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Ministère des Affaires Etrangères

Paris - 18 août 1999

LE ROLE DE LA FRANCE DANS LA CRISE DU KOSOVO

Depuis les prémices de la crise du Kosovo, la France a poursuivi avec la même constance :

- un objectif de fond : le règlement politique de la question du Kosovo, à travers un statut d'autonomie substantielle au sein de la République fédérale de Yougoslavie ;

- une exigence de méthode : la cohésion du groupe de contact, associant notamment la Russie ; la légitimation par le Conseil de Sécurité de l'ONU ; le recours à toutes les formes de pressions, y compris les pressions militaires de l'OTAN.

A chaque étape de la crise, la France a été fidèle à ses objectifs et à sa méthode.

 

1/ Nos efforts pour régler préventivement la question du Kosovo.

En 1989, le pouvoir de Belgrade supprime le large statut d'autonomie dont jouissait jusque-là cette province au sein de la Yougoslavie et de la Serbie. Les tensions se sont dès lors avivées entre la très grande majorité albanophone de la population du Kosovo et le pouvoir de Belgrade.

En 1997, les troubles en Albanie entraînent une multiplication des trafics d'armes vers l'UCK, l'Armée de libération du Kosovo qui s'est créée en 1996. La multiplication des actes de terrorisme et l'accentuation de la répression serbe enclenchent le cycle de la violence.

C'est pour désamorcer cette situation explosive que MM. Védrine et Kinkel écrivent au Président Milosevic, le 19 novembre 1997, pour lui demander d'établir un statut spécial pour le Kosovo. Cette lettre, dont M. Védrine remet le lendemain une copie à Ibrahim Rugova, leader modéré des Kossovars, reste sans réponse.

 

2/ La France, acteur déterminant de la réaction homogène du Groupe de contact aux premières violences.

Dès que les premières violences éclatent au Kosovo, à la fin février et au début mars 1998, le Groupe de contact se saisit de la question. Une réunion ministérielle décide à Londres, le 9 mars, les premières sanctions à l'encontre de Belgrade et lance un ultimatum au Président Milosevic. L'embargo sur les armes est confirmé par la résolution 1160 du Conseil de Sécurité de l'ONU (31 mars). Hubert Védrine et Klaus Kinkel se rendent à Belgrade, le 19 mars, pour recueillir les réactions du Président yougoslave, et obtiennent le libre accès des organisations humanitaires au Kosovo et la nomination d'un représentant fédéral aux pourparlers avec les Albanais du Kosovo.

Malgré des évolutions positives (comme un accord d'application de l'accord sur l'éducation de 1996, qui permet la restitution de trois facultés aux Albanais), les incidents se multiplient et S. Milosevic fait ratifier, par un referendum le 24 avril, son refus de toute médiation internationale au Kosovo. Le groupe de contact décide par conséquent un gel des fonds des gouvernements serbe et yougoslave (29 avril).

Une première rencontre Milosevic-Rugova (15 mai) laisse espérer l'amorce d'un dialogue politique, mais le lancement d'une vaste offensive serbe au Kosovo à la fin du mois de mai compromet ces espoirs. De nouvelles sanctions (gel des investissements en Serbie, embargo aérien) sont décidées par le Conseil affaires générales du 8 juin, par le Groupe de contact ministériel de Londres (12 juin), et par le Conseil européen de Cardiff (15 juin).

 

3/ La France propose d'utiliser la menace du recours à la force en appui à la diplomatie.

Les autorités françaises se résolvent à utiliser les moyens de pression militaires pour contraindre les autorités de Belgrade à accepter un règlement politique de la crise. La position française rejoint alors la position américaine, se distinguant cependant par le souci de faire prévaloir, dans la planification militaire, les principes de progressivité (pour rendre crédible le recours à la menace) et de contrôle politique, et d'inscrire l'action de l'OTAN dans la stratégie de la communauté internationale. Les ministres des affaires étrangères de l'OTAN, réunis le 28 mai à Bruxelles, puis les ministres de la défense, réunis les 11-12 juin, lancent les travaux en ce sens.

En même temps, la France entend préserver les prérogatives du Conseil de Sécurité des Nations Unies. Elle présente en juillet un projet de résolution du Conseil de Sécurité, qui aboutit au vote de la résolution 1199 le 24 septembre à New-York, sous l'empire du chapitre VII de la Charte. Une réunion ministérielle du groupe de contact, présidée par M. Védrine à New-York, décide d'accentuer la pression sur Belgrade.

