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Spécial Monténégro
Elections législatives du 20/10/2002
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Population : 662 195 habitants
(Monténégrins, 61,8%, Musulmans, 14,5%, Serbes, 9,3%, Albanais, 6,5%,
Croates, 1%)
Electeurs : 455 791
Les Albanais ont quatre sièges réservés au sein du Parlement, qui comptera 75 députés.
Le parlement du Monténégro a été dissous, le 18 juillet 2002, ouvrant la voie à des élections législatives anticipées qui ont été convoquées pour le 20 octobre afin de résoudre la crise politique née de l'adhésion du président monténégrin Milo Djukanovic à l'accord sur la transformation de la Yougoslavie en un Etat commun de Serbie-Monténégro.
L'interruption du mandat à l'actuelle législature a été votée jeudi soir par 39 députés (sur 77), appartenant à la coalition "unionistes" récemment créée par la formation pro-serbe, le Parti socialiste populaire (SNP, opposition et qui a pour président Predrag Bulatovic) et l'Alliance libérale (LSCG). En s'associant avec les libéraux, le SNP, seul parti monténégrin représenté au parlement yougoslave, a ravi au Parti démocratique des socialistes (PDS) de M. Djukanovic le contrôle du parlement monténégrin, issu des élections du 22 avril 2001.
Selon les sondages du 10 septembre, "La liste démocratique pour un Monténégro européen" (bloc politique composé de la coalition DPS-SPD et de L'Entente populaire et du Parti civique) de Milo Djukanovic recueillerait 30,30 % des votes contre 25,60 % pour son rival pro-Belgrade, "l'union pour la Yougoslavie". L'alliance libérale est crédité de 4,70 %.
Soixante-quinze sièges de député sont à pourvoir. Les 455.000 électeurs monténégrins sont appelés aux urnes pour des élections législatives dont le principal enjeu est l'avenir des liens qui unissent la petite république à la Serbie.
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Publié dans la presse : 17 octobre 2002
Mise en ligne : vendredi 18 octobre 2002
Sur la Toile
http://www.monitor.cg.yu/
Sept coalitions et trois partis sont en compétition pour attirer les voix des électeurs. Les résultats seront connus dans la nuit de dimanche à lundi. Les autres conséquences pourraient, elles, être beaucoup plus longues à se révéler.
Par Milos Pavicevic
Les citoyens du Monténégro éliront pour la sixième fois, dimanche 20 octobre, les députés du Parlement de la République.
Les premières élections parlementaires, qui ont lieu à la fin de l'année 1990, ont marqué la fin du système de parti unique du socialisme autogestionnaire. Moins de deux ans plus tard, les néo-communistes rénovés avaient bétonné leur pouvoir. Les élections de 1996 ont été marquées du sceau de la victoire absolue du Parti démocratique des socialistes (DPS), avatar de l'ancienne Ligue des communistes de Yougoslavie. Ces élections ont vu l'(in)attendue déroute des Libéraux et du Parti populaire, réunis sous le signe de "l'entente populaire".
Avec une ligne anti-Milosevic, le DPS, le Parti social-démocrate (SDP) et le Parti populaire (NS) ont confirmé leur pouvoir aux élections de mai 1998. Quand cette coalition a cessé de fonctionner, il a fallu convoquer les législatives anticipées d'avril 2001. On considérait que les vainqueurs de l'élection allaient régler pour de bon la question du statut étatique du Monténégro. Malgré la victoire du "bloc monténégrin", il n'en fut pas ainsi. Les événements qui ont suivi cette élection ont été marqués par les affrontements des deux principaux partis, le DPS et le Parti socialiste populaire (SNP), sous l'œil des Libéraux, qui aspiraient à une position d'arbitres suprêmes, en évitant de s'engager avec l'un ou l'autre des deux blocs.
Pour l'essentiel, ces affrontements dominent toujours la scène politique monténégrine. La signature de l'accord de Belgrade sur l'Union de Serbie et du Monténégro a modifié la situation politique, car tous les partis qui se présentent aux élections mettent cet accord au centre de leur priorité, éventuellement pour le critiquer.
