Monténégro
l
|
© Tous droits réservés
Monitor
© Le Courrier des Balkans pour la traduction
http://www.balkans.eu.org/article3049.html
Publié dans la presse : 8 mai 2003
Mise en ligne : vendredi 9 mai 2003
Officiellement, les trois candidats qui se présentent dimanche aux suffrages des électeurs monténégrins partagent tous une option souverainiste. Cela ne veut pas dire pour autant que le Monténégro se rapproche de l'indépendance. Un bien paradoxal scrutin se dessine donc !
Par Drasko Djuranovic
Filip Vujanovic, Miodrag Zivkovic ou Dragan Hajdukovic ? Jusqu'à la clôture des bureaux de vote, dimanche 11 mai, tous les trois ont une chance théorique de l'emporter. Cependant, Miodrag Zivkovic, n'a pas obtenu un soutien direct de la coalition « Ensemble pour les changements » et aucun parti ne soutient officiellement Hajdukovic. Seul Filip Vujanovic dispose d'un large réseau de soutien par son parti, nécessaire à la victoire électorale. À dire la vérité, un échec de Vujanovic serait une suprise pour tous.
Ces élections présidentielles sont plus étranges que toutes les élections précédentes. En effet, la victoire attendue de Vujanovic sera avant tout dûe à ses opposants. Le groupe d'opposition le plus important, la coalition de Bulatovic, n'a pas trouvé de candidat en dépit de longs débats. La coalition « Ensemble pour les changements » a ainsi créé un style nouveau, inconnu de la théorie comme de la pratique politique : lutter pour le pouvoir en s'abstenant à toutes les élections !
Bulatovic et compagnie ont de nouveau démontré leur incapacité, et il est devenu clair que les actuels dirigeants monténégrins n'ont rien à craindre tant que ces derniers représentent l'opposition la plus importante.
L'abstention des partis pro-serbes pour ces élections présidentielles a créé une situation absurde : les trois candidats Vujanovic, Zivkovic et Hajdukovic sont d'orientation indépendantiste. Autrement dit, tous les habitants du Monténégro qui préfèrent rester dans un État commun demeurent sans représentant et, par conséquent, sans possibilité de choisir.
Cela nous rapproche-t-il de l'indépendance du Monténégro, retardée de trois ans, ou cela ne représente-t-il qu'une nouvelle micro-aventure politique ? Pour y répondre, regardons un peu ce que nous proposent les trois candidats.
Filip Vujanovic, l'un des fondateurs du nouveau DPS, tourné vers le Monténégro, est en même temps l'un des signataires des Accords de Belgrade qui obligent le Monténégro à retarder son référendum. Le souverainiste Vujanovic demande aux électeurs de croire qu'il ne changera pas encore d'attitude comme il l'a fait jusqu'à maintenant et qu'il organisera le référendum dans les trois ans. Un référendum qui a déjà été remis à plus tard grâce à son engagement ! De plus, Vujanovic estime que la plupart des partisans de la coalition « Ensemble pour les changements » voteront pour lui. Quel esprit de suite !
D'autre part, le libéral Miodrag Zivkovic, le représentant du véritable parti souverainiste, a fait des calculs un peu étonnants. Il espère gagner grâce aux voix des partisans de la coalition « ensemble pour les changements », en plus de celles des électeurs habituels du parti libéral et de celles de « tous les citoyens honnêtes ». Le souverainiste Zivkovic compte ainsi sur les voix des unitaristes pour gagner les élections. Comme Vujanovic, il va donc tromper une partie de ses électeurs : l'idée de l'indépendance ou bien les électeurs de la coalition pro-serbe qui voteraient pour lui.
Finalement, le troisième candidat, Dragan Hajdukovic, se présente comme un outsider, sans l'appui d'un parti et sans mener campagne sur le territoire. Dans ses présentations télévisées, il apparaît plus détendu et plus sincère que Vujanovic et que Zivkovic. Mais faut-il le croire quand il promet aux Monténégrins une indépendence certaine, alors que lui-même habite en Suisse ?
La querelle des candidats souverainistes prouve l'intolérance qui règne entre les représentants de la même option politique. Ce n'est pas une nouveauté, c'est déjà une tradition. Depuis 1997 et son changement de stratégie, le DPS de Djukanovic combat les Libéraux avec la même violence que les partis pro-serbes, anciens alliés de Milosevic. Pour ce qui les concerne, les Libéraux ont facilement trouvé un langage commun avec les partis pro-serbes, mais ils ont toujours posé au DPS et au SDP des conditions de coopération un peu étranges. Les deux partis souverainistes que sont le LSCG et le SDP ne se sont jamais coalisés entre eux, durant leurs treize années d'existence. Faut-il prouver encore que le bloc souverainiste n'existe pas et qu'il n'a jamais existé ?
Le plus grand paradoxe de ces élections présidentielles est que la rhétorique souverainiste des trois candidats ne garantit pas que nous nous rapprocherons de l'indépendance. Au contraire, un Monténégro divisé, sans un bloc souverainiste, n'a aucune chance de résister aux pressions de Bruxelles et de Belgrade. Il ne sera pas capable de protéger ses propres intérêts, ni aujourd'hui ni dans trois ans.