a eu beaucoup d’annonces et de promesses, mais les résultats
tangibles restent encore à venir. Le cas de Nazim Bllaca, le ’dénonciateur’,
qui a affirmé publiquement avoir éliminé des opposants sous les ordres de
personnes occupant aujourd’hui de hautes fonctions politiques, est
significatif. On a attendu quatre jours avant de l’arrêter et de le
placer sous protection. La manière dont Eulex va traiter cette affaire sera
un bon test pour vérifier jusqu’où cette mission est prête à aller
pour faire triompher la justice » (Lire notre article « Kosovo :
Nazim Bllaca, les confessions du tueur du PDK).
Les États-Unis ont affirmé, par la bouche du porte-parole du Département
d’État, Phillip J. Crowley, qu’ils soutiendraient toutes les enquêtes
des autorités compétentes menées à partir des accusations contenues dans
le rapport de Dick Marty, mais ils annoncent aussi qu’ils continueront
malgré tout à collaborer avec le Premier ministre du Kosovo, Hashim Thaçi,
malgré le rapport qui le met en lien direct avec les crimes.
Retrouvez notre dossier :
Trafic
d’organes de l’UCK : « Au Kosovo, tout le monde est au
courant »
Phillip J. Crowley précise que le rapport ne changera pas les rapports
des USA avec Pristina : « Je ne pense pas que cela va changer
fondamentalement les rapports américano-kosovars. Ceux-ci sont basés sur
des intérêts mutuels, et non sur une personne en particulier ».
Dans le paragraphe 70 de son rapport, Dick Marty fait pourtant
explicitement appel aux Américains : « Hashim Thaçi et les
autres membres du ‘groupe de la Drenica’ sont mentionnés comme étant
des acteurs clés dans les rapports d’informations sur les structures du
crime organisé au Kosovo, à l’image d’une véritable mafia. J’ai étudié
ces divers rapports avec consternation et un sentiment d’insulte morale ».
Dans la note en bas de la page 27, rattachée à ce paragraphe, il précise :
« ces dix dernières années, les services de renseignements de
plusieurs pays occidentaux, y compris le Bureau Fédéral d’Investigation
(FBI) des États-Unis, ainsi que plusieurs analystes de divers nationalités
qui travaillent au sein des structures de l’Otan ont préparé des
rapports lourds d’accusations, étayés par des faits, basés sur des
sources fiables, sur toutes les activités illégales de ce fameux ‘groupe
de Drenica’. »
Les « confessions » de Stu Kellock, ancien chef de la
police de la MINUK
L’ancien chef du Département de police de la Minuk en 2000 et 2001, le
capitaine canadien Stu Kellock, affirme dans une interview publiée sur le
site internet de la télévision nationale serbe www.rst.rs
que des rumeurs circulaient sur un trafic d’organes mais qu’il n’avait
pas assez d’hommes pour les vérifier, et qu’il est impossible que le
chef de la mission des Nations Unies de l’époque, Bernard Kouchner,
n’ait pas été mis au courant des ces aspects de la criminalité organisée
au Kosovo.
« Je ne peux pas affirmer que Kouchner connaissait le trafic
d’organe, mais il est impossible qu’il n’ait pas eu d’informations
sur le crime organisé au Kosovo. Le commissaire de police l’informait régulièrement,
et les médias lui posaient de nombreuses questions à ce sujet ».
« J’étais tout à fait conscient de qui était monsieur Thaçi
et de l’influence qu’il avait. Cependant, dans les cercles ou j’exerçais
mon travail, toute critique à son égard ou à l’égard de ses
collaborateurs était immédiatement rejetée. J’ai été témoin de la
montée au pouvoir des nouveaux hommes d’État. Il était parfaitement
clair que Thaçi avait été choisi et qu’il ne serait jamais mis en
accusation pour ses activités criminelles. Pourtant, il avait une influence
directe sur la collecte des impôts, le trafic de drogue, de femmes,
d’armes et la contrebande en tout genre. »
« Il y a même eu une fusillade, lorsqu’un des agents de la sécurité
de la Minuk à été tué et qu’un million de deutschmarks ont été volés.
Personne n’a été capable de nous expliquer comment et pourquoi un
million de marks en espèces se trouvait dans l’hôpital de Pristina. »
« Je me souviens qu’on a expliqué aux autorités de police que
l’arrestation de Sabit Geci - un des fondateurs de l’UÇK, proche
collaborateur de Hashim Thaçi, qui a été condamné en 2001 à cinq ans de
prison pour extorsion de fonds - provoquerait des réactions au sein de la
population locale. De mon côté, on m’a clairement fait comprendre que
Sabit Geci serait libre dès le lendemain de son arrestation. Il n’en a
pas été ainsi, et j’ai tout fait pour que cela ne se produise pas. Je ne
sais pas si l’on cherchait à m’intimider avec ces menaces. À l’époque,
je n’étais pas vraiment conscient des enjeux. Tout le monde savait qui était
Sabit Geci et qui étaient ses collaborateurs ».
Stu Kellock poursuit ses confessions. « A Tropojë, on a été
accueillis par le chef de la police et quelques-uns des ses hommes. Il nous
a dit qu’il venait tout juste d’abattre un homme qui se trouvait en détention
pour nous montrer qu’il contrôlait la situation ». Selon ses dires,
il était clair que les frontières vers l’Albanie étaient contrôlées
par d’anciens membres de l’UÇK et que passaient par là, sans aucun
problème, de l’héroïne d’Afghanistan, de l’essence, des femmes, des
armes et d’autres choses encore. « Je me souviens qu’on essayait
de négocier avec ce chef de la police, qui était assis en bout de table
comme une sorte de dictateur. Il était visiblement déçu de voir qu’on
ne lui avait pas amené de cadeau. À la fin, on a réussi à récupérer
quelques voitures qui se trouvaient sur le parking de la police, et à nous
assurer des chemins que prenaient les trafics ».