Coalition patriotique pour la Yougoslavie
Elle réunit le Parti national socialiste (NSS), qui a pour président d'honneur l'ancien Premier Ministre Momir Bulatovic, le Parti radical serbe de Vojislav Seselj et l'Union de la gauche yougoslave (JUL).Novo Vujosevic est à la tête de cette liste qui réunit, ce qui semblait impensable il y a peu de temps, l'extrême gauche et l'extrême droite. Les bases du programme consistent à sauvegarder la Yougoslavie. La liste s'oppose au transfert de "n'importe quel Serbe" vers le Tribunal de La Haye. Elle considère qu'il faut non seulement se débarrasser de Milo Djukanovic, mais aussi de toute la classe politique du Monténégro. En avril 2001, le NSS a manqué d'un cheveu son entrée au Parlement. Aujourd'hui, la coalition fait le plein de ses sympathisants et compte mordre dans l'électorat du SNP. Elle présente 75 candidats.
Ensemble pour les changements SNP-SNS-NS
Le numéro 2 est revenu à la coalition des vieux partenaires, les mêmes qui s'étaient autrefois présentés sous le nom d'Ensemble pour la Yougoslavie. Le meneur de la liste est naturellement le président du plus important de ces partis, le SNP, Predrag Bulatovic. La liste présente 75 candidats. Durant la campagne électorale, la coalition s'est fixé l'objectif d'obtenir 38 mandats, ce qui lui donnerait la majorité absolue. Leur principal objectif consiste à détruire le pouvoir de Milo Djukanovic. La coalition met aussi en avant la lutte contre la corruption et la mafia au Monténégro. Elle affirme que "quand elle sera au pouvoir, elle prendre immédiatement une loi contre les profits illicites, sur la lutte contre la corruption et le crime organisé". La coalition affirme que l'objectif de sauver la Yougoslavie a déjà été atteint à travers la formation d'une nouvelle Union entre la Serbie et le Monténégro. Elle espère que 80% des électeurs se rendront aux urnes.
Parti pour la défense des épargnants et la protection sociale
Comme lors des précédentes élections, la tête de liste est Djerdj Saljanin. Même si ce parti est faible, il présente tout de même 49 candidats. Le but principal est de défendre les épargnes. Le parti ne se prononce pas plus sur les questions politiques et a mené une campagne discrète.
Parti socialiste de Yougoslavie avec les Communistes pour la sauvegarde de la Yougoslavie
La liste est conduite par Borivoje Cetkovic. La longue liste des candidats, 75 au total, a été formée grâce à des réseaux de solidarité, plus que dans le but de connaître le succès électoral. La liste réclame "un vrai projet pour les jeunes, l'éducation et la culture". Elle se prononce "pour le travail, l'égalité des sexes et des générations, des peuples et des races, des confessions et des classes". Elle se donne aussi pour but de défendre la Yougoslavie dans sa forme de 1992, et le retour au système socialiste.
Alliance libérale du Monténégro (LSCG) www.lscg.crnagora.com
Elle n'a manqué aucune élection. La tête de la liste n°5 est Miodrag Zivkovic. Les Libéraux ont mené une dure campagne, essentiellement dirigée contre le DPS et Milo Djukanovic. En se préparant à une coalition avec Ensemble pour les changements, avec qui ils dirigent quatre municipalités, ils ont mis au premier plan la lutte contre le crime, la corruption et la mafia. Ils ont fait passer au second plan la base de leur programme - l'indépendance du Monténégro - car ils estiment que la signature de l'accord de Belgrade a fermé le débat sur ce point pour "au moins trois ans". Les Libéraux s'abstiennent aux élections fédérales, et n'ont jamais reconnu la Yougoslavie. Ils présentent 74 candidats.
