Paris, mercredi 21 avril 1999
Quatrième allocution télévisée du Président Jacques Chirac sur le Kosovo
Mes chers compatriotes,
La semaine dernière, les 15 chefs d'Etat et de gouvernement de l'Union européenne se réunissaient à Bruxelles. Ils ont pris, à l'unanimité, une position commune sur la crise du Kosovo: approbation de l'action engagée par l'OTAN, détermination à conduire cette action jusqu'à son terme, recherche d'une sortie politique de la crise assurant durablement la stabilité de la région dans le respect des droits de l'homme et des règles de la démocratie.
Après-demain, ce sont les 19 pays de l'Alliance atlantique, européens, américains, qui se réuniront à Washington, et je voudrais vous dire dans quel esprit j'aborde ce sommet.
Quel est notre objectif?
Je le répète : arrêter la répression et obtenir le retrait des forces serbes du Kosovo, assurer le retour des réfugiés, trouver les voies d'un accord politique permettant la reconstruction de la province et comprenant une garantie internationale de sécurité pour tous ses habitants. La France, bien entendu, participera, le moment venu, à la mise en oeuvre de cette force de protection et de paix.
Pour atteindre cet objectif, nous avons choisi, vous le savez, d'exercer une pression croissante sur les forces serbes en utilisant les frappes aériennes parce qu'elles sont les plus précises et qu'elles limitent les risques pour les populations. Aujourd'hui nous avons réduit fortement la mobilité des forces serbes, nous les empêchons de se concentrer et nous les coupons progressivement de leur ravitaillement et de leurs bases.
Et pourtant, le régime de Belgrade s'entête. Il provoque, il poursuit sa terrible politique d'épuration ethnique. Massacres, viols, pillages, villages incendiés, familles séparées et jetées sur les routes. Voilà l'action des autorités serbes. Voilà ce qui doit cesser.
Nous devons donc intensifier encore ces frappes, mettre en oeuvre des moyens supplémentaires et attaquer des objectifs de plus en plus diversifiés dont la destruction pèsera de plus en plus lourdement sur l'action des forces et sur le fonctionnement du régime serbe.
Voilà la position que je prendrais à Washington.
Je proposerai aussi de mieux aider les pays voisins qui subissent de plein fouet les effets de ce drame. L'Union européenne a déjà décidé une aide économique et humanitaire considérable. Au Sommet, nous rencontrerons les chefs d'Etat de ces pays pour examiner, dans un esprit de solidarité, leurs problèmes de sécurité. Je pense en particulier à la Macédoine et à l'Albanie.
Ces deux pays, et le Monténégro, portent tout le poids de l'accueil de 600.000 réfugiés kosovars chassés de leurs foyers par les forces serbes. L'aide de la communauté internationale, celle des Européens pour l'essentiel, leur permet aujourd'hui de mieux faire face à la poursuite de cet exode. De soulager les souffrances des populations déportées. Nous devons accentuer notre effort et je veux encore souligner le rôle exemplaire joué par nos associations humanitaires. J'ai tenu à les rencontrer, à l'Elysée, pour voir avec elles et avec le gouvernement comment l'Etat, et d'abord nos soldats, pouvaient leur apporter appui et assistance sur le terrain.
Et je veux aussi remercier à nouveau les Français pour leur générosité et en particulier les familles qui ont proposé d'accueillir dans leurs foyers des réfugiés kosovars.
Quant aux populations qui se trouvent encore au Kosovo, elles sont en grave danger et nous cherchons tous les moyens, je dis bien tous les moyens, permettant de les aider. Je rappelle aux autorités serbes qu'elles sont responsables de leur sort et qu'elles devront rendre des comptes.
Enfin il est indispensable que l'Union européenne joue tout son rôle dans le règlement politique d'une crise qui se déroule à ses portes. Dans cet esprit, avec le Premier ministre, j'ai proposé que l'Union européenne se voie confier par l'ONU, lorsque la paix sera rétablie, la responsabilité d'administrer provisoirement le Kosovo.
Cette proposition, qui ouvre une perspective d'avenir, a été adoptée à l'unanimité par les chefs d'Etat et de gouvernement lors du dernier Conseil européen. Ainsi, à l'initiative de notre pays, et pour la première fois, I'Union européenne est prête à assumer ses responsabilités dans le règlement d'une crise majeure. On a trop reproché à l'Europe sa faiblesse dans ce domaine pour ne pas saluer cette détermination nouvelle.
Dans le même esprit, je rappellerai à Washington que l'Europe doit mieux exercer ses responsabilités de défense, au sein comme en dehors de l'Alliance. De premiers progrès ont été enregistrés, sur la base de nos propositions, avec le plein appui de la Grande-Bretagne et de l'Allemagne. Il faut aujourd'hui accélérer le mouvement.
Mes Chers Compatriotes,
Ce que nous vivons, vous le savez, c'est l'affrontement entre la barbarie et la démocratie. C'est un vrai combat pour la paix et pour les droits de l'homme sur notre continent. C'est le combat de l'honneur. Nous devons le mener jusqu'à son terme, et nous devons le gagner.
Jacques CHIRAC