L'offensive des forces serbes au Kosovo, à partir de la fin juillet, confirme nos craintes et nos analyses. Il y a bientôt plusieurs centaines de milliers de personnes déplacées dans la province. La France est à l'avant-garde de l'action humanitaire en présentant par exemple, en coopération avec l'Allemagne, un projet de retour des réfugiés à Orahovac.

Le 13 octobre, M. Holbrooke, envoyé américain, mandaté par le groupe de contact ministériel réuni à Londres le 8 octobre et appuyé par la décision du Conseil Atlantique d'autoriser le Secrétaire général à lancer les frappes sur la Yougoslavie, obtient l'accord de Milosevic pour la limitation des effectifs des forces yougoslaves et pour le déploiement d'une mission de vérificateurs de l'OSCE au Kosovo. Ces accords sont entérinés par le groupe de contact, lors d'une réunion ministérielle présidée par M. Védrine à Paris, et par le Conseil de Sécurité (résolution 1203, votée le 24 octobre sous chapitre VII). La France obtient le poste de numéro deux de la MVK, qui est occupé par M. Keller.

Les travaux sur le projet de statut du Kosovo, commencés au niveau des experts du groupe de contact en juillet, s'intensifient. M. Hill, l'envoyé américain, M. Petritsch, l'envoyé européen, et M. Huntzinger, l'envoyé spécial de M. Védrine depuis le mois d'août, font plusieurs navettes entre Belgrade et Pristina. Le groupe de contact, réuni à Paris au niveau des directeurs politiques le 10 décembre, approuve un projet de statut qu'il envisage de faire discuter directement par les parties.

 

4/ Rambouillet : dernier forcing diplomatique.

La situation sur le terrain se dégrade rapidement durant l'hiver, les opérations de répression serbe répondant aux provocations de l'UCK et réciproquement. Le 15 janvier, les corps de 30 Albanais du Kosovo sont retrouvés à Racak.

Le Ministre, comme il l'avait envisagé au printemps puis à nouveau à l'été 1997, propose au Président de la République et au Premier ministre un forcing diplomatique en réunissant les parties dans un lieu confiné : ce sera le Château de Rambouillet, proposé par la France. Le groupe de contact entérine ce choix lors de la réunion ministérielle de Londres (29 janvier), et décide de convoquer les parties dans un délai d'une semaine, en leur laissant un délai d'une semaine renouvelable pour conclure les négociations.

La réunion de Rambouillet est solennellement ouverte par le Président de la République le 6 février. La délégation serbe est présidée par M. Sainovic, Vice Premier ministre yougoslave. La délégation kossovare est représentée par quatre personnalités, dont M. Rugova et M. Thaci, le chef de l'UCK. Trois médiateurs (M. Hill, l'Américain ; M. Maïorski, le Russe ; M. Petritsch, l'Européen) font la liaison entre les parties qui ne se parlent pas directement. La conférence est placée sous coprésidence franco-britannique. MM. Cook et Védrine font régulièrement le voyage à Rambouillet pour rencontrer les médiateurs et les parties.

Le 14 février, les ministres du groupe de contact réunis à Paris décident de laisser une nouvelle semaine de négociations aux parties. Le 20 février, ils prolongent ce délai de trois jours. Le 23, ils enregistrent l'accord de principe des parties sur le cadre politique de l'autonomie substantielle et décident de convoquer une réunion pour finaliser l'accord avec son volet mise en oeuvre.

Malgré d'intenses pressions diplomatiques (nombreux messages de MM. Cook et Védrine à Milosevic), la partie serbe se montre fermée lors de la conférence qui s'ouvre à Paris le 15 mars. Elle entend rouvrir le volet politique des accords de Rambouillet et refuse d'en discuter la mise en oeuvre. Le 18 mars, les accords de Rambouillet sont signés en l'état par la seule partie kossovare. Le 19, les coprésidents ajournent la conférence de Paris. Une mission de la dernière chance de M. Holbrooke à Belgrade (22-23 mars) n'aboutit à aucun résultat.

Dès lors, le recours à la force devient inéluctable. Le Secrétaire général de l'OTAN, M. Solana, après avoir recueilli l'accord des Alliés, instruit le Général Clark, commandant suprême des forces alliées en Europe, de lancer les frappes aériennes. Celles-ci commencent le 24 mars.