Coalition démocratique bosniaque - Harun Hadzic
Cette liste de 33 candidats est conduite par Harun Hadzic. Leur objectif est que les Boshniaques retrouvent leur spiritualité, leur culture et leur autonomie politique. Ils critiquent le gouvernement qui a nié leur identité et demandent pourquoi, au cours des cinq dernières années, il n'y a eu aucun représentant boshniaque légitime et mandaté dans les institutions d'Etat. Leur slogan est "sans les Boshniaques, pas de démocratie". Ils considèrent que leur retour au Parlement serait le début de la reconstruction de la fierté nationale.
Coalition boshniaque
Cette liste de 52 canhdidats est codnuite par Kemal Purisic. Elle a les mêmes objectifs de base que la Coalition conduite par Harun Hadzic : elle se bat pour les droits de la minorité boshniaque-musulmane. Lors des précédentes élections parlementaires, cette liste était plus proche de l'idée de sauvegarder la Yougoslavie que de celle d'un Monténégro indépendant. Elle s'est aussi engagée pour que le Sandjak devienne une région autonome dans le cadre de la Yougoslavie. La liste aurait voulu que se réunifient tous les partis boshniaques. Durant la campagne, ils ont critiqué le gouvernement, mais aussi l'opposition - car "ils veulent tous accaparer toutes les voix en dissuadant les électeurs de voter pour les partis boshniaques".
Coalition démocratique - les Albanais ensemble
L'Union démocratique albanaise, La Ligue démocratique au Monténégro et le Parti de la prospérité démocratique se présentent unis aux électeurs, sous la conduite de Ferhat Dinosha. La liste compte 31 candidats. La position qu'ils défendent depuis des années consiste à dire que les Albanais doivent respecter le Monténégro autant que le Monténégro les respecte. Leur priorité politique consiste à définir le statut étatique du Monténégro et, à l'intérieur de celui-ci, la situation des minorités nationales. Cette situation, pour eux, n'est pas acceptable, et ne permet pas le développement démocratique. L'accord de Belgrade ne peut pas résoudre ces problèmes. Durant la campagne, ils ont clairement dit qu'ils n'apporteraient pas un soutien inconditionnel au gouvernement. Ils demanderont que soit clairement défini le statut des Albanais et la décentralisation du pouvoir dans toutes les régions où les Albanais forment la majorité.
Parti radical serbe
Le dirigeant du parti, Ilija Darmanovic, mène cette liste de 60 candidats. Ils se présentent fièrement comme le parti national serbe, et espèrent attirer les voix des déçus de la Coalition patriotique et de la Coalition Ensemble pour les changements. Ils veulent une Union des Etats serbes et, pour eux, le SNP est issu du même panier que le DPS : ces deux partis ne veulent que se partager les postes en fonction d'intérêts personnels.
Liste démocratique pour un Monténégro européen - Milo Djukanovic
Cette liste de 75 candidats est conduite par Filip Vujanovic. La coalition entre le DPS et le Parti social-démocrate (SDP) a reçu le renfort de deux petits partis : l'Alliance nationale de Novak Kilibarda et le Parti citoyen. Les principaux axes de campagnes sont la popularité de Milo Djukanovic et l'idée d'européanisation du Monténégro. Les partis coalisés affirment que la signature de l'accord de Belgrade ne signifie pas la fin de l'objectif d'indépendance du Monténégro, mais que cette possibilité sera tranchée par référendum dans trois ans. Ils dirigeant leurs plus âpres critiques contre la coalition Ensemble pour les changements et les Libéraux. Pour eux, le SNP qui était hier un partisan de la guerre ne peut pas devenir le porteur des changements. Ils s'engagent sur la poursuite des réformes, de la privatisation, et ils répondent à leurs adversaires qu'ils construisent, au lieu de détruire.
Le Parlement sortant
Aux élections d'avril 2001, la coalition DPS-SDP avait obtenu 42% des voix, et elle dispose de 36 mandats parlementaires. La coalition SNP-NS-SNS avait obtenu un peu plus de 40%, et elle a 33 mandats. Les Libéraux avaient obtenu 7,6% et ils ont 6 mandats. Les deux principaux partis albanais ont chacun un député.
