Salonique, 6 octobre 1999

COLLOQUE FRANCO-GREC CONFERENCE DE PRESSE DU MINISTRE DES AFFAIRES ETRANGERES, M. HUBERT VEDRINE -EXTRAIT-

Je suis très heureux du succès et du caractère fécond et concret de ce séminaire. Je le dis après avoir entendu les conclusions, cela démontre l'intérêt qu'il y a pour la Grèce et la France à travailler ensemble sur cette question du sud-est de l'Europe, cela démontre que nous avons beaucoup à apprendre les uns des autres, que nous pouvons élaborer ensemble des conclusions, des propositions, des suggestions qui seront très utiles aux Quinze de l'Union européenne, Ce sera aussi très utile pour les responsables du Pacte de stabilité, cela démontre l'intérêt qu'il y a pour deux pays qui sont très engagés ensemble dans la politique européenne et qui seront constamment et dans des contextes plus formels ou dans des réunions multilatérales où il faut décider. Cela démontre l'utilité de ce séminaire qui rassemble des intellectuels, des experts, des diplomates des responsables pour faire ce travail de réflexion et de prospective, et en même temps, une prospective très encrée dans la réalité du moment.

Je suis donc vraiment très satisfait de cette formule du travail et je redis ici, devant la presse ce que je disais il y a quelques instants, je souhaite qu'on leur donne une suite concrète à l'intérieur du travail diplomatique européen, et je souhaite par ailleurs que nous continuons à travailler entre Grecs et Français sur d'autres sujets d'intérêts communs et il n'en manque pas. Même s'il nous paraissait évident qu'il fallait commencer par les Balkans, par ce que l'on appelle aujourd'hui le sud-est de l'Europe, puisque c'est un sujet "chaud", qui va nous occuper encore longtemps et sur lequel nous devons être présents, très engagés, très patient, persévérant car les problèmes ne vont pas se régler du jour au lendemain. Il y a un travail de démocratisation, de sécurité, un travail de stabilité des frontières, un travail d'évolution des mentalités, une coopération entre les uns et les autres ; mais il faut créer avant tout un climat de tolérance, nous savons tous que c'est une tâche gigantesque, mais nous y sommes engagés, et ce séminaire de Salonique est une bonne étape à la fois sur le plan intellectuel et sur le plan diplomatique.

Maintenant, je suis prêt à répondre à d'éventuelles questions.

Q - Compte tenues des relations privilégiées qui existent entre la Grèce et la France, j'aimerai savoir quelle est votre analyse quand à la robustesse du régime serbe actuel et quand aux chances de succès de contestations démocratiques. Et au-delà de ce diagnostic, j'aimerai savoir si vous considérez comme légitime le pouvoir en place ?

J'aimerai vous demander s'il y a une souveraineté en Yougoslavie, au Kosovo, comment cette souveraineté est-elle exercée, et si votre pays est décidé à aider à l'exercice de cette souveraineté. Comme vous le voyez, il y a un certain retrait de la Yougoslavie au Kosovo ?

R - Ma réponse est très simple, elle est contenue dans la résolution 1244 qui est la loi qui s'applique à tous les pays membres des Nations unies. C'est la source de la légalité internationale qui a confirmé la souveraineté yougoslave sur le Kosovo. Compte tenu de ce qui s'est passé, que chacun connaît très bien ici, nous avons décidé de confier cette souveraineté au Secrétaire général des Nations Unies qui a délégué ses responsabilités à un représentant spécial qui dirige sur place la MINUK. Il n'y a aucune ambiguïté sur ce point et cette situation est la conséquence directe de la politique menée par les autorités de Belgrade depuis dix ans, plus particulièrement depuis un an ou deux, s'agissant du Kosovo.

Ce que font la MINUK d'une part et la KFOR au Kosovo c'est de mettre en oeuvre cette politique, de rétablir et de reconstruire la sécurité au Kosovo, de rétablir les conditions d'une coexistence entre les différentes communautés et de donner une consistance à l'autonomie, puisque c'est le parti qui a été adopté par le Conseil de sécurité. Tout le reste n'est que spéculations. Il y a déjà assez de travail pour atteindre cet objectif.

Q - (...)

R - Je suis tout à fait d'accord avec cette réponse. L'objectif d'une Yougoslavie démocratique mais aussi pacifique, ayant renoncé à cette forme de nationalisme qui a produit tant de conséquences tragiques depuis des années pour de nombreux peuples de la région, y compris le peuple serbe, voilà notre objectif pour une Yougoslavie différente. Mais, ce n'est pas possible avec ce régime et ce n'est pas possible avec ces dirigeants qui sont responsables de tout ce qui s'est passé et qui sont responsables de cette situation de blocage actuelle. Tous les pays d'Europe, sans parler d'autres pays qui adressent le même message aux forces d'oppositions démocratiques en Yougoslavie en les incitant à adopter ensemble une plate-forme dans laquelle l'opinion yougoslave pourrait trouver le commencement d'une réponse à cette situation.

Nous avons dit et redit qu'il y avait, dans l'Europe de demain, une place pour la Yougoslavie et en quelque sorte cette place lui est réservée mais à condition qu'elle réussisse cette mutation dont nous avons parlé. Je crois que les pays d'Europe sont très cohérents convergeant dans cette politique.

(...)

Q - (...)

R - Concernant la Serbie, je voudrais dire que mon pays est favorable à une action humanitaire par rapport à la Yougoslavie qui puisse englober des actions dans le domaine de l'énergie et du chômage compte tenu du climat de la situation avant l'hiver, cela nous paraît indispensable, cela nous paraît compatible avec les décisions que nous avons prises, nous en avons parlé avec de nombreux leaders de l'opposition en Serbie, et nous avons acquit la conviction que cette attitude humanitaire ouverte ne profiterait pas au régime mais, profiterait tout simplement à la société serbe qui a déjà beaucoup souffert; C'est le premier point, je voudrais ajouter une deuxième chose qui n'a pas de rapport avec les sanctions, mais elle est importante régionalement, c'est la question du Danube. L'affaire du Danube devient très sérieuse le Danube est obstrué, la circulation y est impossible comme vous le savez et c'est une question d'importance régionale qui ne concerne pas simplement la Yougoslavie mais qui concerne une dizaine de pays. Nous estimons que la liberté de circulation sur le Danube doit être rétablie et nous estimons que personne ne devrait s'y opposer. Les deux points sont distinctes, ce n'est pas une question qui relève de la problématique des sanctions mais qui relève d'une décision politique plus large qui rejoint d'ailleurs ce dont nous avons parlé : le sud-est- de l'Europe, le Pacte de stabilité etc.... .

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