 

5/ La diplomatie en appui à l'action militaire.

La France participe sans réserve à l'action militaire : elle réalisera 10% de l'ensemble des sorties aériennes, et même 13% des missions offensives, et 20% des missions de reconnaissance. Elle veillera cependant à exercer de façon rigoureuse un contrôle politique sur le choix des cibles retenues, en particulier celles situées au Monténégro ou concernant des sites sensibles (ponts, centrales électriques, lieux symboliques du pouvoir). L'action militaire vise en effet selon nous à affaiblir la capacité répressive du pouvoir de Belgrade.

La France complète sa détermination dans l'action militaire et dans la stratégie choisie (les frappes aériennes) par une égale détermination à obtenir un règlement diplomatique impliquant la Russie et le Conseil de Sécurité de l'ONU. Lorsque la Russie propose la tenue d'une réunion ministérielle du groupe de contact (25 mars), puis du G8 (1er avril), elle réagit à chaque fois favorablement à ces initiatives.

Lorsque le Président yougoslave proclame un cessez-le-feu unilatéral de ses forces au Kosovo (6 avril), le Ministre propose à ses collègues de l'Alliance membres du groupe de contact de formaliser les cinq conditions qui permettront selon nous l'arrêt des frappes : l'arrêt de la répression, le retrait des troupes, l'acceptation du retour des réfugiés, le lancement d'un processus politique sur la base des accords de Rambouillet, une garantie de sécurité internationale. Ces conditions sont reprises par le Secrétaire général de l'ONU, le 9 avril, et avalisées par le Conseil Atlantique réuni au niveau ministériel à Bruxelles, le 12 .

Alors que l'Alliance persévère dans sa stratégie aérienne (confirmée au Sommet de Washington, 23-25 avril), le travail diplomatique avec la Russie se poursuit. Une première réunion du G8 au niveau des directeurs politiques se tient le 9 avril à Dresde. La nomination de M. Tchernomyrdine comme envoyé spécial du Président Eltsine pour le Kosovo (15 avril) accélère les choses. Préparée par une réunion des directeurs politiques, une réunion des ministres des Affaires étrangères du G8, à Bonn Petersberg, aboutit le 6 mai à la définition des sept principes d'une solution politique, qui reprennent en fait les conditions de l'OTAN.

Durant le mois de mai, les consultations s'intensifient entre M. Tchernomyrdine, M. Talbott, le Secrétaire d'Etat adjoint américain, et M. Ahtisaari, le Président finlandais habilité par les Quinze, le 17 mai, à travailler au nom de l'Union européenne. Le 2 juin, un plan explicitant les principes du G8 est présenté par MM. Ahtisaari et Tchernomyrdine à M. Milosevic. La Yougoslavie accepte le plan après l'accord donné par le Parlement serbe.

Comme la France l'a plaidé avec constance auprès de ses alliés, la résolution est le point cardinal autour duquel doivent se nouer tous les éléments du règlement politique, notamment l'acceptation des conditions par Milosevic et la suspension des frappes. Les 7 et 8 juin, les ministres des Affaires étrangères négocient et mettent au point un projet final de résolution du Conseil de Sécurité, que les directeurs politiques du G8 ont commencé à élaborer dès le 21 mai.

Conformément à l'idée de synchronisation proposée par M. Védrine à ses homologues, les différents éléments du règlement s'enchaînent de façon simultanée, après la signature de l'accord militaire technique de retrait entre l'OTAN et les militaires yougoslaves (soirée du 9 juin), dans la journée du 10 : constatation d'un début de retrait yougoslave, suspension des frappes ordonnée par le Secrétaire général de l'OTAN, vote de la résolution 1244 du Conseil de Sécurité, autorisation par le Conseil atlantique du déploiement de la KFOR. Les troupes de l'OTAN entrent au Kosovo à l'aube du 12, les troupes serbes achèvent de se retirer le 20 (ce qui permet à M. Solana d'annoncer formellement l'arrêt des frappes), et l'UCK prend le 21 un engagement de démilitarisation.

Les objectifs militaires et diplomatiques de la France et de ses alliés ont été atteints. La nomination de M. Bernard Kouchner comme Représentant spécial du Secrétaire général de l'ONU, chargé de diriger la mission des Nations Unies au Kosovo, couronne les efforts de la France pour faire jouer à l'Union européenne un rôle capital dans l'administration et la reconstruction du Kosovo.

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