Élections municipales à Podgorica et Tivat
Des élections municipales sont également organisées dimanche dans la capitale Podgorica et dans la ville côtière de Tivat. 115 950 électeurs doivent renouveler le conseil municipal de la capitale. Les partis albanais boycottent le scrutin municipal, pour protester contre le fait qu'ils n'aient de représentation spécifique.
Plan de réserve
La récente déclaration de Predrag Bulatovic, selon laquelle le SNP contrôlerait 53% des bureaux de vote a suffi à déclencher l'alarme rouge au siège du DPS. D'après nos informations, le DPS considère que ces déclarations signifient que le SNP aurait un "plan de réserve" pour bloquer les élections si elles ne se révélaient pas satisfaisante pour ce parti. Notre interlocuteur nous a expliqué que ce scénario ne serait pas impossible, quand on considère que le SNP, avec les Libéraux, a déjà "privé de légitimité les institutions d'Etat".
"Renforcée par les événements de Serbie, la Coaltion Ensemble pour les changements pourrait essayer d'empêcher les élections d'être validées", selon cet interlocuteur de la direction du DPS.
Mais Predrag Bulatovic nourrit les mêmes soupçons. Dans une réunion publique à Tivat, il a accusé le gouvernement de se préparer à provoquer des incidents, en accusant le SNP d'avoir fait venir au Monténégro des officiers de l'Armée yougoslave. En réalité, explique le leader du SNP, la police secrète monténégrine prépare un scénario de ce type. "Leur stratégie est de prétendre avoir trouvé des criminels venus de la Republika Srpska de Bosnie en uniformes de l'Armée yougoslave et de répandre la terreur dans les régions où vivent les minorités nationales", a-t-il expliqué.
RESULTATS
DEFINITIFS
Selon les données communiquées par le CEMI et le CeSID, le taux de
participation a été de 77,2% des inscrits.
La Coalition pour un Monténégro européen de Milo Djukanovic (DPS) obtient 48.1% des voix et remporte 39 des 75 sièges que compte le Parlement, selon les résultats préliminaires, écartant ainsi les adversaires qui avaient provoqué la chute du gouvernement et les élections anticipées.
La Coalition pour le changement, principale force d'opposition, qui regroupait les partis pro-yougoslaves (SNP, NS, SNS), a obtenu 39.4% des voix et a gagné 30 sièges.
L'Alliance libérale -favorable à l'indépendance du Monténégro- a obtenu 5.8% des voix et 4 sièges.
La coalition patriotique recueille 2.7%,
La Coalition démocratique bosniaque de Harun Hadzic 0.7%
La Coalition bosniaque de Kemal Purisic 0.7%
Et les Albanais ensemble : 0.2%. La coalition représentant
la minorité albanophone en a remporté deux.
Dans le collège réservé aux Albanais : Les Albanais ensemble obtiennent
44.9% et la coalition pour un Monténégro européen - Milo Djukanovic
recueillent 39.2%
"Le Monténégro a besoin d'un gouvernement stable et de continuer sa route vers l'Europe... Je m'attends à ce que le Monténégro puisse former demain un nouveau gouvernement démocratique, réformiste et compétent", avait souligné M. Djukanovic après avoir voté. "Nous avons obtenu la majorité absolue et nous pouvons former un gouvernement seuls", a déclaré le président Djukanovic après l'annonce des premiers résultats. Il a promis d'inviter les partis albanophones à s'y joindre "afin que notre gouvernement reflète la diversité multiethnique et multiculturelle du Monténégro".
Le Président Djukanovic peut attendre sans inquiétude l'échéance de l'élection présidentielle du 22 décembre.
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VREMEPublié dans la presse : 15 novembre 2002
Mise en ligne : lundi 25 novembre 2002
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Milo Djukanovic est un politicien de combat qui ne montre aucune intention de reculer, même si, ces derniers temps, il a l'air fatigué. Il ne prend pas d'initiative, mais il démontre une claire volonté de rester au pouvoir.
Par Dragoslav Grujic
Milo Djukanovic, bon connaisseur de la tactique politique est devenu le phénomène yougoslave par la durée de son maintien au pouvoir. Il est aujourd'hui le seul politicien influent qui a commencé sa carrière dans les structures communistes. Il a politiquement survécu tous ses homologues issus de la Ligue communiste de la Yougoslavie : Milosevic, Gligorov et Kucan sont partis, mais Djukanovic est resté…
Il est né le 15 février 1962, à Niksic. Il a suivi l'école primaire à Niksic, pour continuer ses études secondaires et supérieures au lycée général et à la Faculté d'économie de Podgorica . Très jeune, il commence une carrière de politicien professionnel. Durant ses études, il a été président de l'organisation de la Jeunesse communiste. Son activité professionnelle au sein de cette organisation continue après sa période étudiante. Entre 1986 et 1988, il été membre de la Présidence de l'Alliance de la Jeunesse socialiste de la République du Monténégro, et ensuite membre de la présidence de l'Alliance de la jeunesse socialiste de Yougoslavie, membre du Comité central de la Ligue communiste de Yougoslavie et candidat à la présidence de la Jeunesse yougoslave. Il est devenu le plus jeune membre du Comité central de la Ligue communiste de Yougoslavie.
En tant que jeune communiste, il a défendu les idées de l'autogestion et du centralisme démocratique. Lors de la révolution anti-bureaucratique lancée par Milosevic, il a été aux premières lignes pour le règlement des comptes avec les anciens fonctionnaires communistes. C'est à cette époque, qu'il a été surnomme Milo Britva, le Couteau. À la XVIIème séance du Comité central de la Ligue communiste de Yougoslavie, ce jeune partisan de Milosevic a été nommé secrétaire de la Présidence. C'est à cette occasion-là qu'il déclare : "La question de la confiance dans les structures de pouvoir est posée dans le pays entier. Il est impossible de continuer avec les dirigeants actuels".
De 1989 à 1991, Milo Djukanovic est secrétaire de la Présidence du Comité central de la Ligue communiste du Monténégro. Les grandes manifestations de janvier 1989 ont fait partir les anciens dirigeants de la Ligue communiste et de la République du Monténégro. Au Congrès extraordinaire de la Ligue communiste monténégrine, Djukanovic déclare que les anciens dirigeants "ont payé le prix de l'immoralité et des confrontations physiques". Une nouvelle structure politique menée par Momir Bulatovic a succédé aux anciens dirigeants. Momir Bulatovic est nommé chef des communistes monténégrins. Milo Djukanovic et Svetozar Marovic sont parmi les personnes les plus influentes de la nouvelle équipe, ceux que l'on appelle les "mladi, lijepi i pametni" (jeunes, beaux et intelligents). On compose des chansons qui parlent d'eux pour les glorifier.
Des chansons sont encore composés aujourd'hui, mais elles ne s'adressent plus qu'à Milo Djukanovic. "Sa Lovcena vila klice, dje si Milo pobjednice" (La fée du mont Lovcen chante que Milo est vainqueur), a-t-on entonné à Podgorica, après les dernières élections législatives qui ont vu la victoire à la majorité absolue de la coalition de Milo Djukanovic.
Le chemin de la division
En 1991, le parti communiste monténégrin comme dernier parti politique héritier de l'ancienne Ligue communiste, est rebaptisé Parti démocrate des socialistes (DPS). À cette époque, Milo n'arrête de justifier sa fidélité au communisme. "Le Monténégro a survécu comme une île de liberté lorsque tous les autres se sont soumis. Pourquoi ne pourrait-il pas résister comme une île communiste ?", demande-t-il. En 1991, Djukanovic déclare qu'il avait commencé à haïr les échecs dus au drapeau croate. Lorsque les unités de réserve monténégrines partent à la conquête Dubrovnik, il le justifie par le besoin de définir la frontière avec la Croatie et de réparer les erreurs des "cartographes bolchéviks".
Après les premières élections démocratiqes au Monténégro, en 1990, Djukanovic est élu député, et le jour de son anniversaire, le 15 février 1991, il obtient son mandat de Premier ministre de la République du Monténégro. C'est le plus jeune Premier ministre d'Europe. Il sera reconduit deux fois à cette fonction, en mars 1993 et en novembre 1996, chaque fois sur proposition de Momir Bulatovic, alors Président du Monténégro. Les gouvernements de Djukanovic se sont fait connaître par de soi-disantes "affaires du siècle" comme la proclamation Monténégro "Etat écologique", les projets concernant les plages de Jaz et de Buljarica, la concession de Sveti Stefan à Jezdimir Vasiljevic et la déclaration suivante : "Aucune loi ne doit poser obstacle aux projets qui vont dans l'intérêt du Monténégro".
En avril 1994, Djukanovic devient l'un des trois vice-présidents du DPS. Il démisssione après les critiques de Momir Bulatovic et d'autres membres du Comité de direction du Parti. Il avait en effet critiqué publiquement le pouvoir de Belgrade et la personne même de Slobodan Milosevic. Un mois plus tard, Djukanovic reprend la vice-présidence du DPS, toujours sur la proposition de Bulatovic, et il garde ce poste jusqu'à l'éclatement du parti.
Lorsque les divisions à l'intérieur du DPS deviennent trop grandes, Milo Djukanovic réussit à conserver la majorité, tandis que Bulatovic et ses partisans doivent former un nouveau parti politique, le SNP (Parti socialiste populaire). Les socialistes de Milosevic déclarent immédiatement que leur partenaire à l'Assemblée fédérale sera le nouveau parti de Bulatovic, et non pas le DPS de Djukanovic.
Aux élections législatives de 1998, Djukanovic forme avec l'opposition la coalition Pour une meilleure vie. Ce groupe obtient la majorité, certes un peu juste, au sein du Parlement. À cette époque, Djukanovic a déjà été élu Président du Monténégro. Il a triomphé de Bulatovic au deuxième tour des présidentielles d'octobre 1997, avec 174745 voix contre 169276.
Le soutien de l'Occident
En s'engageant pour les réformes et les processus démocratiques, Djukanovic a reçu un fort soutien de l'Occident et devenu l'un des critiques les plus acharnés de la politique de Milosevic. Djukanovic est devenu Président lorsque éclatent de grandes tensions politiques au Monténégro, entre le Monténégro et la Serbie et, surtout, la grande crise au Kosovo. La démocratisation, le progrès économique du pays, et l'engagement en faveur des obligations internationales de la Yougoslavie ont été parmi ses priorités lors de son accession aux fonctions présidentielles.
Jusqu'aux élections de 1997, Djukanovic n'était qu'un des membres du trio monténégrin qui exécutait des plans stratégiques de Milosevic. Après le conflit interne au DPS, il est devenu le plus important opposant à Slobodan Milosevic. Son conflit avec Milosevic, en 1997, a été accompagné d'un conflit avec son témoin de mariage et compagnon politique, Momir Bulatovic. Bulatovic a été vaincu aux présidentielles et Djukanovic qui se trouve à la tête d'une large coalition politique est investi le 15 janvier 1998. Non seulement il a éliminé Bulatovic, mais il a laissé à la marge l'Alliance libérale du Monténégro, qui affirme qu'il a volé son programme politique. Le régime dogmatique n'a pu être détruit que par celui qui connaîssait tous ses mécanismes.
Le désaccord entre Djukanovic et le pouvoir à Belgrade a commencé par son conflit avec la JUL (la gauche yougoslave, de Mirjana Markovic, la femme de Slobodan Milosevic). Djukanovic a empêché la JUL d'élargir son influence économique au Monténégro, en disant aux épouses "de rester épouses". Belgrade a répondu par des messages sur les trafiquants et les mafieux du Monténégro.
Selon la rumeur, les nouvelles orientations politiques de Djukanovic ont été économiquement soutenues par le trafic de cigarettes et d'autres marchandises sur l'Adriatique. Ce business a permis de couvrir une partie du budget de la République. En 1996, Djukanovic a continué de renforcer sa position, en gardant sous son contrôle toute l'économie du Monténégro. Dans les tentatives de se libérer d'un Djukanovic peu coopératif, Belgrade a demandé à Bulatovic de destituer son Premier ministre. Ainsi a débuté le conflit entre les deux vieux amis.
Milo Djukanovic s'est opposé à la candidature de Milosevic à la présidence de la RFY. Il lui jette le gant dans un interview publié par Vreme au printemps 1997 : "Aujourd'hui, Slobodan Milosevic est un homme politique dépassé, incapable de donner une réponse stratégique aux défis qui s'imposent à notre Etat. En même temps, il a un mauvais entourage, qui l'empêche de voir les problèmes réels de la Serbie et de la Yougoslavie, à cause du maintien de certains privilèges, selon la recette bien connue des régimes autocratiques".
Avec Zoran Djindjic et la famille
Durant les grandes manifestations de hiver 1996/1997, Milo Djukanovic a définitivement pris ses distances avec le régime de Milosevic. Il a commencé son rapprochement avec Zoran Djindjic, le leader du Parti démocrate. Leurs contacts durent encore : lors de l'agression de l'OTAN contre la Yougoslavie, Djindjic s'était réfugié au Monténégro, par peur du pouvoir serbe.
A l'époque, Milo Djukanovic était considéré comme l'ennemi du régime de Slobodan Milosevic et l'interlocuteur préféré de l'Occident. En 1999, il a reçu la médaille de l'Association internationale des experts politiques, pour son importante contribution aux processus démocratiques. Les précédents lauréats sont Willy Brant, Michail Gorbatchov, Vaclav Havel.
Le conflit entre Milosevic et Djukanovic a précipité une crise étatique latente qui dure encore aujourd'hui, parce qu'elle s'est transformée en un conflit avec Kostunica et le pouvoir fédéral actuel. Cela prouve que le conflit entre Djukanovic et Milosevic n'était pas de nature presonnelle.
Milosevic, perdant, mauvais tacticien et esclave de l'ambition de son épouse et de deux projets en échec, nationaliste et communiste, partisan de l'économie étatisée, a été eliminé de la scène politique parce qu'il ne répondait plus aux besoins des nouveaux riches cachés derrière les sinécures d'état. Même si son origine politique est identique à celle de son ancien maître Milosevic, Djukanovic s'est maintenu au pouvoir. Il est plus jeune et plus flexible, il comprend mieux la réalité et les besoins réels de son pays. Son unique problème tient à ceux qui l'ont aidé à survivre. Les couches sociales enrichies dans la transition qu'il représente sont instables, l'origine de leur argent est floue, la criminalité est leur principale activité économique, les règles du jeu n'existent pas et tout s'accompagne de népotisme et d'une mistérieuse combinaison de politique et d'argent.
Djukanovic est entré dans la vie politique avec un look socialiste pour passer ensuite aux costumes Armani et Christian Dior. Il est souvent critiqué pour sa grande fortune, tout comme pour les promotions professionnelles surprenantes des membres de sa famille
Ses liens avec la mafia représentent depuis longtemps l'épée de Damoclès suspendue au-dessus de la tête de Djukanovic. Il est sorti vainqueur des conflits avec Bulatovic et Milosevic, mais ses ennuis avec les procureurs italiens restent irrésolus. La nouvelle enquête que le Département pour la lutte contre la mafia de Bari a entrepris contre Djukanovic et ses collaborateurs pour "association mafieuse et trafic de cigarettes" a été rendue publique à l'été 2002, mais elle n'a jamais été officiellement confirmée. D'après les médias italiens, les procureurs de Bari sont à la recherche des énormes fonds que Djukanovic aurait déposé en un lieu sûr . On dit qu'il a gagné des millions de dollars dans le trafic illégal des cigarettes. Les initiés affirment que les accusations contre le Président monténégrin sont basées sur des déclarations d'anciens mafieux. Un des témoins, Gerardo Como, a dit à la presse italienne que le Président Djukanovic l'aurait appelé "mon ami mafieux".
Djukanovic a déclaré qu'il n'y avait aucune base pour le mettre en procès. "Je suis parfaitement tranquille, ces accusations ne me déstabiliseront pas, ce sont des démarches ratées".
"Le Monténégro n'est pas un Etat des trafiquants ni une République bananière. Le Monténégro et ses structures d'État n'ont participé à aucune sorte de trafic", répète Milo Djukanovic . Les autorités de Podgorica constatent qu'il s'agit "d'une nouvelle tentative de déstabiliser le Monténégro".
Changeant et responsable
En juin 2000, Milo Djukanovic a repris des forces pour présenter des excuses officielles aux Croates. "En ce qui concerne ma démarche envers l'opinion publique croate, c'est peut-être un des meilleurs moments de ma carrière politique", a-t-il dit au sujet des excuses présentées à Dubrovnik. Dix ans auparavant, lors de la séance commune de la présidence et du gouvernement du Monténégro, le 3 octobre 1991, le Premier ministre Djukanovic déclarait : "Nous allons vaincre dans cette guerre qui nous a été imposée. Pendant notre histoire, nous avons toujours vaincu des ennemis similaires, mais cette fois, nous allons les vaincre et terminer toute vie commune avec eux, j'espère pour toujours".
Tant que Milo Djukanovic ne solde pas définitivement les comptes de son passé, ces tentatives actuelles ne donneront aucun résultat. Une profonde transformation personnelle lui a permis de survivre sur la scène politique. Lors de son ascension politique, il a été un démagogue belliqueux et il se présente aujourd'hui comme un symbole de la transformation. Sa biographie nous amène à nous demander si un ancien communiste et un leader du régime autoritaire postcommuniste peut réellement devenir réformiste, libéral et démocrate.
À ce sujet, l'analyste politique monténégrin Srdjan Darmanovic estime que : "C'est une question de nature éthique, mais, aujourd'hui, elle devient aussi scolastique. En ce sens, Djukanovic est plutôt un cas postcommuniste typique qu'une exception inatendue. Beaucoup d'anciens communistes gèrent aujourd'hui de façon décente la transition économique et politique dans les pays d'Europe de l'Est. C'est pourquoi le passé politique de Djukanovic, en dépit des responsabilités incontestables qu'il porte, ne doit pas représenter un facteur limitatif pour ses actions politiques futures. La politique est un domaine où les succès d'aujourd'hui font oublier les péchés d'hier".
A la différence de Darmanovic, Slavko Perovic, un des leaders de l'Alliance libérale, maintient que "Milo Djukanovic n'est qu'un manipulateur et disciple de Slobodan Milosevic. À l'image de son maître, il ne s'intéresse qu'au pouvoir. C'est un homme du passé, un politicien dépassé".
Milo Djukanovic défend actuellement "une position décente et égale du Monténégro dans le cadre de la Fédération yougoslave". Pendant son ascension politique, il avait parlé de "la peur impudique et infructueuse de l'hégémonisme serbe au Monténégro".
Le président Djukanovic a promis à ses partisans, pendant deux ans, d'organiser un référendum sur l'indépendance du Monténégro, pour conclure finalement que sa priorité était le renouveau de l'Etat et non pas le référendum. Il a sans cesse répété à l'Europe et à Belgrade que le siège monténégrin à l'ONU était "l'unique garantie et l'unique protection de l'identité monténégrine (…) un minimum au dessous duquel on ne peut pas descendre", et finalement, après la réunion avec Javier Solana et l'acceptation de rédéfinir l'Etat commun, il déclare : "J'affirme, en toute responsabilité, que le Monténégro n'a jamais été plus proche de former un Etat depuis 1918". Même s'il disait que personne ne pouvait interdire le référendum au peuple monténégrin, il a accepté les négociations des experts. "Je suis convaincu que notre Parlement adoptera la décision sur l'organisation du référendum à la fin de ces négociations", explique le président. En expliquant son changement d'attitude concernant l'indépendance monténégrine, Milo Djukanovic a constaté : "C'est le maximum de ce que nous avons pu réaliser en ce moment". Le président est toujours sûr de son succès.
Djukanovic est un politicien de combat qui ne montre aucune intention de reculer, même si, ces derniers temps, il a l'air fatigué. Il ne prend pas d'initiative, mais il démontre une claire volonté de rester au pouvoir.